Que mangent les sportifs?

Nous avons comparé l’alimentation des champions le jour de la compétition. D’un sport à l’autre, les différences sont marquantes.

Marathonienne de haut niveau, Louise Deldicque est surtout professeur en physiologie de l’exercice à la KUL. Elle en connaît donc un bout sur l’alimentation des sportifs de haut niveau. Elle n’est, par exemple, pas étonnée par le régime draconien auquel s’astreignent les sauteuses en hauteur, dont Tia Hellebaut. L’Anversoise a confié que lors des périodes d’entraînement, il lui arrive de ne manger que des fruits le matin, de la soupe à midi et le soir et des noix en guise d’en-cas.

 » Elle n’a pas trop le choix car elle a tendance à vite prendre du poids « , explique Louise Deldicque.  » Or on sait que chaque kilo est handicapant quand il faut sauter en hauteur.  »  » L’alimentation est plus importante dans certains sports que dans d’autres. Elle est primordiale dans les disciplines d’endurance. Un marathonien doit veiller à être le plus léger possible au départ alors qu’un coureur de 100m pourra être performant même s’il a avalé un repas plus calorique trois heures avant son sprint.  » Aujourd’hui, la majorité des sportifs de haut niveau ont pris conscience de l’importance de bien s’alimenter.  » On a vu une nette évolution ces dernières années « , poursuit Louise Deldicque.  » Les basketteurs et les footballeurs sont beaucoup plus rigoureux qu’avant.  » Pour le grand public, cela peut paraître très contraignant mais notre interlocutrice explique que ce réflexe devenu naturel pour beaucoup de sportifs n’est pas aussi pesant que cela.  » Il est clair que ce n’est pas évident de faire attention toute l’année à éviter les aliments trop gras. Mais le sportif de haut niveau va essayer de trouver du plaisir dans d’autres ingrédients, par exemple en ajoutant des herbes ou des épices. La règle est de varier sa nourriture. Vous savez, il n’y a pas de mal à manger de la viande rouge une fois par semaine.  » Blanka Vlasic, la célèbre sauteuse en hauteur croate, a avoué ne manger que des su-shis.  » Ce n’est pas forcément l’idéal car cela peut provoquer des carences.  » Reste qu’aujourd’hui, sport de haut niveau et régime alimentaire strict vont de pair.

Cyclisme : les 13 litres d’eau de Brandt

Sport d’endurance par excellence, le cyclisme nécessite une hygiène de vie sans concession car chaque kilo est pénalisant, surtout en montagne. Retraité depuis fin 2010, Christophe Brandt a couru le Tour de France à sept reprises. Il n’a pas l’impression d’avoir fait de sacrifices durant sa carrière mais est conscient que le régime alimentaire imposé pendant une épreuve de plusieurs semaines est très strict.  » Une journée se résume à deux repas très costauds : le matin et le soir « , dit-il.  » Entre-temps, on s’alimente sur le vélo.  » Trois heures avant le départ, le cycliste s’efforce donc de manger. Beaucoup. Plus qu’à sa faim même.  » Du pain avec de la confiture ou du fromage. Mais également des omelettes, des crêpes ou des pâtes.  » En fin de Tour de France, on doit vraiment se forcer pour manger car on est au bout du rouleau et on n’a plus forcément envie d’avaler de grandes quantités.  » Le soir, parfois tard, le cycliste aura son deuxième vrai repas.  » On a toujours des pâtes, même en entrée, et puis de la viande rouge et des légumes. La difficulté est de recharger les accus sans se gaver, histoire que l’on puisse s’endormir facilement.  » Et entre-temps ? Pendant qu’il est sur le vélo ?  » Cela dépend de beaucoup de facteurs. Mais les cent premiers kilomètres, on veille à manger des aliments solides, comme des barres de fruits ou des petits sandwiches. Dans la deuxième partie de la course, on fait le plein de gels énergétiques car ils font vite de l’effet et nous donnent un bon coup de fouet.  » Et puis, il y a l’eau. Le cycliste en boit plus que n’importe quel autre sportif.  » Dans une étape de montagne, il peut arriver que l’on boive 25 à 30 bidons, soit l’équivalent de 12, 13 litres. C’est ça où l’on ne tient pas le coup.  » Déjà maigre au départ d’une course de plusieurs semaines, le cycliste n’a plus que la peau sur les os après l’épreuve.  » Il m’est arrivé de commencer le Tour de France avec 6 ou 7 % de masse graisseuse et de le finir avec 3 ou 4 %.  »

Tennis : les capsules de sel de Darcis

Le joueur de tennis ne parvient pas toujours à manger ce qu’il veut. Steve Darcis explique :  » Quand tu es en Inde, il n’est pas évident de trouver les aliments dont tu as besoin. Il faut alors s’adapter.  » Depuis quatre ans, le Liégeois travaille avec un nutritionniste.  » Je dois éviter tout ce qui peut provoquer de l’acidité. Je ne bois, par exemple, pas de boissons pétillantes, pas de lait, pas de jus d’orange.  » Depuis qu’il suit ce régime, Darcis est moins sujet aux pépins physiques.  » Je mange normalement, des fruits, des pâtes, du riz, de la viande blanche.  » Pendant le match, il veille aussi à ne rien oublier.  » Dès le premier changement de côté, je mange un morceau de barre énergétique et j’ajoute une capsule de sel dans ma boisson. Parce que si mon corps peut naturellement supporter un effort de deux, trois heures, je dois éviter tout risque de crampes qui pourraient survenir après.  »

Basket-ball : le yaourt de Beghin

Au plus haut niveau, l’image du basketteur lourd, pataud et lesté de quelques kilos superflus a tendance à disparaître. Il n’y a pas qu’en NBA où la dimension athlétique a pris une importance grandissante. En Europe, comme en Belgique, les joueurs qui culminent à plus de deux mètres se montrent plus vigilants aujourd’hui. C’est le cas de Christophe Beghin. Professionnel depuis quinze ans et membre de l’équipe nationale, il évolue à Charleroi. Il nuance cependant d’emblée :  » Je fais partie des joueurs issus de la vieille école. En clair : j’estime que l’on peut encore faire mal à l’adversaire en se reposant sur d’excellents fondamentaux. Dans ce cas-là, il n’y a pas besoin de voler et de courir dans tous les sens pour être efficace.  » C’est vrai qu’en Euroligue (l’équivalent de la Ligue des Champions), les pivots massifs constituent souvent un atout indéniable.  » Le Grec Schortsanitis en est le meilleur exemple « , explique le joueur du Spirou.  » Quand il attaque l’anneau, il est presque impossible de l’arrêter. Pourtant, on voit bien qu’il a quelques kilos en trop. Bien sûr, le risque de blessures est plus présent chez des joueurs de ce format-là.  » Des kilos, Beghin en prendrait durant les périodes de repos s’il ne faisait pas attention.  » Au fil du temps, j’ai appris à me discipliner. Avant, il m’arrivait de monter à 119 kg en été, mon poids de forme étant de 112, 113. Maintenant, je ne prends plus qu’un ou deux kilos pendant l’été.  » Tout ça sans faire appel au service d’un nutritionniste.  » Ma femme veille juste à ce que je mange de manière équilibrée, sachant qu’un gabarit comme le mien a davantage de besoins qu’un meneur d’1,80m.  » En clair, le basketteur évite les frites et les sodas.  » Je m’autorise quand même un coca après un match.  » Le jour du match, Beghin a désormais pris ses habitudes alimentaires.  » Au déjeuner, ce sont des céréales avec du lait. A midi, de la viande, des pommes de terre et des légumes. Et trois heures avant le match, je mange un yaourt.  » Il est bien révolu le temps où le double mètre ne s’appuyait que sur son poids pour faire la différence sous les anneaux.

Natation : les oeufs brouillés de Heersbrandt

C’est bien connu : les journées d’entraînement du nageur sont interminables. La plupart d’entre eux sont déjà dans l’eau à 6 heures du matin.  » C’est une habitude « , explique François Heersbrandt. Qui estime que son régime alimentaire lors d’une compétition n’est pas trop contraignant.  » Il faut éviter d’être ballonné au départ d’une course. Donc, j’évite les bananes juste avant car c’est un fruit difficile à digérer. Mais il est important de bien manger pour reprendre des forces. Ce n’est de toute façon pas lors des quelques jours que dure une compétition que l’on prendra du poids. Donc, les repas qui suivent l’effort doivent être consistants. Il m’arrive dès lors de manger une double ration de pommes de terre ou de légumes cuits.  » Le déjeuner est, on le sait, le repas le plus important de la journée.  » Il est fait de pain, d’oeufs brouillés mais aussi de pâtes et de légumes cuits. Parfois, c’est contraignant surtout que je suis un bon mangeur. Donc, j’essaye de trouver un bon compromis. Je mange sainement mais à ma faim.  »

