« Preud’homme était militaire »

Nous avons retrouvé l’ancien attaquant irlandais de Gand et du Cercle chez lui, à Limerick. Entre plongée dans le passé et évocation de son avenir, l’ancien capitaine des Buffalos prend le temps de se confier.

Personne n’avait semblé avoir noté sa disparition, pourtant DominicFoley a déjà disputé plus d’une saison complète sous les couleurs de Limerick après en avoir enchaîné six dans nos contrées (quatre années à Gand et deux au Cercle Bruges). Le puncheur irlandais poursuit son petit bout de chemin, à mi-temps cette fois. Entre deux entraînements, celui qui a quitté le nord de notre pays pour les plaines verdoyantes et les paysages idylliques de l’Irlande, a pris le temps de revenir sur tout ce qu’il a vécu et tous ceux qu’il a côtoyés.

Ça faisait longtemps que tu n’avais plus passé une année complète chez toi. Quel bilan peux-tu tirer de cette nouvelle expérience sous les couleurs de Limerick ?

Dominic Foley : Je suis retourné au pays en 2012 car ma fille aînée allait entrer à l’école. Comme je ne pouvais plus espérer que des piges d’une saison en Belgique, j’ai préféré opter pour Limerick, qui me proposait un contrat de deux ans. Ce club avait aussi un réel objectif : retrouver l’élite et, ensemble, nous y sommes donc parvenus.

Ton contrat à mi-temps te laisse également plus de temps libre…

Pas vraiment ! (rires) Je me suis lancé dans plusieurs projets ces derniers temps. Outre le développement de ma société de vêtements de sport, je m’attelle à la construction d’une maison près de Cork, ma ville natale, et à l’obtention de mon diplôme d’entraîneur.

 » Lukaku a fait les bons choix  »

Tu jouais aux Bohemians, club phare de Dublin, avant d’arriver à La Gantoise. Comment s’est réalisé le passage d’un club à l’autre ?

En fait, Georges Leekens m’a vu évoluer lors d’une rencontre de Coupe d’Europe face à Gand et il cherchait justement un target-man. Au même moment, je n’étais plus payé par les Bohemians, j’ai donc cassé mon contrat pour finalement signer à Gand. Arrivé là-bas, Georges m’a dit : – » tu seras mon attaquant  » et j’y ai vécu de belles années. C’est assez amusant, car pour le même prix, j’aurais pu ne pas taper dans l’oeil du coach. Deux jours avant la confrontation européenne, mon frère se mariait près de Cork. J’étais son témoin et je devais prendre le train à six heures le lendemain matin pour m’entraîner avec les Bohemians. Toute la soirée, j’étais dégoûté de ne pas pouvoir boire une coupe avec mon frère pour célébrer son engagement. Qui sait ce qui se serait passé si j’avais bu un coup…

À 37 ans, tu ne te sens pas trop court sur le terrain ?

Je suis arrivé à un âge où j’utilise davantage ma tête que mon physique. Je vais résumer ça comme on me l’a raconté : un jeune taureau et un plus vieux sont au sommet d’une colline. En contrebas se trouve un troupeau de vaches. Le plus jeune dit au vieux :- » viens, on court et on s’en fait chacun une « . Et là, le plus âgé rétorque : – » du calme, on va y aller en marchant et tu verras, on va toutes se les taper.  » Courir 10 fois sans résultat ne sert à rien si tu peux faire la différence en un seul mouvement et c’est une chose que tu acquiers avec l’expérience.

En football, la Belgique a longtemps été une terre d’importation. A présent, c’est le phénomène inverse, et les meilleurs partent de plus en plus tôt. Qu’en penses-tu ?

Quand j’ai lu que Romelu Lukaku avait signé à Chelsea, je me suis dit qu’il n’y jouerait jamais. Si les Blues veulent un attaquant, ils mettront 50 millions sur la table pour avoir le must have du moment. Ils n’ont pas le temps d’amener un joueur à maturité, il leur faut de l’efficacité instantanée. Partir à West Brom fut la meilleure décision possible pour lui. Et je pense qu’il a bien fait d’opter pour un nouveau prêt à Everton.

 » Je prenais les coups de coude  »

S’habituer à un nouvel environnement est souvent problématique pour les récents transfuges.

Sometimes it works, sometimes it doesn’t. Prenons Luka Modric. Il jouait comme un dieu à Tottenham, il cire le banc du Real. Fernando Torres était le meilleur attaquant du monde avant d’aller à Chelsea. Pourquoi ces gars n’ont-ils pas réussi dans leur nouveau club ? Il n’y a aucune explication. Tout se joue dans la tête, car eux n’ont pas changé. C’est juste une question de feeling et d’habitude avec leur nouvel environnement.

Et puis, ces joueurs ont trop rapidement été mis au banc des accusés…

On juge très vite dans le football moderne. Tu n’es pas bon, tu files sur le banc. On oublie trop souvent le temps d’adaptation, surtout chez les jeunes. Stuart Downing a mis un an pour s’acclimater à Liverpool. Et que penser de Nikica Jelavic qu’on a trop vite catalogué d’échec à Zulte-Waregem ? Il claque des buts avec Everton.

Tu as vécu la même chose en arrivant en Belgique ?

Mon passage vers Gand s’est très bien déroulé, je me demande toujours quelle aurait été ma carrière en y signant à 18 plutôt qu’à 29 ans. J’ai beaucoup joué lors de ma première saison mais le ballon ne voulait pas entrer. Mon transfert au Cercle fut bien plus complexe, car à Gand je pouvais fermer les yeux tout en sachant où se situaient chacun de mes équipiers. En arrivant à Bruges, j’étais un peu perdu et je me rappelle avoir couru comme un lapin lors de mon premier match, sans toutefois avoir touché un ballon. La meilleure réaction est l’abnégation, car un jour la balle te tombera sur le cul et entrera dans les filets.

En tant qu’attaquant on ne voit souvent que tes buts…

Pourtant je faisais bien plus que ça. J’avais un rôle de déménageur, j’allais au duel, j’étais celui qui encaissait les coups de coude et qui créait des espaces. Les gens qui n’y connaissent rien au football ne voient pas cela donc lorsque je ne marquais pas, ils cataloguaient mon match comme étant un échec. J’aurais pu rester dans le rectangle à attendre un ballon de but et ne pas aider l’équipe. Puis, évoluer seul en pointe n’est jamais simple. N’importe quel attaquant le dira, s’occuper seul de deux défenseurs ce n’est pas de la rigolade.

 » La perception à mon égard a changé  »

Pourtant tu marchais bien dans le 4-3-3 si cher à Trond Sollied !

Il était très attaché à son schéma de jeu mais nous étions tellement libres sur le terrain que ça ne compte pas vraiment. Sa tactique pouvait prendre des formes multiples en cours de match. On était très bons à cette époque et on adorait tous Trond. Il avait une confiance aveugle en nous et nous aimions son côté détendu.

À l’opposé de Michel Preud’homme…

Michel était plus militaire.

Votre relation n’était pas au beau fixe ?

Nous n’avons jamais eu aucun souci entre nous. Notre mode de pensée n’était pas le même. Michel avait le sien et en tant que coach, il l’appliquait en toute situation. C’est une des recettes de son succès. Il était très doué pour mener le combat physique et le remporter.

Tu n’as pas la sensation qu’il était trop intense ?

Je pense que la limite entre être trop sympathique avec ses joueurs et être trop strict est très fine. Michel était peut-être trop sévère et Trond trop coulant.

Lequel de tes mentors prendras-tu en exemple ?

Tous, sans exception. Si un mec est en retard tous les matins, il faut être strict avec lui, si ça arrive une fois de temps en temps, on peut laisser couler. Il faut réussir à justifier ses choix vis-à-vis de son effectif. Michel Preud’homme ne faisait pas de différence : une minute de retard signifiait une amende. Et le montant allait crescendo.

Entre 2006 et 2008, certains parlaient de Foley-dépendance à Gand. Tu as senti une différence lors de ces deux saisons ?

Je n’ai jamais changé. Depuis le début de ma carrière jusqu’à aujourd’hui je me suis toujours entraîné et comporté de la même manière. Les gens ont simplement changé de perception parce que j’étais plus exposé dans les médias et que je marquais plus.

Le fait de porter le brassard de capitaine n’a rien changé ?

Je faisais le toss(rires). Plus sérieusement, ça n’a influé en rien sur mon comportement. Je donnais de plus en plus de conseils aux jeunes mais jamais je ne me suis comporté en leader autoritaire du vestiaire.

 » Boussoufa a la même technique de frappe que Cristiano Ronaldo  »

Tu ne t’es jamais dit que Gand pouvait être un habitué de la course au titre ?

