© BELGAIMAGE

 » ROBERTO MARTINEZ PEUT TOUJOURS M’APPELER « 

Igor De Camargo a fait ses valises et quitté Genk où il était revenu il y a à peine un an. A APOEL Nicosie, le Belgo-Brésilien va tenter de gagner une dernière fois sa place dans le noyau des Diables Rouges.

Il fait terriblement chaud à Nicosie. L’été touche lentement à sa fin mais, en plein soleil, le thermomètre dépasse facilement les quarante degrés. Ceux qui le peuvent cherchent la fraîcheur à l’intérieur. Nous invitons Igor De Camargo à faire une séance photos au checkpoint de la partie turque de Nicosie mais il refuse poliment. Nous pensons que c’est à cause de la météo mais, manifestement, l’ex-Diable Rouge (9 sélections) a été parfaitement briefé sur ce qu’il pouvait faire et ne pas faire dans cette ville divisée.  » Ici, la politique est un sujet délicat « , dit De Camargo.  » On doit faire attention à ce qu’on fait. Imaginez que la direction ou les supporters tombent sur une photo de moi au poste-frontière. Ils me lyncheraient (il rit).  »

La veille de l’interview, De Camargo et APOEL Nicosie ont été éliminés aux barrages pour l’accès à la Ligue des Champions et son agenda est chargé : finaliser son déménagement de Belgique à Chypre, inscrire son fils de six ans dans une école privée francophone.  » Pas facile de trouver une maison ici. Les agents immobiliers sont un peu fous. Leur raisonnement est simple : les footballeurs sont des millionnaires et peuvent tout payer. Ils demandent donc des prix exorbitants pour des maisons ordinaires. J’ai également visité de belles villas mais elles sont au milieu du désert. Vous avez-vu ces tonneaux étranges sur les toits des maisons ? Ce sont des réservoirs d’eau utilisés pour l’air conditionné. Sans airco à la maison, on ne survit pas.  »

Vous avez quitté la pluie belge pour le soleil chypriote. Avez-vous dû vous réadapter ?

DE CAMARGO : En soi, la chaleur ne me dérange pas mais j’ai dû réorganiser ma vie : mettre de la crème solaire aux enfants tous les X temps, éviter les déplacements à pied inutiles… Le meilleur remède contre la chaleur, c’est un plongeon dans la piscine. Et ne pas fournir d’efforts importants. Nous nous entraînons à 8 heures et à 19 heures. Quand j’ai entraînement le soir, je sais que je ne dois pas trop nager pendant la journée. Pour le reste, la vie ici est relax.

Vous ne préférez pas la vie bien réglée à l’allemande ?

DE CAMARGO : En Allemagne, on vit confortablement, on a rarement des surprises. Mais ici, on réapprend à profiter de choses simples. Il ne me faut pas grand-chose : du beau temps, de la bonne nourriture, ma famille. C’est ça, la vie, tout compte fait.

Il y a cinq Brésiliens et Portugais dans le noyau d’APOEL. Cela a-t-il facilité votre intégration ?

DE CAMARGO : Ça rend la vie au quotidien plus agréable. Les Brésiliens jouent ici depuis quelques années et ils savent où il fait bon vivre, où on mange bien. La langue nous rapproche mais j’essaye de ne pas rester à l’écart des autres. Quand on arrive dans un club, il est important de parler avec tout le monde. Ma connaissance des langues m’aide beaucoup. Je peux parler portugais avec les Brésiliens, français et espagnol avec Urko Pardo, un Espagnol né à Bruxelles, néerlandais avec le gardien Boy Waterman et anglais avec les Chypriotes, qui sont minoritaires dans le vestiaire.

COMPROMIS AVEC MADAME

Vous aurez 35 ans au terme de votre contrat. APOEL est-il votre dernier club ?

DE CAMARGO : J’ai envie de dire non. Je vais atteindre mon premier objectif, qui était de jouer au plus haut niveau jusqu’à mes 35 ans mais je sens que mon corps peut encore tenir le coup pendant quelques années, même dans des matches intenses comme ceux de la Ligue des Champions.

L’idée, c’est de jouer encore deux ans en Belgique puis de terminer votre carrière au Brésil ?

DE CAMARGO : Dans ce cas, la boucle serait bouclée. Je n’ai jamais joué en championnat au Brésil. Des circonstances m’ont forcé à partir en Europe pour devenir professionnel. Pendant toutes ces années, je me suis dit que je retournerais un jour au Brésil pour y jouer dans un club. Je sais déjà que cela me procurera des sensations incroyables. Quand j’étais petit, je rêvais de la Seleção. A douze ans, j’avais déjà revu mes ambitions à la baisse : je voulais porter le maillot de São Paulo ou celui de Flamengo.

Il y a un an et demi, vous auriez pu aller au Qatar. Pas cette fois ?

DE CAMARGO : Je n’ai que 33 ans, il n’est peut-être pas encore trop tard pour rejoindre le Moyen-Orient. Évidemment, on ne part pas là-bas uniquement pour jouer au football, nous n’avons qu’une très courte période pour assurer nos vieux jours. Mais l’argent n’est pas tout et je n’ai pas à me plaindre de ce que je gagne à Chypre. Ma femme et moi avons décidé que ce serait elle qui choisirait mon dernier club. Elle m’a déjà prévenu : je peux aller partout, sauf en Chine. Nous trouverons peut-être un compromis : elle retourne au Brésil et je vais jouer un an en Chine, puis nous nous établissons quelque part pour toujours (il rit).

Vous auriez pu choisir la facilité et jouer à l’Antwerp, en D2. Cette proposition était-elle concrète ?

DE CAMARGO : Je n’ai jamais eu personne de l’Antwerp au téléphone. Si on m’avait approché, j’aurais pu y réfléchir mais les choses ne sont pas allées aussi loin. Un jour, ma femme a reçu un SMS d’une amie qui lui disait : Contente que tu restes en Belgique. Elle est tombée à la renverse. J’étais au Brésil et elle m’a envoyé la photo de l’article disant que j’allais à l’Antwerp. Apparemment, maintenant, on fait des transferts sans que les joueurs soient au courant (il rit).

ANVERS AU CARRÉ

A Nicosie, les gens sont au moins aussi passionnés par le football qu’à Anvers.

DE CAMARGO : C’est Anvers au carré. Les gens sont dingues d’APOEL. J’ai déjà mangé gratuitement au restaurant et on me fait des réductions partout où je vais. Toute la ville ne parle déjà que du derby entre Omonia et APOEL. Les supporters m’ont déjà prévenu : Igor, contre Omonia, il faut leur rentrer dedans (il tape du poing dans la paume de sa main, ndlr). Ces gens s’y entendent pour mettre de l’ambiance. Face à Copenhague, ils ont sauté et chanté pendant 90 minutes. Pas seulement le noyau dur derrière le but mais les trois autres tribunes aussi. C’était impressionnant.

C’est pour cela que les équipes européennes ont peur de venir à Nicosie.

DE CAMARGO : Le public y est sans doute pour quelque chose. Contre Rosenborg, lorsque nous avons marqué à la 91e minute – ce fameux match au cours duquel nous avons inscrit trois buts dans les arrêts de jeu – j’ai cru que le toit de la tribune s’effondrait. Les supporters s’accrochaient au grillage par dizaines. Je n’avais vu cela qu’une fois : en 2011, lorsque j’avais fait 1-0 pour Mönchengladbach dans un test-match face à Bochum pour le maintien en Bundesliga. Mais il y avait 55.000 personnes dans le stade.

Vous n’êtes resté qu’un an à Genk. Y étiez-vous excédentaire ?

DE CAMARGO : Après le match aller à Westerlo, juste avant la trêve hivernale, Peter Maes m’a écarté sans la moindre explication. A ce moment-là, j’étais le meilleur buteur du club avec six buts. Par la suite, je n’ai plus été titularisé qu’une seule fois : fin mai, lors de la finale des play-offs II face à Charleroi. Cela ne servait donc à rien de rester. Quand on ne joue pas pendant six mois, autant partir, c’est mieux pour tout le monde.

Etes-vous allé trouver Maes pour qu’il vous explique son choix ?

DE CAMARGO : Nous avons discuté à quelques reprises de ma situation. Il avait ses arguments, j’avais les miens. Mais il était évident que Maes voulait jouer autrement, qu’il voulait instaurer un système convenant mieux aux qualités de l’équipe. C’est pourquoi, après la trêve, le club a acheté Karelis et Samatta. Je dois admettre que Maes a eu raison.

ÉTERNEL OPTIMISTE

Genk savait que vous étiez un attaquant de surface. Pourquoi tout changer quelques mois plus tard ?

DE CAMARGO : Je n’en ai pas la moindre idée. Etait-ce une idée de l’entraîneur ou un choix de la direction ? Tout ce que je sais, c’est que Maes n’avait plus besoin d’un joueur comme moi. Par contre, je ne sais pas comment il en est arrivé à cette conclusion. Je respecte son choix, un point c’est tout.

Lors de votre présentation, la direction du club avait dit qu’avec votre expérience, vous deviez également jouer un rôle important au sein du vestiaire.

DE CAMARGO : Je le pensais aussi mais je sais que j’ai fait mon boulot et que j’ai rendu de grands services à l’équipe quand j’ai joué. Je suis un éternel optimiste et je me disais que je devais continuer, que la vie était plus belle quand on était animé d’un état d’esprit positif.

Lorsque vous avez quitté le Standard, vous avez dit que vous ne vous y sentiez plus chez vous. Etait-ce le cas à Genk également ?

DE CAMARGO : J’ai quitté Genk pour des raisons sportives. Maes et moi nous sommes quittés en bons termes. Il m’a encore envoyé un SMS récemment et nous nous sommes téléphoné. Au Standard, c’était une tout autre histoire. Là, je suis vraiment parti avec un goût amer. C’était comme si ma femme et mes enfants me chassaient de chez moi. Ça m’a fait mal car j’ai toujours eu une relation spéciale avec le Standard.

Que retenez-vous de votre dernière saison en Belgique ?

DE CAMARGO : Sur le plan humain, mon retour à Genk a été formidable. J’ai découvert des gars très chouettes : Buffel, Pozuelo, Ndidi, Bailey, Kebano, Kumordzi. Lors de la deuxième partie de la saison, je n’étais plus titulaire mais j’avais un certain impact sur le vestiaire. Pourquoi ? Parce que ces joueurs me respectaient. Kebano a même admis que lors de sa première saison à Charleroi, alors que j’étais au Standard, il prenait mon personnage dans son équipe pour jouer à FIFA sur PlayStation (il rit). Quelle différence avec le vestiaire du Standard ! A Genk, après une défaite, nous cherchions une solution au lieu de nous rejeter mutuellement les fautes. Finalement, c’était un vestiaire facile à gérer. Je n’ai dû me fâcher qu’une fois, en début de saison. Le seul qui avait un caractère spécial, c’était Bailey. Pas qu’il soit égoïste mais il aimait se faire remarquer. Les autres joueurs étaient très cool.

TOUJOURS DISPONIBLE

N’est-il pas regrettable que cette équipe risque d’éclater avant d’avoir remporté quoi que ce soit ? Kabasele et Kebano sont partis, Bailey et Ndidi sont sur le départ…

DE CAMARGO : Si Genk perd Ndidi et Bailey… Ce sera très difficile. Mais avec le potentiel actuel, c’est l’une des meilleures équipes belges au sein desquelles j’aie évolué. Elle me fait un peu penser au Standard de l’époque Defour, Witsel et Mbokani. Une équipe avec des gars comme Ndidi, Bailey, Pozuelo et Heynen, un jeune bourré de talent dont vous entendrez bientôt parler, doit pouvoir remporter un trophée.

Le 6 septembre, les Diables Rouges jouent leur premier match de qualification pour la Coupe du monde à Chypre. Vos équipiers chypriotes évoquent-ils déjà ce match ?

DE CAMARGO : Au cours des dernières semaines, on n’a parlé que de la Ligue des Champions. Les Chypriotes n’avaient donc pas encore en tête ce match contre la Belgique. Quelques équipiers m’ont déjà demandé en rigolant avec quel pays je tiendrai. Question idiote, bien entendu. J’ai joué avec tous les joueurs du noyau actuel des Diables, ce sont mes potes. Si j’en ai l’occasion, j’irai les encourager au stade.

Votre neuvième et dernière sélection remonte déjà au 14 novembre 2012, face à la Roumanie. Avez-vous définitivement fait une croix sur les Diables Rouges ?

DE CAMARGO : Définitivement ? (il fronce les sourcils) Avez-vous entendu dire qu’on ne me voulait plus chez les Diables ? Je ferai une croix sur les Diables Rouges le jour où j’arrêterai de jouer au football, pas avant. Si Roberto Martinez pense que je mérite une nouvelle chance, il peut m’appeler.

Il y a quand même beaucoup de chances que Martinez ne sache même pas qu’un Belge joue à Chypre.

DE CAMARGO : Je vais disputer l’Europa League avec APOEL et nous luttons pour le titre en championnat. Si je me débrouille bien dans ces deux compétitions, je pense que je peux revenir dans le parcours.

Un bon De Camargo a donc encore sa place chez les Diables ?

DE CAMARGO : Je ne vais pas faire la sélection à la place du coach.

Quel regard jetez-vous sur votre carrière en sélection ?

DE CAMARGO : C’est une période que j’ai beaucoup appréciée. J’ai eu la chance de jouer avec Hazard, De Bruyne, Kompany, des joueurs qui figurent parmi les meilleurs à leur poste et de très chouettes gars. J’ai suivi de grands matches au premier rang. Ai-je eu la malchance de tomber sur des gars comme Lukaku, Benteke et Origi, qui émergeaient ? Peut-être mais c’est la meilleure chose qui soit arrivée à la Belgique. Ils ont placé la barre très haut pour les futurs attaquants qui prétendent à une place en équipe nationale. Je ne regrette qu’une chose : je n’ai jamais pu inscrire un but pour mon pays. Mais je n’ai jamais regretté une seule seconde d’avoir opté pour les Diables Rouges.

PAR ALAIN ELIASY – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Le Genk actuel me fait penser au Standard de l’époque Defour-Witsel-Fellaini.  » – IGOR DE CAMARGO

 » Je ne ferai une croix sur les Diables que le jour où je remiserai mes boots.  » – IGOR DE CAMARGO

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire