OEUVRES DE JEUNESSE

Les gamins mauves sont-ils plus forts qu’il y a un an ? Une radioscopie au cas par cas.

Le coup du boomerang, à Anderlecht, on connaît et on déteste. L’engin a été lancé dès l’été dernier par Roger Vanden Stock quand il a parlé d’une  » saison de transition « . Herman Van Holsbeeck a encore balancé plusieurs fois la bête en cours de championnat. Sous-entendu : on ne fera peut-être pas la course en tête mais on va préparer une équipe de feu pour l’année qui suit. Sous-entendu (bis) : une équipe de feu composée de jeunes joueurs qui auront progressé entre-temps.

En cours de route, le président a avoué qu’il avait évoqué une saison de transition  » pour ôter une grosse partie de la pression à notre groupe méchamment rajeuni.  » Le bilan est mitigé, à plusieurs points de vue. Les Mauves ont multiplié les défaites, la pression est là, et surtout, les jeunes n’ont pas tous progressé de façon spectaculaire. Entendu dans les couloirs :  » Ce n’est pas une saison de transition, c’est une année perdue.  »

Que voit-on ailleurs dans le même temps ? Un Standard, un Bruges, un Zulte Waregem et même un Lokeren qui font un gros parcours avec ceci… Michy Batshuayi, Dino Arslanagic, Paul José Mpoku, Julien de Sart, Björn Engels, Brandon Mechele, MaximeLestienne, Thorgan Hazard, Hans Vanaken. Ils ont tous 21 ans ou moins. Et ils sont tous plus forts qu’il y a un an. Si on fait le compte des joueurs de la même génération à Anderlecht, c’est moins brillant.

Le coach de nos Espoirs, Johan Walem ne veut pas être trop dur :  » Pour Dennis Praet et Massimo Bruno, c’est la deuxième saison en D1. Elle est traditionnellement compliquée. Ils ont simplement le même problème que beaucoup de débutants : il faut confirmer, et souvent, ça coince un peu, on alterne les hauts et les bas. J’aurais tendance à dire qu’ils ont progressé depuis un an, dans le sens où ils ont une saison d’expérience en plus. Et leurs qualités foot sont toujours là. Ils gardent aussi une grande marge de progression. Mais évidemment, leur évolution est moins frappante que la saison dernière et c’est ça qu’on retient.  »

Débuter comme pro à Anderlecht, Johan Walem connaît la musique, il l’a fait dans les années 90.  » C’était plus difficile à l’époque qu’aujourd’hui. Maintenant, on peut recevoir très vite une chance. Mais ce n’est pas nécessairement un cadeau parce qu’on transforme directement ces jeunes en stars, et ils doivent pouvoir gérer cela. Il y a aussi le fait qu’on les laisse moins tranquilles qu’au Standard ou à Bruges. Il y a plus d’attention sur eux. Et il ne suffit pas de dire qu’on va faire une saison de transition, ce n’est pas avec ça qu’on leur enlève de la pression. Tout le monde sait qu’à Anderlecht, une saison de transition, ça n’existe pas. Il faut toujours gagner.  »

Qui confirme, qui déçoit cette saison chez les Mauves ? Le point sur le parcours des jeunes pousses, sur leur évolution depuis l’été.

KAMINSKI: régression

Thomas Kaminski (21 ans) s’est mis plus en valeur par ses maillots fluo et ses déclarations que par ses arrêts. Quand il doit remplacer Silvio Proto dans le but quelques minutes avant un match de Ligue des Champions, il est convaincu que son heure a sonné. Très vite, il signale que – malgré tout son respect pour le titulaire – son ambition est de rester longtemps dans le but. Il se plaint aussi publiquement de devoir s’installer sur le banc en Espoirs, au profit de Colin Coosemans. Il a participé au stage américain des Diables en 2013 parce que Marc Wilmots devait compléter son effectif, et il nous explique :  » Je suis appelé chez les Diables mais je ne joue pas en Espoirs, il y a quelque chose d’illogique.  » Il sous-entend même qu’il pourrait opter pour la Pologne, le pays de son père, si rien ne change. Des pressions inutiles. Il reste réserviste avec Johan Walem, qui nous dit :  » Bien sûr, j’ai vu qu’il souffrait. Il a plein d’ambition. Il s’est lâché dans la presse, chacun réagit à sa façon, ça ne me pose pas de problème.  » Avec Anderlecht, il participe au naufrage en Ligue des Champions, il est le joujou de Zlatan Ibrahimovic le jour de ses 21 ans. Puis il rentre dans le rang dès le retour de Proto. Dernier épisode en date : son agent, Didier Frenay, a lancé qu’il quitterait Anderlecht durant l’été si Proto restait.  » Anderlecht joue la carte jeunes avec ses joueurs de champ, pourquoi ne pas le faire avec ses gardiens ? « , s’interroge Frenay. Il ajoute que  » si Proto veut un transfert à l’étranger, il doit le réaliser maintenant.  » Réaction de Proto : il se plaît toujours autant chez les Mauves et il pourrait très bien y finir sa carrière. En octobre dernier, Kaminski a prolongé pour cinq ans. Mais ça sent la fin. Sur un constat de gros échec.

MBEMBA : grosse progression

En début de saison, Chancel Mbemba n’avait jamais joué en D1. Entre-temps, il est devenu incontournable. C’est peut-être l’Anderlechtois le plus régulier, en tout cas la plus belle révélation. La saison dernière, Bram Nuytinck était une découverte et une valeur sûre. Cette saison, il multiplie les va-et-vient entre le banc et la pelouse. La faute à Chancel, surtout. Entre mi-octobre et fin janvier, il n’a pas raté une minute : 13 matches complets consécutifs. Cet aîné d’une famille de neuf enfants, fils d’une basketteuse internationale congolaise, a été revalorisé dès le mois de décembre. Logique. Impressionnant derrière, il sait aussi mettre son petit but de temps en temps. On a même arrêté de parler de l’âge suspect de Mbemba. On le soupçonnait de tricher de deux ou trois ans, la fédé congolaise a entre-temps fait parvenir les papiers qui prouvent qu’il est effectivement né en 1994 et pas avant. Etonnant : il ne fait pas partie des cinq nominés pour le prochain Soulier d’Ebène.

TIELEMANS : grosse progression

Lokeren en phase classique et Bruges en play-offs : les deux matches-références de YouriTielemans (16 ans). Quand Anderlecht perd à domicile lors de la première journée, il est la seule éclaircie. Le lendemain, des petits films avec ses plus belles actions circulent. Un journal flamand signale que  » pour un joueur pareil, les supporters oublient les problèmes de parking autour du stade « . Et un commentateur hollandais lâche :  » Comme si les Belges n’avaient pas encore assez de talents.  » On le considère comme l’une des plus grandes promesses de l’histoire de Neerpede, il peut être exceptionnel dans l’axe de l’entrejeu mais a aussi dépanné au back gauche, il est la nouvelle mascotte du public mais il avait une relation parfois compliquée avec John van den Brom qui l’a même expédié en tribune. Besnik Hasi lui a rendu confiance et son match récent contre Bruges a été démentiel. Un Tielemans à ce niveau, c’est la garantie pour Guillaume Gillet et Sacha Kljestan de devoir frotter encore régulièrement le banc.  » Par rapport à Praet et Bruno la saison passée, il a connu son creux plus tôt après s’être révélé « , dit Johan Walem.  » Mais il est aussi plus jeune et il a eu d’autres soucis qui peuvent expliquer certaines choses. Ce qu’il traverse, c’est une bonne école de vie.  »

ACHEAMPONG : stagnation

Frank Acheampong (20 ans) est devenu un chouchou du public mauve dès ses premiers matches, en début de saison. C’est une demi-portion qui court très vite, fait le spectacle sur son flanc et marque aussi de temps en temps. Quand Anderlecht l’a acheté pour un million après quelques mois de test et une place dans l’équipe lauréate du tournoi de Viareggio, on a signalé qu’il y avait décidément plein de talent dans le championnat de Thaïlande, dont il est devenu le transfert sortant le plus cher. Mais depuis fin décembre, on n’a plus revu le Ghanéen sur les terrains. Il a d’abord subi une opération à l’oreille (!) puis il s’est blessé à la cheville en février. Il est aujourd’hui sur le point de retrouver l’équipe Première. Cette saison a signifié, pour lui, des débuts en Ligue des Champions et un premier but avec son équipe nationale. Il a des circonstances atténuantes pour justifier son année difficile. En attendant, on ne peut pas encore affirmer qu’il est capable d’être un des piliers de l’Anderlecht de la saison prochaine.

NAJAR : grosse progression

Andy Najar (21 ans) est d’autant plus une bonne surprise qu’on n’attendait pas grand-chose de ce jeune Hondurien qui n’avait connu que le championnat des Etats-Unis. C’est encore un petit gabarit dont Anderlecht dit que  » son style colle à la maison mauve « . Malgré sa petite taille et son poids XXS, il a des facultés physiques très intéressantes.  » Il a trois poumons « , a dit un jour Guillaume Gillet. C’est l’un des Anderlechtois qui parcourent le plus de kilomètres par match. Il est déjà arrivé à 13 bornes en une heure et demie. Il a dépanné au back droit, il a parfois ébloui dans l’axe et il a été redoutable sur le flanc, au point de prendre la place de Massimo Bruno. Il est sous contrat jusqu’en 2016 mais on raconte qu’il y a de plus en plus de scouts qui viennent chez nous pour l’observer. Et s’il faisait une grosse Coupe du Monde avec le Honduras ? Wilfried Van Moer a en tout cas un avis tranché :  » Le Standard possède des joueurs de classe, mais le gars le plus complet du championnat, c’est Najar. Il a déjà évolué à toutes les positions possibles et il s’en est toujours très bien tiré.  »

PRAET: stagnation

Il y a un an et demi, on s’interrogeait sur le timing de sa première sélection chez les Diables Rouges. Dennis Praet (19 ans) en était tout proche, il y avait unanimité sur la question.  » Quand tu as du talent, il n’est jamais trop tôt « , nous avait dit John van den Brom. Aujourd’hui, on est sûr d’une chose : à moins d’une épidémie, Praet n’ira pas au Brésil. Pire : il a même souffert pour conserver sa place chez les Espoirs.  » Il y a des comportements chez lui que je n’ai pas trop appréciés, on en a parlé, c’est rentré dans l’ordre « , lâche Johan Walem.  » Je lui ai fait faire des séjours sur le banc, il a réfléchi et regagné progressivement ma confiance. Il comprend qu’il a encore une grande marge de progression au point de vue du rayonnement, de la personnalité et du dévouement. Mais il ne lui manque rien pour devenir un tout grand.  » Que ce soit dans l’axe ou sur la gauche, Praet continue à étaler sa classe au-dessus de la moyenne par moments, mais cette saison ne restera pas, pour lui, celle de la régularité. Même topo à Anderlecht qu’en Espoirs : il a parfois dû se contenter du banc.

BRUNO: stagnation

Le bilan de l’autre révélation de la saison dernière est aussi en demi-teinte. Massimo Bruno (20 ans) a confirmé en début de championnat, puis il a connu un creux.  » Il joue à Anderlecht, pas dans un club de milieu de classement « , dit Walem.  » Il a compris que la saison de la confirmation était souvent compliquée dans une équipe pareille. Et il a dû supporter la concurrence de Najar.  » Une concurrence qu’il n’attendait probablement pas. Des pépins physiques ne l’ont pas aidé. Il y a un an, Van den Brom affirmait qu’un joueur comme lui devait mettre de sept à dix buts par saison, et aussi donner des assists : Bruno est dans les temps. Par contre, pour le Brésil qu’on lui promettait aussi, c’est mort.

MITROVIC : petite progression

Les avis sur Aleksandar Mitrovic (19 ans) restent contrastés. Il marque les buts qu’on lui demande de marquer, mais il a coûté 5 millions, et donc on voudrait qu’il soit plus régulièrement décisif dans les grands rendez-vous. Jusqu’ici, c’est essentiellement contre des adversaires modestes qu’il s’est mis en évidence. Mais tous les connaisseurs sont bien d’accord : c’est un vrai buteur.  » Je n’ai pas trop envie de parler de lui parce qu’il nous a fait très mal récemment quand on a perdu contre la Serbie… « , rigole Johan Walem.  » Ce jour-là, je me suis moi aussi fait la réflexion qu’on voyait rarement le même joueur avec Anderlecht. Il y a le Mitrovic intenable avec son équipe nationale et celui qui semble encore se chercher par moments avec son club. En Espoirs, il a toujours un gros impact. J’ai rarement vu un attaquant de son âge aussi rusé, et même irritant. Il ne laisse pas une minute de repos aux défenseurs.  »

PAR PIERRE DANVOYE

A Anderlecht, on se retranche derrière les jeunes pour expliquer les résultats. Mais le Standard et Bruges en ont aussi et précèdent le RSCA au classement.

 » Le Standard possède des joueurs de classe, mais le gars le plus complet du championnat, c’est Najar.  » Wilfried Van Moer

 » J’ai rarement vu un attaquant de l’âge de Mitrovic aussi rusé, et même irritant. Il ne laisse pas une minute de repos aux défenseurs.  » Johan Walem

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