Pendant les fêtes, la dictature continue

5 juillet 1982, Barcelone. Ville de rêve. Footballistique, surtout et déjà. Ville où le contemporain et l’ancien se rejoignent pour perpétuer la beauté. Aujourd’hui, on encense le Barça mais il y a bientôt 30 ans l’essence même du foot était déjà dans la ville. Ce jour-là, il y a perdu un peu de sa saveur, de sa vertu. Le Brésil est en démonstration depuis le début de cette Coupe du Monde espagnole. Les Auriverde se baladent et parsèment leur chemin de bonheur et de joie. De vivre, de jouer. La Seleçao est venue pour jouer, elle va tomber face à une Squadra Azzurra venue pour gagner.

Par Frédéric Waseige

A l’issue de ce match dramatique et merveilleux à la fois, c’est une part de nous qui meurt à jamais. La fin d’une illusion, d’un idéal. Avec des larmes qui inondent notre intérieur. L’Italie pleure de joie, le reste du monde de tristesse. On n’oubliera jamais les solistes de la Seleçao qui ont touché au sublime avant de sombrer dans les abîmes de la désillusion. Comme nous. La fin d’une illusion. Celle du beau jeu plus fort que tout.

Ah cette équipe de France, celle qui faisait rêver avec son quatuor magique au physique de poètes : Alain Giresse- Michel Platini- Jean Tigana- Luis Fernandez. Luis, les bas baissés sur les godasses. Sans jambières. Il paraissait même intelligent. Il nous parlait avec les pieds. Tigana récupérait les ballons sans percuter ses adversaires. Son muscle le plus développé était son cerveau. Giresse annonçait Lionel Messi 20 mètres plus bas et Platini qui disait : « Pourquoi devrais-je courir vite puisque je joue vite, juste et bien ? » Très juste Michel. Tu jouais vite et juste mais maintenant le monde tourne vite et de travers.

« C’était bien mieux avant, m’fi ! » Et bien non, pas forcément. A l’époque y avait déjà du malsain dans le foot. Et pas que du Claudio Gentile hein. Bien plus grave. Si, si, c’est possible. Rappelez-vous ce Cheik qui monte sur la pelouse pour faire annuler un but de la France contre son Koweït. L’arbitre russe dit : « Da, Da ». Accordé ! Pas le but, la demande ou plutôt l’ordre. Le foot se ridiculise avec l’aide de la police espagnole qui malmène un Michel Hidalgo indigné.

Quel gâchis. Revenons à ce Brésil avec ce fameux Socrates. Repose en paix, toi qui jouais avec ton short moule burnes et ton bandeau bourre urne. Ecris dessus : démocratie. Au Corinthians avec tes coéquipiers vous aviez imposé sur les maillots : « Allez voter » pour redonner goût à la démocratie à ton peuple soumis à la dictature. Maintenant les joueurs poussent le peuple à acheter de la mousse à raser, des voitures ou encore des montres. A ce niveau-là, les temps changent. On est passé du moule burnes au prêt-à-porter.

Mais comment en vouloir à ces ouvriers surqualifiés et surpayés ? Eux qui sont dirigés par des douteux qui lorgnent vers le pouvoir et la notoriété. Déjà en 1978, une dictature s’était payé une Coupe du Monde. Une sorte de tango funèbre argentin. Rien n’a changé. Depuis, des mafieux notoires ont mené leur club sur le toit du monde. D’autres dictateurs se sont même invités au Bal des Maudits qu’était devenue la Serie A italienne. Papa Kadhafi se paye la poitrine d’une vieille dame pour propagander sa compagnie pétrolière sur le maillot de la Juventus. Fifi Kadhafi se paye quelques minutes de jeu dans le Calcio.

En 1994, la FIFA fait d’un génie un cache-sexe. Maradona tombe. L’écran de fumée permet aux autres tous les excès. Quatre ans plus tard, la France black-blanc-beurre ne peut cacher la farce. Une ministre des Sports communiste veut de la clarté. On lui explique que la raison d’Etat se promène parfois en short pour finir sur les Champs-Elysées.

Deux décennies plus tard, les dictatures sont toujours là. Surtout celle de l’argent. Les chèques sont en blancs mais sûr, qu’en 2022, les Cheiks resteront en tribunes. Les Tsars aussi en 2018.

Toujours le même slogan : « Du pain, du vin et des jeux ». Un vrai beau menu de fête. Joyeux Noël à tous.

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