PROCHE DE LA PERFECTION

Pour la 24e fois, le Bayern a été trop fort pour la Bundesliga. Grâce à Pep Guardiola, cette équipe à la recherche de la perfection a grandi pour devenir une machine inarrêtable.

Cette saison, le suspense, pour le Bayern, n’a jamais commencé au premier coup de sifflet de l’arbitre mais plutôt lors de la divulgation, à chaque match, de la composition de l’équipe par PepGuardiola. Car aucun autre entraîneur n’aura été confronté à un tel problème de luxe. Chaque semaine, l’homme se perdait en conjectures pour savoir quels internationaux mettre sur le banc. De fait, son noyau lui permettait toutes les variantes possibles. De quoi lui valoir quelques fameux casse-têtes. Car qui aligner en pointe, par exemple : Mario Mandzukic ou Thomas Müller ?

Eu égard aux excellents résultats de l’équipe, on pourrait croire que Guardiola n’a pas dû faire des efforts insurmontables pour mener à bien son projet fou : rendre encore plus forte la meilleure équipe du monde. Un défi d’autant plus gigantesque que les Bavarois restaient sur une saison historique, marquée par un triplé : Ligue des Champions, Bundesliga et Coupe d’Allemagne.

Une combinaison de virtuosité, vitesse et puissance : c’est ainsi que l’on peut dépeindre le mieux le Bayern aujourd’hui. À l’opposé de Louis van Gaal, souvent théâtral jadis, Guardiola est plutôt du genre terre à terre. Le Catalan parle en termes clairs et vise une très haute intensité sur le terrain. Chez lui, ce qui frappe, c’est surtout son dynamisme et son implication.

Car, tel un chorégraphe, Guardiola veut une harmonie parfaite des mouvements autour du ballon. En tant qu’ancien joueur lui-même, il sait aussi combien il est dur d’arriver à une telle perfection. Sur ce plan-là, il s’est montré d’emblée très reconnaissant envers ses dirigeants. Tout simplement parce qu’il a reçu, de leur part, la pièce manquante à son puzzle, celle qui lui permet de transposer ses théories sur le football dans la réalité : Thiago Alcántara, recruté pour 20 millions à Barcelone.

Quasi aucun point perdu

 » La Ligue des Champions n’est pas le titre le plus important de la saison pour moi « , a déclaré de manière surprenante l’entraîneur dans un allemand quasi parfait, début mars.  » La Bundesliga a ma préférence. Parce que là, vous avez de tout : des matches avec du vent, de la pluie, des bons ou des mauvais terrains, des blessures. Tout au long de l’année il n’y a vraiment que la compétition allemande qui compte.  »

Défaites et contre-performances, Guardiola les aura à peine connues cette saison. Dans les poules du bal des champions, il a assuré que la défaite 2-3 du 10 décembre contre Manchester City ne l’a pas troublée. Karl-Heinz Rummenigge, le président du conseil d’administration, est d’avis que l’équipe d’aujourd’hui, véritable constellation de vedettes, est encore plus difficile à jouer pour les adversaires que par le passé.

Car Guardiola peut se permettre des tas de permutations. Dans la Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, Thomas Müller a analysé le football du Bayern comme suit :  » Notre force, c’est que nous privons tant et plus l’adversaire du ballon et que nous le poussons à la faute. Notre jeu se déroule plus que par le passé dans la moitié de terrain adverse. Et plus au centre du jeu que sur les flancs. L’an passé nous nous repliions parfois plus bas afin de pouvoir procéder par contres.  »

La recette du succès dans le football de haut niveau, actuellement, c’est de pouvoir jouer le plus loin possible de son propre but et de réduire les espaces dont dispose l’adversaire. Mais cette pratique n’est pas dénuée de risques et requiert beaucoup de concentration et d’intransigeance, en perte de balle, pour les défenseurs centraux et pour le gardien Manuel Neuer.

Mais Guardiola demande à ses joueurs du courage et de la bravoure.  » C’est merveilleux de constater comment un jeune comme David Alaba évolue sans complexe et sans anxiété « , dit-il dans Kicker.

Une approche humaine

L’icône de Barcelone, Xavi, sait que Guardiola ne tolère pas la peur de mal faire, mais qu’il accepte les erreurs. L’entraîneur à succès accepte un très mauvais match livré avec une bonne attitude, mais jamais le contraire. Les valeurs sûres de l’équipe comme PhilippLahm, Franck Ribéry ou Bastian Schweinsteiger ont aussi déjà dû prendre place sur le banc. Sans maugréer pour autant.

 » Ils ne doivent pas interpréter cela comme une punition « , souligne-t-il. Du point de vue psychologique, l’Espagnol est sur la même longueur d’onde que son prédécesseur, Jupp Heynckes. Lui non plus n’a jamais pu être accusé de favoritisme. Chaque joueur, et même Daniel Van Buyten, a toujours reçu sa part de louanges en raison de son attitude professionnelle.

L’approche humaine est même primordiale chez lui. Les jeunes peuvent aussi attendre du coach la même empathie. Comme Pierre-Emile Höjberg (18), un talent de l’école des jeunes du club qui, à la fin de l’année dernière, s’est rendu avec les jambes tremblantes chez Guardiola pour lui révéler que son père avait le cancer. L’entraîneur et le joueur ont laissé couler leurs larmes, le coach a promis de l’aide au joueur et a tenu parole. Par l’intermédiaire des dirigeants du club, une opération dans un hôpital a déjà eu lieu en janvier.

Mais la grande performance de Guardiola, c’est que depuis l’été passé on ne parle plus de Jupp Heynckes, malgré ses énormes états de service. La comparaison n’a pas de raison d’être, dans la mesure où Guardiola réalise déjà des prestations presque similaires à celles de son devancier. Néanmoins, on note quand même une petite différence entre les deux hommes : comme il convient à un véritable Allemand, Heynckes venait toujours à l’heure aux conférences de presse. Guardiola, lui s’y présente invariablement avec quelques minutes de retard. Peut-être parce que la perfection n’est pas de ce monde…

PAR FRÉDÉRIC VANHEULE – PHOTOS : BELGAIMAGES

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