Il n’y aura pas d’EURO 2011, et donc pas de JO 2012, pour les Espoirs. Avec quelles conséquences pour leur sélectionneur qui n’est sous contrat au Standard que pour une saison encore ?
J ean– FrançoisdeSart a-t-il coaché, vendredi passé en Slovénie, ses Espoirs pour la dernière fois en compétition officielle ? Son contrat court jusqu’en juin 2011, mais comme la Belgique ne participera pas à l’EURO qui se disputera ce mois-là, seuls des entraînements et des matches amicaux figureront encore au programme. Son contrat à l’Académie Robert Louis-Dreyfus court, lui aussi, jusqu’en juin 2011. Bizarre pour une fonction qui devrait, par essence, être à long terme, mais c’est ainsi. Bref, Jules sait ce qu’il fera pendant les neuf prochains mois. Ensuite, ce sera de nouveau un grand point d’interrogation…
La porte des Diables Rouges ne s’est jamais ouverte
L’élimination des Espoirs de l’EURO 2011, totalement éclipsée par la défaite des Diables Rouges contre l’Allemagne, est particulièrement douloureuse. Il y a un mois, on s’était dit qu’une qualification tiendrait du miracle. Mais la première partie du miracle s’était réalisée lorsque les Diablotins se sont imposés 0-1 en France. Une deuxième victoire en Slovénie, associée à un résultat favorable dans l’autre match, était encore nécessaire pour que le miracle soit total. Malgré les absences de TobyAlderweireld et JelleVossen (réquisitionnés par GeorgesLeekens) plus MehdiCarcela (interdit de participation pour cause d’hésitation entre le Maroc et la Belgique), les Espoirs ont mené 0-2 avant de se faire rejoindre à 2-2 à neuf minutes de la fin. D’autant plus râlant que, dans l’autre match (qu’on ne maîtrisait forcément pas), l’Ukraine et la France ont réalisé le résultat qu’on espérait : un partage 2-2, là aussi. Pas d’EURO 2011, donc, et par voie de conséquence, pas de JO 2012 non plus.
Que deviendra de Sart ? C’est lors des Jeux Olympiques précédents, à Pékin 2008 (atteints via une 4e place à l’EURO 2007), que le Liégeois avait conquis ses lettres de noblesse. Celles-ci auraient dû lui ouvrir des portes vers de plus hautes destinées, mais elles se sont refermées inexorablement. Son rêve secret, qu’il n’avouait que du bout des lèvres face à la presse, était de pouvoir poursuivre avec » son » groupe à la tête des Diables Rouges. Cela lui a été refusé, alors que pourtant, les résultats de RenéVandereycken étaient loin de répondre à l’attente. Le mandat du Limbourgeois a finalement été reconduit, d’une voix, alors qu’un membre votant du comité exécutif (favorable à de Sart, paraît-il) s’était fait porté pâle. Un an plus tard, lorsque Vandereycken a été limogé, le nom de de Sart était revenu dans les conversations, cité parmi les candidats possibles. Et PhilippeCollin était, semble-t-il, relativement favorable à sa nomination. Mais lorsque la possibilité d’engager DickAdvocaat s’est présentée, le CV du Liégeois n’a subitement plus pesé très lourd face au palmarès impressionnant du Néerlandais.
A vrai dire, malgré la 4e place (première équipe européenne) conquise aux JO de Pékin, la plupart des décideurs et des personnages influents du football belge ont toujours été sceptiques à propos de de Sart. Le fait d’être Wallon a-t-il été un handicap ? On ne doit pas tout placer sur le plan communautaire. Même s’il est presque aussi difficile d’avoir un coach fédéral francophone qu’un Premier ministre issu du sud du pays, il n’est pas certain qu’un Jef Van der Sar aurait eu plus de chances de décrocher la timbale. Ce n’est pas dans les habitudes de l’Union belge d’avoir une vision à long terme, de promouvoir un entraîneur avec son groupe. On est catalogué » entraîneur de jeunes « , donc forcément » sans expérience au plus haut niveau « . D’autres, avant de Sart, ont été confrontés à cette situation. A commencer par ArielJacobs, qui a également travaillé à la fédération de 1982 à 1999. Il a dû commencer sa carrière d’entraîneur de club en D2, au RWDM (qu’il a fait monter), puis à La Louvière (avec qui il a remporté la Coupe en 2003). Et même à ce moment-là, on se demandait s’il était capable d’entraîner un grand club ?
PhilippeSaint– Jean, ancien entraîneur des Espoirs lui aussi, a dû attendre ses 50 ans pour qu’on lui offre une place en D1 à Mouscron. Au contraire de Jacobs et Saint-Jean, Jef de Sart a été joueur de D1 (au FC Liégeois et à Anderlecht). Mais cela ne suffit visiblement pas pour considérer qu’il a l’expérience du haut niveau. Le tournoi de football des JO continue à être considéré, par certains décideurs, comme une compétition mineure alors qu’un certain LionelMessi y a participé.
La presse du nord du pays, généralement très influente, a-t-elle pesé dans la décision ? » Cela s’est bien passé avec la presse flamande à Pékin « , rappelle de Sart, » et je continue à entretenir de bons rapports avec les journalistes qui étaient présents. » Ce sont peut-être ceux qui n’y étaient pas qui ont émis les critiques les plus virulentes…
Ses détracteurs lui reprochent des méthodes trop douces. » Mais chaque entraîneur a ses propres méthodes, et si elles fonctionnent, que peut-on lui reprocher ? », se défend l’intéressé. D’autres détracteurs, confrontés à la réussite de l’EURO 2007 et des JO 2008, ressortent l’échec des barrages 2006 (élimination à domicile 1-3 contre l’Ukraine après avoir gagné 2-3 à l’aller à Kiev) pour trouver à de Sart certaines lacunes au niveau tactique. Ces mêmes détracteurs ne manqueront sans doute pas, aujourd’hui, d’épingler l’élimination de l’EURO 2011 pour affirmer que, depuis Pékin, de Sart n’a pas confirmé.
Quelques rares touches avec des clubs
Toujours est-il que les clubs, eux non plus, ne se sont pas bousculés pour s’assurer les services de l’entraîneur. » J’ai eu des discussions avec Roulers et le Brussels « , affirme de Sart lui-même. » Via la presse et des agents, j’ai aussi eu vent d’un intérêt d’autres clubs, comme Mons et même d’un pays du Golfe. » C’est mince.
Mais de Sart s’est-il bien vendu et était-il demandeur ? » Je n’ai pas d’agent et je ne suis pas allé frapper à toutes les portes pour présenter ma candidature « , reconnaît-il. » J’ai attendu que des offres me parviennent éventuellement. Et si elles n’arrivaient pas, ce n’était pas un drame : j’ai la chance d’avoir un autre boulot. » Et il n’était pas enclin à abandonner sa banque pour un job éphémère de coach principal, dans un club où toutes les conditions de réussite n’étaient pas réunies et où le risque de se retrouver sur le carreau après six mois était réel.
Mais Roulers a, donc, bel et bien pris contact avec lui. » C’était en novembre 2008 « , explique le directeur général du club, PatrickVerhamme. » DirkGeeraerd venait d’être remercié. Les gens de la cellule sportive, qui ont mené les négociations, me disent que de Sart leur avait laissé une très bonne impression. Pourquoi l’affaire ne s’est-elle pas concrétisée ? Pour deux raisons, essentiellement. D’abord, de Sart hésitait à prendre le train en marche, et à se positionner à la tête d’un groupe qu’il n’avait pas lui-même constitué. Ensuite, il devait s’organiser par rapport à sa banque, trouver un employé capable de gérer les dossiers en son absence. On a finalement opté pour le retour de DennisvanWijk. »
Le Brussels a donc également pris langue avec de Sart. C’était durant l’été 2009, et le club bruxellois a finalement opté pour ChristopheDessy. » On avait une équipe très jeune, et on recherchait donc un entraîneur capable de gérer la post-formation, un gros souci en Belgique « , explique JohanVermeersch. » De Sart, comme Dessy, répondait parfaitement à ce profil. Les problèmes d’organisation, par rapport à sa banque, le faisaient hésiter. Dessy était une bonne solution. Mais j’ai constaté, en pratique, qu’un véritable formateur avait besoin de continuer le travail entamé avec des jeunes depuis plusieurs années. A Lille, 50 % du noyau A est issu du centre de formation. En Belgique, c’est 30 ou 40 % dans le meilleur des cas. L’entraîneur de l’équipe Première est confronté à des toréadors qui imposent leur propre loi dans le vestiaire. Et, face à ces caïds, les véritables formateurs font dans leur pantalon, excusez-moi l’expression. J’aimerais bien faire de la formation. J’ai visité les centres de formation de Lille, de Metz, de l’Ajax. C’est formidable. Mais tout cela a un coût. Il faudrait, au minimum, consacrer 10 à 15 % du budget de l’équipe Première aux jeunes. En Belgique, où l’on a déjà du mal à boucler le budget de l’équipe A, c’est très difficile. »
C’est finalement le Standard qui, en février 2010, après le limogeage de LaszloBölöni, a tendu une troisième perche à de Sart. Qui, cette fois, l’a saisie. Pourquoi ? » D’abord, parce qu’il s’agissait de très court terme : trois mois « , explique l’intéressé. » Cela ne m’engageait à rien par rapport à mes autres occupations. Il s’agissait de travailler en collaboration avec DominiqueD’Onofrio. Je savais que je m’entendrais bien avec lui. Je pense que les résultats n’ont pas été mauvais : on a raté les playoffs I, mais on a atteint les quarts de finale de l’Europa League. »
Pourtant, de Sart n’a pas poursuivi sa mission. Parce qu’il fallait faire de la place pour SergioConceiçao ? Beaucoup de gens l’ont perçu aussi, en considérant qu’il avait été écarté et que son repositionnement à la tête de l’Académie Robert Louis-Dreyfus n’était qu’un moyen de lui faire avaler la pilule. » Moi, je ne l’ai pas perçu de cette manière « , affirme de Sart. » Je trouve, au contraire, que le Standard a envoyé un signal fort, en confiant ses meilleurs jeunes à un entraîneur diplômé, issu de l’Union belge. »
On ne peut pas lui donner tort. Il faut, en effet, rester conséquent. D’un côté, on réclame des entraîneurs compétents (et pas de simples bénévoles) pour s’occuper des jeunes. D’un autre côté, lorsqu’un club agit dans ce sens, on considère qu’il s’agit d’une punition pour l’intéressé. Car, en Belgique, dans l’esprit des gens, on n’est quelqu’un que lorsqu’on entraîne en D1.
De Sart a pourtant tardé avant d’apposer sa signature au bas du contrat qui le liait à l’Académie pour un an. Surtout, parce qu’il tenait à poursuivre sa mission à la tête des Espoirs et qu’il lui fallait pour cela l’accord de l’Union belge. » Je laisse à d’autres le soin de s’inquiéter de mon sort. Moi, je suis heureux dans ce que je fais « , conclut de Sart. C’est le principal.
par daniel devos – photos: belga
« Face à ces caïds, les véritables formateurs font dans leur pantalon. (Vermeersch) «
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici