PRIMA DONNA

Propulsé titulaire à 16 ans et demi dans les buts de l’AC Milan, Gianluigi Donnarumma n’a pas cédé à la pression. Ses prestations sont convaincantes et les rossoneri tiennent là leur gardien pour les deux prochaines décennies. Du moins, s’ils arrivent à le conserver.

Quand Gigi rencontre Gigi. Novembre dernier, Buffon félicite un à un ses coéquipiers après la victoire des siens sur le score de 1-0. Le capitaine bianconero tape dans les mains, distribue des sourires, puis se dirige vite vers l’autre bout du terrain à la rencontre de son jeune vis-à-vis et admirateur. Une accolade, un échange de maillots, quelques mots glissés à l’oreille, une autre accolade, un clin d’oeil complice. Pas encore une passation de pouvoir mais une marque d’estime envers celui qui porte le même prénom.

GianluigiDonnarumma disputait seulement son 5e match avec les pros, mais la précocité ne fait pas tout, l’attitude est la bonne selon le  » numerouno  » en personne après cette rencontre :  » Il effectue des choses grandioses, ne serait-ce que le fait d’affronter un stade comme San Siro sans la moindre appréhension. Le maillot du Milan pèse, et pas qu’un peu. Il fait montre de personnalité et de sérénité, car s’il a d’importantes qualités techniques et physiques, ce que j’aime le plus, c’est que l’on parle d’un garçon très posé. Oui, il a la gueule de l’emploi pour percer.  »

On appelle ça un adoubement.

Il fait suite à une investiture. SinisaMihajlovic n’est pas du genre à tourner autour du pot et est très clair lorsqu’il annonce un changement dans la hiérarchie des gardiens du Milan le 25 octobre dernier :  » C’est un choix exclusivement technique. J’ai beaucoup d’estime pour DiegoLopez, mais ces dernières semaines, j’ai vu que Donnarumma était plus en forme. Je ne regarde pas l’âge mais juste qui est bon et qui l’est moins.  »

A 16 ans et 8 mois, ce dernier devient le second plus jeune portier de l’histoire de la Serie A après GianlucaPacchiarotti qui le devance de deux mois avec des débuts en 1980 à Pescara avant de vite disparaître des radars. Une précocité qui surprend jusqu’à un certain point car voilà des années que l’on entend parler des qualités de ce portier en Italie pour avoir été constamment surclassé au sein des équipes de jeunes du Milan, qu’il a intégrées en 2013 moyennant 250.000 €.

Rarement une telle somme a été déboursée pour un gamin de 14 ans. Celui qui est surnommé  » Gigione  » évolue alors dans sa ville natale, au Club Napoli de Castellammare di Stabia. Outre les rossoneri, l’Inter, la Juventus et la Fiorentina le suivent également. Deux éléments feront la différence : sa passion depuis tout petit pour les couleurs rouge et noir et le passage de son grand frère Antonio (de 9 ans son aîné) dans l’effectif du Milan, également au poste de gardien, devenu pensionnaire entre-temps au Genoa.

Un destin tout tracé selon CiroAmore, président de sa première équipe, dans les colonnes du CorrieredelloSport :  » Il a toujours évolué avec plus grand que lui. Lorsqu’il a explosé physiquement, tous les clubs italiens du top ont fait montre d’intérêt pour sa personne. Son transfert à l’Inter était quasiment bouclé mais AdrianoGalliani a été mis au parfum et a fait le forcing.  »

HÉRITAGE GÉNÉTIQUE

Jusqu’alors, Donnarumma cherchait à imiter son grand frère :  » C’est moi qui ai choisi d’être gardien dès mon plus jeune âge, c’est ce que j’ai toujours voulu faire, j’ai en quelque sorte déjà réalisé mon rêve,  » révélait-il pour sa première interview dans la prestigieuse GazzettadelloSport, sorte de première consécration médiatique.

Des intentions claires mais aussi des qualités qui se traduisent par un physique imposant et culminant à 1m97, c’est 5 centimètres de mieux que son grand frère, 10 que son papa Alfonso, 17 que sa soeur Nunzia et à peu près la même taille que ses oncles du côté de sa mère dont l’un a défendu les buts de la Juve Stabia.

Un héritage génétique que le dernier rejeton est en train de magnifier, mais sans perdre le Nord :  » Gianluigi est humble de nature et garde toujours les pieds sur terre. Le fait d’être titulaire du Milan ne lui a créé aucun problème « , confiait le paternel au CorrieredelloSport.

