On partage ?

La Coupe au Standard et le titre à Anderlecht : Fellaini dit oui, Tchité dit non.

En prélude à la demi-finale retour de la Coupe de Belgique entre le Standard et Anderlecht, ce soir, à Sclessin, Marouane Fellaini et Mémé Tchité se sont rencontrés à Bruxelles, la semaine passée, dans le cadre de la remise, à l’hôtel Marriott, du Soulier d’Ebène 2007. Troisième du referendum couronnant le meilleur footballeur africain de l’année, en 2006, l’artificier anderlechtois a poursuivi sa jolie progression en terminant premier devant son coéquipier au RSCA, Ahmed Hassan. Le Standardman, lui, a frappé fort également en se positionnant sur le quatrième strapontin, échouant d’un fifrelin à peine d’un podium complété par le Gantois Adekanmi Olufade. Mais vu son évolution, le médian belgo-marocain des Rouches est manifestement appelé tôt ou tard à chausser à son tour le précieux trophée.

Le Soulier d’Ebène

Le résultat du referendum est-il conforme à vos propres prévisions ?

Marouane Fellaini : Avec trois Anderlechtois parmi les cinq nominés, il fallait s’attendre à une victoire d’un Sportingman. Personnellement, j’avais tablé sur une lutte serrée entre Mémé Tchité et Ahmed Hassan qui, davantage que Mbark Boussoufa, ont défrayé la chronique cette saison. En définitive, le buteur l’a emporté sur l’artiste. C’est mérité dans la mesure où mon ancien coéquipier à Sclessin a réussi, d’une campagne à l’autre, à rester aussi performant à la finition. On a parlé de Nicolas Frutos comme homme du titre, l’année dernière, au RSCA, mais si Anderlecht remporte un 29e sacre dans quelques semaines, je pense que Mémé y aura tout particulièrement contribué. C’est fantastique pour lui mais pour moi, joueur du Standard, il y a de quoi avoir un petit pincement au c£ur, en ce sens que le club a laissé partir chez un concurrent direct celui qui a fait la différence.

Mémé Tchité : Les cinq nominés avaient tous, sans exception, leur mérite. C’était déjà pas mal du tout de se retrouver à ce niveau, dans la mesure où les places étaient chères cette année. La preuve, Patrick Ogunsoto, meilleur réalisateur du championnat, n’était pas repris parmi les rescapés et d’autres auraient sûrement mérité tout autant d’y figurer. Je songe au Brugeois Elrio Van Heerden, par exemple. Voire à Faris Haroun, du Racing Genk, qui a disputé une toute bonne saison, lui aussi, alors qu’il ne faisait pas partie des titulaires dans son club au départ de la saison. Anderlecht avait trois chances sur cinq de l’emporter, c’est pourquoi le verdict n’est pas vraiment surprenant. Je n’aurais toutefois pas voté pour moi. C’eût été un peu prétentieux de ma part. Si j’avais dû remplir un bulletin, mes faveurs seraient allées à Ahmed Hassan, qui est vraiment un tout grand joueur. Sans doute le meilleur au côté duquel j’aie jamais joué.

La saison

Que vous inspire le bilan de votre club ainsi que le vôtre, cette saison ?

Fellaini : Il est trop tôt pour tirer des enseignements définitifs, dans la mesure où la saison n’a pas encore livré ses verdicts. Au plan collectif, nous avons toujours la possibilité de conquérir un prix, lisez la Coupe de Belgique, ce qui serait franchement formidable. Le seul regret, c’est de ne pas être parvenus à maintenir le suspense jusqu’au bout en championnat. En cas de victoire au Parc Astrid, il y a quelques semaines, nous serions revenus à trois points des Anderlechtois et rien n’aurait été joué. La consolation, c’est qu’on est parvenu à se racheter, face aux mêmes Sportingmen, lors de la demi-finale aller en Coupe. Si les Mauves sont sacrés champions et que nous terminons la saison par une victoire au stade Roi Baudouin, j’ai le sentiment que, dans les deux camps, tout le monde serait content. En ce qui concerne mes propres statistiques, je n’ai pas de quoi faire la fine bouche : du statut de joueur de l’équipe Réserve, je suis devenu titulaire en Première et même international belge. Pour moi, c’est sûr : en l’espace de quelques mois à peine, j’ai réussi au-delà de mes espérances.

Tchité : On pourra dresser le bilan le jour où la saison sera terminée. Ce qui est encore loin d’être le cas, puisque nous avons toujours la perspective de réaliser le doublé ou de nous retrouver les mains vides. Cependant, je ne crois nullement en une telle issue. Toute l’équipe a réellement faim de succès. Et, ce qui ne gâte rien, nous terminons en boulet de canon. Chacun s’accordait à dire que Roulers était un déplacement périlleux. On sait ce qu’il en est advenu entre-temps. Nous ne relâcherons pas l’étreinte au cours des rencontres restantes. Dès ce soir, les gens en auront un aperçu. Car malgré le revers encaissé au match aller, je crois fermement en une bonne issue pour nous au Standard. Une qualification nous mettra en appétit pour les deux rendez-vous qu’il nous reste en championnat. Pour moi, davantage que le Soulier d’Ebène, j’ai à c£ur de remporter enfin un prix collectif. Et même deux, si possible : je suis d’un naturel très gourmand ( il rit). J’ai été primé à diverses reprises de façon individuelle, maintenant il est temps de gagner quelque chose avec les autres. Tout ce que j’espère, c’est que j’y parviendrai sur le terrain. Car les blessures à répétition dont j’ai été victime ont quand même entravé une saison qui aurait pu être meilleure encore.

La Coupe

Qu’attendez-vous de cette demi-finale retour de la Coupe de Belgique ?

Fellaini : C’est le point d’orgue de cette fin de saison, en attendant la finale. Jusqu’à présent, les deux équipes sont à égalité : Anderlecht s’est imposé contre nous en championnat et nous avons pris le meilleur sur lui en Coupe, au Parc Astrid. A l’aller, en championnat, nous nous étions quittés dos à dos : 0-0. Un score similaire signifierait notre qualification pour la finale. Je crois que nous devons nous inspirer de cette rencontre, qui avait été d’excellente facture d’ailleurs. A cette nuance près qu’il ne faudra pas tabler, dès le départ, sur un nul sans quoi on risque de s’en mordre les doigts. Il faut viser la victoire, quitte à devoir se satisfaire d’un partage au bout du compte. Celui-là, de toute façon, serait synonyme d’apothéose au stade roi Baudouin.

Tchité : Il n’y a pas 36 solutions pour nous : il faut gagner. On ne peut plus se contenter d’un partage. Jusqu’à présent, on a coincé un peu à ce niveau puisqu’on a réalisé trois draws contre les grands : au Standard (0-0), à Bruges (2-2) et à Genk (1-1). Et nous avions même perdu 2-1 face au quatrième classé, La Gantoise, à Gentbrugge. A ce moment-là, on était loin, très loin même, d’avoir atteint le même degré de cohésion qu’aujourd’hui. En fait, l’équipe s’est longuement cherchée cette saison et ce n’est vraiment qu’à partir du printemps qu’on a su passer la surmultipliée. C’est évidemment de bon augure pour la suite des événements. Notre avantage, par rapport aux Rouches, c’est qu’on sait pertinemment bien ce qu’on doit faire à Sclessin. On ne peut pas se permettre une démarche attentiste, comme le Standard l’avait fait chez nous en championnat. Non, il faut aller résolument de l’avant si nous voulons renverser la vapeur. Du côté de notre adversaire, la volonté sera moins nette. Que faudra-t-il faire ? Protéger son acquis, en courant le risque d’être pris en contre ou attaquer quand même, en s’exposant plus au danger adverse. Un fameux dilemme.

Les clubs

Faire ses débuts au Standard, comme Marouane cette saison, ou débuter à Anderlecht, comme ce fut le cas de Mémé, c’est kif-kif ?

Fellaini : Le degré de difficulté est là dans les deux cas. Personnellement, j’ai vérifié une énorme différence entre la Réserve et la Première en matière d’intensité. Je ne sais trop si je serais parvenu à tirer mon épingle du jeu si, de surcroît, j’avais été appelé à m’exprimer dans un autre club. Mémé y est arrivé et c’est formidable. Il a joué cette saison à Anderlecht comme s’il y avait toujours fait partie des meubles. C’est formidable.

Tchité : C’est vrai que je me suis senti d’emblée à l’aise au Parc Astrid. Mais je n’arrivais pas en territoire tout à fait inconnu. J’ai quand même été testé là-bas autrefois ( il rit). Et je suis sûr que Marouane n’aurait pas éprouvé énormément de difficultés non plus, dans le même cas de figure, puisqu’il a évolué chez les jeunes au Sporting ( il rit). Sérieusement, je suis épaté par ce que lui et les autres coming men ont réalisé à Sclessin cette saison. Je m’attendais à ce que Steven Defour confirme mais de là à ce que Marouane et Axel Witsel s’imposent comme des titulaires indiscutables, c’est extra aussi. Tous méritent un grand coup de chapeau.

Les qualités

Quelle qualité enviez-vous chez l’autre ?

Fellaini : J’aimerais posséder sa pointe de vitesse. Moi, je suis un diesel. Je parviens tout au plus à enclencher le turbo après quelques mètres. Malheureusement, je n’aurai jamais la rapidité de Mémé. Compte tenu de ma taille, ce serait très étonnant, d’ailleurs.

Tchité : Moi, j’aimerais avoir sa taille. C’est toujours intéressant dans le trafic aérien. Reste que si j’avais une ou deux têtes de plus, je ne courrais probablement pas aussi vite. Autant se contenter de ce qu’on a. L’idéal, c’est la complémentarité. Un Fellaini et un Tchité dans la même équipe, ce serait bien ( il rit).

Les Diables Rouges

C’est éventuellement possible chez les Diables Rouges. Qu’est-ce qui vous a incité à opter pour la Belgique ?

Fellaini : C’est un choix qui n’était pas évident. La famille Boussoufa a d’ailleurs essayé d’influer sur mon père et moi pour que je défende les couleurs du Maroc ( il rit). Toute mon éducation footballistique, je l’ai eue en Belgique. Cela ne laisse pas insensible. Pour Mbark, c’était sans doute un peu différent. Il a dû faire un crochet par l’Angleterre, et Chelsea plus particulièrement, puis par la Belgique avec La Gantoise et Anderlecht pour voir ses qualités reconnues. Dans son cas, on peut comprendre qu’il ait privilégié le pays qui n’a jamais douté de lui.

Tchité : Pour moi, le problème était un casse-tête. Né au Burundi d’un père rwandais et d’une mère congolaise, qu’aurais-je dû faire pour ne léser personne ? Le plus simple, c’était de répondre favorablement au pays qui m’a permis de m’exprimer. Mais je ne suis pas encore Diable Rouge pour autant. Avant d’en arriver là, il faudrait d’abord que je possède une carte d’identité belge. Je l’attends toujours.

par bruno govers- photos : reporters/michel gouverneur

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