Plus vite, plus haut PLUS FORT

L’Allemagne est descendue de son petit nuage rose. La Bundesliga reprend bientôt ses droits. Pep Guardiola, qui compte six champions du monde dans son équipe, veut peaufiner le jeu du Bayern, malgré le départ de Toni Kroos au Real Madrid.

Il y a un an, on aurait dit que les joueurs du Bayern devaient réapprendre à jouer au football, suite à l’arrivée de Pep Guardiola. Ils venaient de remporter le triplé championnat-Coupe d’Allemagne-Ligue des Champions avec Jupp Heynckes mais l’Espagnol a donné l’impression de détruire toutes les fondations posées par son prédécesseur pour ériger un nouveau bâtiment. Pendant les séances d’entraînement, il courait d’un coin à l’autre. Quand le ballon circulait trop lentement, il interrompait l’exercice, le reprenait, l’arrêtait à nouveau, corrigeait ceci et cela puis recommençait. Il avait annoncé sa philosophie du football : celui qui domine le jeu par le milieu détermine le match. Donc, poursuivait-il sur le ton d’un professeur d’université, il valait mieux ne pas aligner d’avant spécifique mais un faux numéro neuf qui se laisse retomber dans l’entrejeu pour y attirer la défense adverse et ainsi créer des brèches qu’il suffisait alors d’exploiter.

En football, expliquait-il, tout tourne autour de la possession du ballon, de la domination de l’entrejeu, où il s’agit d’être en supériorité numérique afin de donner assez de possibilités de passer le ballon à son porteur. Ce credo fait partie des lois universelles du football. Les matches, ne cesse-t-il de répéter, se gagnent grâce à la présence d’un homme de plus dans l’entrejeu. La Säbener Strasse a entendu cette phrase mille et une fois. Guardiola veut jouer offensivement, en fonction du ballon, plus vite, plus précisément, plus efficacement. Afin que son équipe soit plus forte encore Cette saison, il compte accomplir un pas de plus dans toutes les facettes du jeu.

Le tiki-taka et ses variantes

Le départ de Toni Kroos au Real Madrid ne va pas perturber son travail, au contraire : sans le médian, le Bayern devient plus souple. Les dirigeants reprochaient à Kroos ses lacunes dans la direction de l’équipe. Pep Guardiola palliera sans doute son départ en puisant en ses rangs : il envisage de faire avancer d’un cran l’arrière gauche autrichien David Alaba pour le poster dans l’entrejeu. L’année dernière, il a déjà effectué un changement spectaculaire en avançant dans l’entrejeu l’arrière droit Philipp Lahm. En équipe nationale d’Autriche, Alaba joue déjà dans l’entrejeu à la satisfaction générale et il ne laissera pas de vide derrière lui puisque le Bayern a recruté l’Espagnol Juan Bernat de Valence, une doublure selon d’aucuns, mais il faut croire que Guardiola anticipait déjà.

C’est ce que l’entraîneur ne cesse de faire dans sa quête de la perfection : chercher le bon puzzle, ce qui n’est possible qu’en réalisant des expériences. Il le fait régulièrement et parfois même à des moments inattendus. En fin de saison, en finale de la Coupe contre le Borussia Dortmund, il a procédé pour la première fois avec trois défenseurs, postant l’arrière droit Rafinha à gauche de l’entrejeu et Arjen Robben dans une position centrale en avant. Il voulait déjà peaufiner son jeu en possession du ballon. Il n’a pas attendu l’élimination de l’Espagne au Mondial pour savoir que le fameux tiki-taka doit se décliner dans diverses variantes. Cela ne l’empêche toutefois pas de conférer une allure ibérique au Bayern, avec trois joueurs et trois entraîneurs espagnols.

Pas de pression sur Lewandowski

Tous les quatre ans, après la Coupe du Monde, le Bayern connaît des problèmes. Les internationaux, qui reprennent le collier lundi prochain, ont eu de trop courtes vacances. Huit footballeurs du Bayern ont été actifs jusqu’au terme du Mondial. Comment vont-ils supporter une nouvelle saison très chargée ? Combien de temps leur faudra-t-il pour retrouver leur rythme ? Ne s’exposent-ils pas davantage à des blessures ?

Le passé le montre : après un Mondial, le Bayern est moins performant. Après l’édition 2006, par exemple, il n’a terminé que quatrième et Felix Magath a été prié de faire ses bagages. Quatre ans plus tard, le Bayern a été troisième. En avril 2011, Louis van Gaal a disparu de la capitale bavaroise.

Le puissant club ne s’attarde pas sur ces statistiques. Il regorge d’ambition et compte bien prolonger son hégémonie. Quand la Bundesliga reprendra ses droits, le 22 août, il compte être prêt à recevoir le VfL Wolfsbourg de Kevin De Bruyne. Et améliorer non nombre de choses. Il doit intégrer le buteur polonais Robert Lewandowski, par exemple. Celui-ci remplace le Croate Mario Mandzukic, cet éternel mécontent parti à l’Atletico Madrid contre 22 millions. Mais Lewandowski n’est pas vraiment un faux numéro neuf : il est plutôt un finisseur froid, même s’il conserve bien le ballon, possède une bonne technique et se démarque bien. Le jeu du Bayern requiert toutefois une adaptation. En attendant, il ne subit aucune pression. Le directeur sportif Matthias Sammer a déjà signifié qu’il bénéficierait du temps requis pour s’intégrer.

Le retour de Badstuber

Il appartient à l’entraîneur d’imbriquer toutes les pièces du puzzle. D’aucuns ont été surpris que Guardiola confie le brassard au défenseur Holger Badstuber lors du premier match de préparation. Celui-ci a été sur la touche 19 mois à cause d’une rupture des ligaments croisés et a subi quatre opérations. Badstuber était une certitude dans l’axe, avant sa blessure. Le défenseur de 25 ans a disputé 30 matches pour la Mannschaft, qu’il a accompagnée à la Coupe du Monde 2010.

Son retour offre davantage de possibilités à Guardiola. L’entraîneur compte sur lui. Histoire de gonfler le moral du défenseur, il a déclaré que celui-ci était le meilleur footballeur avec lequel il avait travaillé alors qu’il a déjà eu une flopée de vedettes sous ses ordres, parmi lesquelles Lionel Messi. Badstuber serait-il meilleur que Messi ? Guardiola a dû se laisser emporter.

L’Espagnol est un fervent partisan de variété dans le jeu. Pour lui, un système est un filet de sécurité mais pas une tactique rigide. C’est une manière de penser que les joueurs devaient acquérir. Ils doivent poursuivre ce processus cette saison, alors qu’ils restent sur une campagne très chargée. Guardiola devra donc pratiquer la rotation, certainement les premiers mois. Il l’a fait la saison passée, ce qui n’a pas plu à tout le monde. Thomas Müller et Mario Götze en particulier ont souvent râlé. Et Götze revient auréolé de son but décisif contre l’Argentine.

Une rotation bénéfique

Pep Guardiola ne s’attarde pas à ce genre de considérations. Sa voix est douce mais sa main ferme. Il suit sa voie. Qui se souvient des réserves émises par UliHoeness au sujet du système de rotation ? Le président estimait qu’il fallait une équipe bien rodée et qu’il fallait donc limiter les changements, comme la saison précédente, sous Jupp Heynckes, durant laquelle huit joueurs avaient toujours été assurés de leur place. Guardiola n’a pas relevé la critique. Il n’a pu que constater que les changements n’affectaient pas le rendement de l’équipe.

Un footballeur du Bayern a en tout cas décidé de ne plus surcharger son agenda : la semaine dernière, Philipp Lahm a mis un terme à sa carrière internationale. A trente ans seulement. Or, l’intelligent Lahm était essentiel sur le terrain comme en dehors. Il était le partenaire privilégié de Joachim Löw pour ses discussions tactiques. Cela lui a coûté beaucoup d’énergie. Maintenant, Philipp Lahm ne veut plus se brûler. Il va se réserver plus de temps et en consacrer davantage au Bayern, aussi.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS : BELGAIMAGE

Le passé prouve que le Bayern est moins performant après un Mondial.

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