A 14 ans, Donnarumma Jr quitte Pompei, où il résidait, pour la capitale économique italienne milanaise, un choc toujours difficile à encaisser à ce jeune âge :  » Les trois premiers jours, je voulais rentrer à la maison, mais ensuite, je me suis rapidement adapté. Ma famille et mes amis me manquent… ainsi que la pizza !  »

Il prend ses quartiers dans la pension qui héberge les éléments provenant hors de la région et fréquente le centre d’entraînement de Vismara pour y recueillir les enseignements de DavidePinato, ancien portier de l’Atalanta avec qui il a établi la 6e meilleure série d’invincibilité de l’histoire de la Serie A :

 » A son arrivée, Gigi était un peu en surpoids, mais malgré tout, il avait une capacité impressionnante à apprendre les gestes moteur dans un laps de temps assez bref. Il a un talent inné, mais surtout une tête bien faite. Tout part de là, il est rapide et précis dans ses mouvements, ce qui est surprenant pour un jeune. Tout est effectué avec une force, une technique et une coordination hors du commun.  »

Son patron, PippoGalli, ancien défenseur et directeur du centre de formation, ne tarit pas d’éloges :  » Ça arrive une fois sur un million de tomber sur un gardien de cette qualité.  » Un an après son arrivée, le voilà promu en Primavera, équivalent des U19 et dernière catégorie de jeunes en Italie.

Trois jours avant ses 16 ans, il reçoit sa première convocation en pro et finit ainsi la saison dernière en son sein. Donnarumma ne brûle pas les étapes, il les réduit en cendres. Inévitablement, l’attention se concentre vers lui, d’autant que son agent n’est pas du genre à être discret puisqu’il s’agit du célèbre MinoRaiola, mentor de PaulPogba, MarioBalotelli et ZlatanIbrahimovic entre autres :  » Je le compare à un tableau de Modigliani, il vaut 170 millions d’€.  »

Le sens de la formule pour attirer le chaland.

PAS DE PRIX

A 16 ans, Gigione signe son premier contrat pro pour un salaire annuel de 160.000 €, ce qui le projette définitivement dans l’équipe une en tant que troisième gardien derrière les expérimentés Diego Lopez et ChristianAbbiati. Testé lors des amicaux estivaux, notamment face au Real où il stoppe un penalty de ToniKroos. Mihajlovic le tient à l’oeil.

Puis, exaspéré par le jeu au pied du titulaire ibérique, décide de passer à l’acte. Face à Sassuolo, les débuts démarrent couci-couça avec un coup franc de DomenicoBerardi encaissé sur son propre poteau. Dans les travées de San Siro, beaucoup s’interrogent :  » n’était-ce pas trop tôt ?  » Ils auront vite la réponse.

Plutôt que de s’écrouler, Donnarumma ne se démonte pas et enchaîne les interventions pleines d’assurance. Le talent est là, personne n’en doutait. Mais, plus important encore, il s’accompagne d’une indiscutable personnalité. Après trois premières rencontres passées sans trop d’encombres, il montre toute l’étendue de son talent face à l’Atalanta, à San Siro.

Milan souffre et il le sauve avec plusieurs arrêts réflexes. Les stats donnent ultérieurement raison à Mihajlovic puisque, depuis ce pari risqué, la défense milanaise est deux fois plus imperméable qu’auparavant et bénéficie surtout du calme transmis par le benjamin de l’effectif.

Un demi-championnat plus tard, et après avoir fêté, seulement, ses 17 ans, Donnarumma loge toujours dans la pension en compagnie des adolescents de son âge. Le garçon s’efforce de ne pas chambouler son rythme de vie, même si un nouveau contrat est en arrivage avec un salaire multiplié par cinq.

C’est que les offres continuent de s’empiler sur le bureau des dirigeants d’un club qui paye cher l’absence de participation en Champions League depuis deux saisons et probablement trois. Le président SilvioBerlusconi tente de rassurer son peuple :  » J’envie mes successeurs qui n’auront pas besoin d’investir dans un gardien lors des 20 prochaines années « .

Son fidèle bras droit Adriano Galliani lui fait écho :  » Donnarumma n’a pas de prix « . Or, il sera difficile de résister à des offres approchant les 50 millions d’€. Manchester United et le Barca sont sur le coup… et Mino Raiola évidemment à l’écoute. Cet été, les caisses auront besoin d’être renflouées sous peine de sanctions via le Fair-Play financier.

Le Milan s’apprête à affronter un beau dilemme : donner suite à cette belle histoire ou soulager les finances dans le rouge avec une plus-value record ? Le coeur ou la raison ? En outre, la cote et la popularité du petit prodige pourrait de nouveau grimper si AntonioConte décide de l’emmener dans les 23 à l’Euro pour compléter la batterie des portiers avec Buffon et MattiaPerin. Un ascenseur émotionnel sans fin qui ne perturbe pas un Gigione qui n’est plus à un record de précocité près.

PAR VALENTIN PAULUZZI – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Il a la gueule de l’emploi pour percer.  » – GIANLUIGI BUFFON

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