Il y a 3 ans de cela, j’ai pensé que Gand pouvait devenir un grand club belge. Mais au lieu de se renforcer, ils ont vendu leurs meilleurs joueurs. La mentalité des gestionnaires gantois doit évoluer s’ils veulent s’installer parmi le top 4 belge. C’est bien beau de construire un stade flambant neuf, cependant le public ne se déplace pas pour les infrastructures mais pour les joueurs…

À qui penses-tu quand tu évoques des joueurs de qualité qui ont quitté les travées du stade Jules Otten ?

Nicolas Lombaerts m’impressionnait déjà à l’époque. C’était le genre de gars solide qui allait mettre sa tête où tu osais à peine mettre ton pied. Je ne m’attendais toutefois pas à le voir devenir un des cadres d’une équipe aussi prestigieuse que le Zenit. Bryan Ruiz s’impose tout doucement aussi en Premier League mais ce n’est pas une surprise au vu de son talent.

Et Mbark Boussoufa dans tout cela ?

Gand n’aurait jamais dû vendre un talent pareil à Anderlecht. Bouss c’était la classe ! Il possède la même technique de frappe que Cristiano Ronaldo et Gareth Bale. Je comprends bien son départ en Russie. À l’instar du passage de Kanu à Grozny, l’aspect financier était très important dans son transfert. Évoluer en Russie n’est pas aisé, les voyages y sont longs et fréquents.

Yassine El Ghanassy est un peu du même acabit mais sa carrière semble s’être écartée de sa trajectoire…

Je n’ai pas compris pourquoi il a tant voulu quitter Gand. Son agent a dû pousser pour qu’il parte en Angleterre mais il n’était pas fait pour la Premier League. Il doit d’abord apprendre à devenir plus professionnel avant de viser plus haut. Je me rappelle d’une de ses réactions en me voyant bosser dur en pleine revalidation. Il m’a demandé comment je faisais pour travailler comme ça. En observant leur comportement, leurs habitudes et leur caractère, tu sais vite dire qui percera ou non…

El Ghanassy était plutôt du genre fêtard et fainéant ?

(Raclement de gorge) Peut-être…

Tu pourrais le comparer à Alin Stoica, l’un de ceux qu’on qualifierait volontiers de talents gâchés ?

Absolument pas ! Alin a souvent souffert de blessures mais il se donnait toujours à fond. Il ne colle pas à l’image de talent fainéant qu’on lui donne.

 » Mon profil convenait bien au jeu de Vossen  »

Tu n’entrais pas dans les plans de Michel Preud’homme, il t’a un peu poussé vers la sortie ?

Selon lui, je ne convenais pas à son jeu, j’ai donc tourné la page au lieu de me morfondre. J’aurais pu rester mais j’ai préféré aller chercher du temps de jeu au Cercle de Bruges.

À la fin de ton séjour gantois et même parfois à Bruges, certains considéraient que tu jouais au ralenti. Que leur répondrais-tu ?

C’est leur opinion. De mon côté, je me suis toujours donné à fond. Les gens parlent trop vite sans réellement savoir. Ils s’impliquent trop et se posent des questions qui n’ont pas lieu d’être.

Au Cercle, après avoir joué sous les ordres de Glen De Boeck, tu as pu goûter aux consignes de Bob Peeters. En quoi t’a-t-il impressionné ?

Il travaille énormément les fondamentaux et c’est quelque chose que les coaches oublient trop souvent à l’heure actuelle. Savoir faire une passe parfaite permet de gagner 2 secondes cruciales.

Toi qui les as connus, comment aurais-tu géré Kanu et Reynaldo ?

Comme un Michel Preud’homme ! Kanu et Reynaldo sont des gars relax, les premiers à s’amuser mais ils seraient vraiment pros s’ils avaient eu un gars comme Michel comme coach. Avec des joueurs trop tranquilles comme eux il faut être strict, qu’ils sachent où se situe la limite à ne pas franchir. Glen De Boeck avait essayé de hausser le ton, ça n’avait pas eu le résultat escompté.

Jelle Vossen avait confié avoir beaucoup appris à tes côtés lors de son prêt…

Je pense que mon profil convient bien au jeu de Jelle. Il lui faut un équipier qui lui crée des espaces et qui lui permet de jouer librement. Sa seule et unique tâche consiste à marquer. Tout comme Robbie Fowler ou Michael Owen il possède le don de planter but sur but.

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM À LIMERICK (IRLANDE) – PHOTOS:BLACK DIAMOND PHOTOGRAPHY

 » Yassine El Ghanassy doit d’abord apprendre à devenir plus professionnel avant de viser le top.  »

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