Réinventer l’initiation

Une méthode simple et belge pour que le cuir ne soit plus un ennemi mais un copain…

Quel est le point commun entre les internationaux Steven Defour, Faris Haroun et Steve Colpaert ? Tous se sont entraînés à l’école sport-élite de Louvain avec le soccerpal, un concept mis au point il y a 15 ans par Michel Bruyninckx, prof et coach de foot.

Michel Bruyninckx : Soccerpal est l’association de soccer et de pal (ami en anglais). Je veux effectivement faire du ballon un pote pour celui qui l’utilise. Le foot, c’est avant tout la capacité d’apprivoiser ou de dompter la balle, l’instrument-clé de ce sport. En Belgique, il était devenu de plus en plus accessoire. J’ai entraîné jadis les équipes de jeunes de Saint-Trond et du Standard et l’accent y était mis sur le coffre et les capacités physiques davantage que sur la technique. Ce constat se vérifie d’ailleurs toujours chez la plupart des équipes de jeunes.

Bon nombre des équipes sont compo-sées de garçons nés lors des trois ou quatre premiers mois de l’année plutôt qu’en novembre ou décembre. Tout simplement parce qu’un écart d’une demi-année chez un enfant ou un ado se vérifie sur la morphologie. Et, soucieux des résultats, les clubs préfèrent généralement des éléments qui, dans une même catégorie, comptent l’un ou l’autre kilo ou centimètre en plus que leurs compagnons.

Ce qui est perceptible à cet échelon l’est aussi au plus haut niveau. Nous sommes abreuvés de statistiques qui nous disent que tel ou tel a couvert dix ou douze kilomètres tout au long du match et qu’il a touché par exemple quarante fois le ballon. Pour beaucoup, le décalage est à ce point important entre la distance parcourue et le nombre de contacts avec le cuir qu’ils se braquent de plus en plus sur l’aspect athlétique. C’est oublier que l’essentiel, c’est le ballon et le bon usage qu’on en fait.

Au lieu de cultiver le physique, j’ai préféré m’attarder sur le toucher de balle, pour qu’il soit vraiment le meilleur possible. Et on ne peut favoriser la chose qu’en multipliant les contacts. L’idée m’est venue de placer un ballon dans un filet et de rattacher l’ensemble au poignet du joueur. En jonglant de la sorte, avec l’intérieur, l’extérieur ou le coup de pied, le ballon revient toujours et on peut donc répéter ses gammes à l’envi. Ma méthode est ce que le jokari est au tennis. Ou le mur, voire un partenaire, pour un joueur, désireux de recevoir le ballon sur lequel il shoote en retour.

Pour effectuer 2.000 touches par jour !

Qui utilise votre méthode ?

J’ai la chance de pouvoir compter sur un ambassadeur de choix puisque le Sporting d’Anderlecht l’applique dans les catégories des U7 jusqu’aux moins 11. A partir de cette tranche, son utilisation est un petit peu moins prononcée. A cet âge, on joue effectivement pour la première fois à 11 contre 11 et des critères tactiques se greffent alors sur le foot-plaisir. Mais chez les plus jeunes, le soccerpal fait partie du programme d’entraînement. En guise d’échauffement, il n’est pas rare de voir ces jeunes, nu-pieds le plus souvent, multiplier les touches de balle. En général, on estime à 2.000 le nombre de contacts journaliers avec le ballon. Ce qui contraste avec ces entraînements dont la première partie est de courir autour du terrain. Le soccerpal présente l’avantage appréciable de pouvoir être utilisé partout : dans la cuisine, sur le quai de la gare, etc. Il peut également servir tout au long d’une carrière.

Steve Colpaert, par exemple, en fait un usage journalier alors qu’il s’agit d’un pro confirmé. Idem en ce qui concerne Dries Mertens, ancien élève de la Topsportschool également, ici à Louvain, et qui compte parmi les meilleurs techniciens belges. Le soccerpal a favorisé chez lui l’usage des deux pieds, tout comme chez Faris Haroun. A force de travailler ses deux pieds, le gars d’Utrecht n’a plus de pied de prédilection. Au moment de son départ de l’école de sport-élite de Louvain, nous avons mesuré sa force de frappe : 120 kilomètres/heure à droite et 118 à gauche, ce qui est minime comme écart.

