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OPÉRATION SÉDUCTION

Son CV rempli de buts cache péniblement une réputation de parasite de vestiaire. Mais en débarquant à Charleroi, Hamdi Harbaoui semble déjà avoir changé. Chronique d’une offensive de charme.

Parce que, a priori, rien ne les prédestinait à se rencontrer, le coup de foudre entre Charleroi et Hamdi Harbaoui a dû être provoqué. Le premier chapitre de cette idylle hors-normes est né dans l’esprit du meilleur entremetteur du pays, à la fois agent du Tunisien et frère du patron sportif des Zèbres. Mogi Bayat invite son poulain, laissé hors de la feuille de match de Courtrai-Anderlecht par René Weiler, à se changer les idées au Mambour. Ce dimanche 4 décembre, c’est jour de Charleroi-Standard. Et après la fin anticipée de la rencontre, quand Felice Mazzù et Mehdi Bayat ont terminé leur défilé devant les caméras, les deux hommes retrouvent Mogi et Harbaoui dans l’intimité des travées du Stade du Pays de Charleroi. Le dialogue est constructif, parce que le club cherche un buteur, et le buteur cherche un club. Un mois plus tard, Hamdi Harbaoui s’entraîne en blanc et noir.

Conseillé par Cyril Théréau et Jérémy Perbet, deux autres membres de  » l’écurie Mogi « , le Tunisien affirme avoir fait  » le choix du coeur « , et précise qu’il a opté pour Charleroi parce que  » tout le monde ici me voulait.  » L’argument du membre d’une fratrie de cinq enfants, qui a un jour concédé qu’il avait toujours été l’enfant gâté de la famille Harbaoui. Un  » enfant-roi  » qui débarque à Neerpede au volant de sa très voyante Ferrari California T, et rend parfois fou Peter Maes à sa période lokerenoise quand il fait habilement semblant de ne pas entendre les consignes déplaisantes de son coach. Son caractère est particulier. Dans certains clubs, la direction est même avertie par d’anciens équipiers : il ne faut pas envisager de prendre Harbaoui, car il va pourrir le vestiaire. La relation entre Hamdi et ses partenaires a toujours été paradoxale : à Lokeren, d’aucuns confiaient qu’ils préféraient jouer sans lui, parce que sa présence sur le terrain ressemblait à un match à dix contre onze. Mais au bout du compte, le Tunisien marquait, et ses buts remplissaient les portefeuilles du vestiaire avec des primes de victoire.

C’est donc précédé d’une réputation difficile qu’Harbaoui débarque au Pays Noir, dans une ville et une équipe où l’exaltation de l’individu n’est pas franchement le sport national. D’emblée, la question de son union avec Felice Mazzù ressemble plus à un mariage de raison qu’à un coup de foudre. Hamdi sait dans quelle pièce il joue :  » Je suis là pour marquer « , déclare le Tunisien dès sa première rencontre avec la presse carolo. C’est le début de l’offensive de charme.

ATTAQUANT CLASSIQUE

Les premiers mots d’amour sont presque stéréotypés. Comme tout joueur qui s’installe dans un nouveau club, Harbaoui fait tourner la comparaison à l’avantage de sa nouvelle maîtresse :  » On s’entraîne plus ici qu’à Anderlecht.  » Après ses premières minutes officielles, sur la pelouse de la Ghelamco Arena, le nouvel atout offensif des Zèbres en remet une couche :  » C’est moi qui vais devoir m’adapter à l’équipe, et pas l’inverse.  »

L’équipe, pourtant, réserve déjà un traitement particulier à Hamdi. Contrairement à Jordan Remacle, arrivé dans le sillage d’un Tunisien avec qui il s’est toujours bien entendu, Harbaoui n’est pas balancé dans l’eau de mer tout habillé par ses équipiers lors du stage carolo en Espagne. Question de gabarit, bien sûr, mais aussi de statut. Au cours de la semaine espagnole, Charleroi envoie d’ailleurs David Pollet chanter les louanges de son équipier et concurrent devant les journalistes.  » Il est plus présent dans le jeu que Jérémy (Perbet, ndlr) « , affirme l’attaquant zébré.  » Et il est terriblement facile devant le but. Même à l’entraînement, ça saute aux yeux.  »

Dès la première opposition à onze contre onze, Harbaoui trouve effectivement le chemin des filets. Même refrain lors du match amical face à une sélection de joueurs espagnols sans contrat. L’ancien meilleur buteur du championnat fait honneur à sa réputation, dans un style qu’il avait présenté à Sport/Foot Magazine à l’occasion d’une interview :  » Je suis un attaquant classique : passez-moi le ballon et je le mettrai dans le but.  »

Felice Mazzù s’attelle également à l’intégration de sa recrue. Le coach sait que Mehdi Bayat a présenté l’attaquant comme  » l’homme de l’entraîneur « , et que les talents d’Harbaoui dans le rectangle seront indispensables pour espérer une place parmi les six meilleurs au terme de la phase classique. En public, Mazzù loue les atouts d’un joueur qui,  » au-delà de ses qualités devant le but ou dans le jeu, bonifie vraiment ses partenaires.  » En privé, il consacre plusieurs moments à Harbaoui lors de la semaine de stage, pour lui enseigner les valeurs d’un vestiaire qui sait faire briller un individu quand l’homme en question se met au service du collectif. Le lundi suivant, devant le Stade du Pays de Charleroi, aucune voiture ne saute aux yeux sur le parking réservé aux joueurs.

SALE BOULOT

Dans les travées de la Ghelamco Arena, un Zèbre répond par un sourire et un clin d’oeil quand on lui fait remarquer qu’on n’avait jamais vu Hamdi Harbaoui courir aussi souvent vers l’arrière.  » C’est ça, Charleroi.  » Nonante minutes durant, le Tunisien n’a pas brillé aux abords du rectangle adverse, frappant à côté du ballon après une belle combinaison avec Pollet ou forçant sa chance des trente mètres. Par contre, son abnégation en perte de balle avait de quoi surprendre.  » La volonté était là « , résume Felice Mazzù au moment de débriefer la première de son nouvel attaquant. Finalement, Harbaoui a presque fait un match à la Pollet : généreux dans l’effort, mais chiche à la conclusion.

L’air carolo a-t-il vraiment changé Hamdi Harbaoui ? L’un des cadres du vestiaire opine :  » Je ne connaissais pas la réputation d’Hamdi, je ne l’avais jamais côtoyé avant son arrivée ici, mais la vérité c’est que pour le moment, il a une attitude excellente, sur le terrain comme en dehors.  »

Le Tunisien est déjà largement impliqué dans le plan de jeu des Zèbres, qui ont eu l’occasion d’intégrer leur nouvel équipier pendant leur semaine de gammes espagnoles. C’est vers son mètre 86 que Nicolas Penneteau envoie désormais la plupart de ses coups de pied de but, par exemple. C’est également lui, plus que Pollet, que ses équipiers cherchent comme point d’appui, entre les lignes, pendant que son acolyte à la pointe du 4-4-2 crée de l’espace en creusant la profondeur. Contrairement à Perbet, dont les appels du genre restaient souvent sans réponse l’an dernier, Harbaoui reçoit beaucoup de ballons, qu’il distribue vers les flancs, et n’est jamais  » sorti  » de l’action comme cela pouvait arriver à son prédécesseur, qui voyait systématiquement les ballons partir dans la foulée de Pollet et n’avait jamais le temps d’arriver au rectangle.

L’exigence de Felice Mazzù pour installer son 4-4-2 a toujours été claire : les attaquants doivent participer à l’effort défensif. Concrètement, à tour de rôle, ils doivent venir harceler la construction adverse en revenant sur les milieux de terrain. Vendredi dernier, à Gand, Harbaoui a rempli ce rôle presque à lui tout seul, comme s’il voulait prouver que sa réputation d’attaquant fainéant était imméritée. Il a harcelé les chevilles de Rob Schoofs et récupéré des ballons dans les pieds de Brecht Dejaegere, se chargeant du  » sale boulot  » pour laisser Pollet seul en pointe.

L’opération séduction ne se déroulait pas seulement devant les micros, elle s’est aussi prolongée sur le terrain. Mais Hamdi Harbaoui doit-il vraiment changer à ce point ? L’important, pour lui, ça reste les filets adverses. Parce que la réussite de sa pige carolo sera jugée, par Mehdi Bayat et par la presse, autour d’un chiffre : le nombre de buts qu’il marquera.

PAR GUILLAUME GAUTIER – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Passez-moi le ballon et je le mettrai dans le but.  » HAMDI HARBAOUI

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