Football : la pesée hebdomadaire de Chen

Entre 7 et 9, tel serait le pourcentage de masse graisseuse moyen des footballeurs de notre Pro League. Tout porte donc à croire qu’ils font attention à leur alimentation.  » Mais c’est de l’auto-discipline « , explique Xavier Chen, le défenseur du FC Malines en partance pour la Chine.  » A un certain moment, un sponsor nous proposait des compléments alimentaires mais jamais nous n’avons fait appel à un nutritionniste. Nous avons juste pris le réflexe de ne pas exagérer avec les choses trop grasses. Car cela finit toujours par se voir sur la balance.  » Or les joueurs doivent y monter chaque semaine.  » On calcule à chaque fois notre poids et notre pourcentage de masse graisseuse. C’est un point de repère pour l’entraîneur. Avec Marc Brys, quand nous étions deux fois d’affilée au-dessus de notre poids de forme, nous devions venir courir à huit heures du matin.  » Chen n’a pas cette hantise.  » Je ne prends jamais de poids. C’est pourquoi je ne fais pas de régime draconien. Mais j’évite quand même les aliments gras. C’est important de ne pas être dans l’excès, surtout lors du match.  » Ce jour-là, le rituel est immuable.  » Quand nous jouons le soir, je déjeune tard, vers onze heures, souvent des tartines avec du fromage « , dit Chen.  » Ensuite, tous les joueurs dinent ensemble quatre heures avant le match, des pâtes et de la viande blanche. Mais, je dois être honnête : le jour du match, je suis fort nerveux et n’ai donc pas fort faim.  » Quand on lui parle du régime strict que suivent d’autres sportifs, Xavier Chen n’a pas peur de dire :  » Oui, le joueur de foot est un peu privilégié.  » Un privilégié qui ne néglige cependant pas la récupération, à base de boissons énergétiques, voire un coup de fouet à la mi-temps du match.

Athlétisme : le blanc d’oeuf de Kevin Borlée

La discipline, les jumeaux Borlée l’ont dans le sang. Il en va de même pour leur régime alimentaire.  » On a été éduqués à manger sainement « , explique Kevin, le champion d’Europe 2010 du tour de piste.  » Pour nous, il ne s’agit pas d’une corvée mais d’un réflexe naturel.  » Le jour de la compétition, ces spécialistes du 400m savent exactement ce qu’ils doivent faire pour être performants.  » Nous avons besoin d’énergie et de vitalité car il s’agit d’un effort court. Mais je mange à ma faim. Je veille juste à ne pas me nourrir trop tard car je n’en ai pas envie de vomir après un effort aussi violent qu’un 400m.  » Même s’ils n’ont pas de programme nutritionnel bien précis, les twins ont acquis leurs habitudes.  » Je cuisine moi-même, ce qui me facilite la tâche. Bien sûr, le jour de la compétition, je me nourris de ce qu’il y a à l’hôtel et je veille à ajouter des protéines et des glucides pour faire le plein d’énergie.  » Au petit-déjeuner, celui qui s’est classé cinquième lors des JO, mange du blanc d’oeuf, des flocons d’avoine, du pain complet avec de la confiture ou du jambon.  » Ce repas doit être consistant.  » A midi, un peu de viande blanche, des pommes de terre et des légumes. 2 h 30 avant l’échauffement, il remet cela.  » Mais je n’ai pas trop faim à cause du stress.  » Et une heure avant la course, il mange une banane. Et l’eau dans tout ça ?  » On en boit, bien sûr, mais pas trop. C’est mieux de privilégier des boissons isotoniques car l’on va perdre des sels minéraux en courant.  » En période de vacances, Kevin et Jonathan ne contrôlent pas spécialement leur nourriture mais ils font rarement des excès.  » On ne se refuse pas les bonnes choses mais on n’en abuse quand même pas. De toute façon, nous perdons toujours du poids en vacances, du muscle. Après les JO, je pesais 68 kilos, je dois être aujourd’hui à 65. « 

PAR DAVID LEHAIRE – IMAGES: IMAGEGLOBE

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