Faris Haroun était actif chez les jeunes, au RWDM, quand son père l’a inscrit chez nous. Si vous pouviez faire en sorte qu’il utilise son pied gauche, ça me ferait vraiment plaisir m’avait dit son père à l’époque. J’étais alors le seul à qui il avait fait passer ce message. Après quelques mois, lors d’une évaluation par un de nos entraîneurs, la famille Haroun s’était vu remettre un bulletin sur lequel était inscrit : jeunegaucher prometteur. La bonne utilisation des deux pieds est un cheval de bataille pour moi.

Pourquoi ?

Les asymétries sont nombreuses en football. La plupart des coachs préfèrent travailler les points forts des joueurs plutôt que de remédier aux points faibles. Résultat : beaucoup sont soit des purs droitiers ou des purs gauchers. Ce qui entraîne inévitablement des déséquilibres, au niveau du bassin notamment et des dysfonctionnements par rapport à la proprioception.

Près de 50 % des joueurs des Coupes du Monde 2002 et 2006 prenaient au moins un médicament avant le match. Dans la moitié des cas, des anti-inflammatoires. En travaillant les deux pieds, dès le plus jeune âge, on évite dans une large mesure ces désagréments. Sans compter que cette faculté de pouvoir s’appuyer à la perfection sur une jambe comme sur l’autre constitue une arme de choix.

Xavi est son modèle

A l’étranger, vous avez des adeptes ?

Je suis sollicité à intervalles réguliers, tant en Belgique qu’ailleurs. Récemment, Visé s’est manifesté par l’intermédiaire de José Riga. C’est Frédéric Waseige, qui a fait un reportage sur ma méthode, qui l’avait tuyauté. Il faut dire que son père, Robert, est convaincu de son bien-fondé aussi. Selon toute vraisemblance, soccerpal va être utilisé par les jeunes Visétois. Au plus haut échelon belge, le Racing Genk, le FC Malines, le Germinal Beerschot et Saint-Trond sont des inconditionnels aussi. A l’étranger, nous sommes bien implantés aux Pays-Bas, tant à Amsterdam, Rotterdam ou Eindhoven et Enschede. En Angleterre, les équipes féminines de Chelsea utilisent nos compétences et elles devraient être étendues incessamment aux catégories d’âge des Blues. Ailleurs, le Red Bull Salzbourg est concerné lui aussi et bientôt des académies de Ballritmics s’ouvriront au Québec, en Californie, de même qu’au Brésil. Ballritmics est en fait le prolongement de soccerpal.

Tandis qu’avec le ballon et son filet, l’approche est individuelle, Ballritmics s’adresse à un groupe plus élargi mais avec le même souci de capacité kinesthésique. A force de frapper et de refrapper le ballon, attaché dans un filet, un joueur finira par répéter ce geste de façon automatique, même s’il a les yeux bandés. D’une manière similaire, s’il alerte un partenaire à un certain rythme, en se passant et repassant le ballon, il y arrivera aussi les yeux bandés. Cette automatisation est importante : les meilleurs n’ont pas besoin de fixer le regard sur le ballon pour le conduire ou le transmettre et savent, avant même de recevoir le cuir dans les pieds, où le transmettre. A cet égard, le footballeur espagnol est, pour moi, la référence suprême. Et Xavi en particulier.

Pour quelle raison ?

Xavi, ce ne sont pas 40 contacts avec le ballon par match mais plus de 100. Avec un déchet qui n’atteint pas les 2 %. C’est aussi un footballeur qui présente la particularité de faire courir le ballon plus que lui. Malgré son rôle de médian au FC Barcelone et en sélection espagnole, il n’appartient pas à ces fameux marathoniens qui couvrent une douzaine de kilomètres par match, voire davantage. Par contre, si on mesure la distance parcourue par le ballon, chaque fois qu’il le transmet, on arrive à un total appréciable. Je vise à former ce joueur-là : un type qui joue juste et vite et qui fait travailler le ballon plus que lui-même.

par bruno govers

« Je vise à former un type qui joue juste et vite et qui fait travailler le ballon plus que lui-même. « 

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