En un an, ce trio qui joue à l’AZ (ex-Genk), Anderlecht et Lille est passé des -19 aux -21. En attendant mieux ?

Ils ont joué ensemble au Standard lorsqu’ils avaient 15 ans. L’an passé, ils jouaient ensemble dans l’équipe nationale des -19 ans. A l’époque, Sébastien Pocognoli avait déclaré :  » Ce qu’il manque au Standard pour retenir ses jeunes, c’est l’équivalent d’un Vincent Kompany à Anderlecht : à savoir, un joueur formé dans le sérail qui s’impose en équipe Première et montre aux autres que c’est possible « . Depuis lors, le message semble être passé à Sclessin, puisque Maroune Fellaini et Axel Witsel se sont imposés. On ne reviendra donc pas sur le passé rouche de Poco, Jonathan Legear et Kevin Mirallas. Entre-temps, les trois joueurs ont trouvé leur voie, chacun de leur côté : l’un à Genk, l’autre à Anderlecht et le troisième à Lille. Ils ont aussi atteint l’équipe nationale des -21 ans qui, en ce mois de juin, participera à l’Euro de la catégorie aux Pays-Bas (Legear, qui était repris dans la présélection des 30, a finalement dû déclarer forfait suite à une déchirure à la cuisse qu’il s’est occasionnée lors du dernier match de championnat à Mons). En 12 mois, ils ont donc progressé de deux ans.

Leur saison

Legear : En 2005-2006, j’avais été souvent blessé : j’ai d’abord souffert d’une pubalgie, puis j’ai été opéré au genou. Je n’avais donc pas pu participer au championnat avec Anderlecht. Cette saison, en revanche, j’ai été titularisé à 11 reprises et, lorsque je débutais sur le banc, je suis souvent monté au jeu. J’ai aussi eu droit à des minutes en Ligue des Champions et j’ai joué trois matches de Coupe de Belgique. Quoique je le dise moi-même, je trouve que mes prestations furent encourageantes. J’ai donc tout lieu de me montrer satisfait. Je suis conscient qu’il me faudra confirmer la saison prochaine et j’espère accroître mon temps de jeu.

Mirallas : Le premier tour de la saison m’a laissé sur ma faim. Par contre, je suis satisfait de mon deuxième tour. J’ai souvent été aligné et j’ai inscrit quelques buts. Malheureusement, c’est à ce moment-là que l’équipe a décliné. Mes amis n’ont pas manqué de me chambrer à cet égard, mais je ne pense pas qu’il y ait un lien de cause à effet. Je pense avoir livré de bonnes prestations. Le plus important, pour moi, était de jouer, et l’objectif a été atteint. Au total, j’ai joué 23 matches. Je ne peux pas me plaindre.

Pocognoli : Je trouve que j’ai livré une saison très régulière. Je n’ai pas connu trop de hauts et de bas. J’ai, certes, traversé quelques moments de fatigue, surtout à la fin du premier match car je n’avais jamais eu l’habitude d’enchaîner les matches à une telle cadence, mais j’ai su revenir plus fort grâce à une préparation adaptée et à un suivi médical approprié. Il n’y a pas que la fatigue physique, il y a aussi la fatigue mentale, mais cela fait partie de l’apprentissage. L’une de mes satisfactions est d’avoir réussi de bonnes prestations dans les grands matches, c’est significatif.

Leur progression

Legear : Dans tous les domaines : footballistique, physique, mental. Je crois que j’ai mûri : je m’énerve moins rapidement, j’accepte les conseils, j’assume mes erreurs. Un déclic s’est produit. En un an, mon évolution a été très positive. Il fallait que jeunesse se passe. Aujourd’hui, j’ai compris que mon avenir dépendait d’abord de moi. A 20 ans, il était temps, non ?

Mirallas : Je pense d’abord que j’ai mûri. Le fait d’évoluer, à 19 ans, dans un bon club de Ligue 1 et de côtoyer quotidiennement les joueurs professionnels, me procure une expérience qui me sera très utile. En France, ce n’est pas facile de jouer comme attaquant. Les défenses sont très costaudes. Mais, désormais, je conserve mieux le ballon. C’est là aussi qu’on voit j’ai progressé.

Pocognoli : J’ai connu Kevin au Standard. Par rapport à cette période-là, je trouve qu’il a beaucoup progressé au niveau du contrôle du ballon, de la qualité de la passe et de la vitesse d’exécution. En ce qui me concerne, j’ai également acquis de l’expérience : en juin 2006, j’avais 15 matches de D1 à mon actif. Aujourd’hui, j’en ai 30 de plus. Rien que cela, c’est déjà une progression évidente. J’ai gagné en confiance, je gère mieux le stress, je dose mieux mes efforts, j’ai amélioré mon positionnement. J’ai un jeu qui exige une grosse dépense d’énergie, et au début, j’étais un peu trop fougueux. L’envie de bien faire n’y était pas étrangère. J’ai beaucoup appris, aussi, au contact de Jean-Philippe Caillet. C’est un joueur qui possède beaucoup d’expérience, qui parle beaucoup et qui a su me guider lorsqu’il le fallait. Il a été formé à Clairefontaine et on voit qu’il possède un gros bagage tactique. Il officie un peu comme le coach sur le terrain.

Leurs entraîneurs

Pocognoli : Oui. Au début, Hugo Broos me considérait comme un jeune débutant, ce qui est logique. Aujourd’hui, il m’implique davantage dans la vie de l’équipe, me parle, s’inquiète de mon état de santé. Je sens que j’ai acquis plus d’importance à ses yeux.

Legear : A un moment donné, comme tous les jeunes, j’avais tendance à trépigner d’impatience et à estimer que je méritais davantage de temps de jeu, mais je dois reconnaître que Frankie Vercauteren m’a beaucoup apporté. Ne serait-ce qu’au niveau de la qualité des centres, même si lui-même était gaucher. Dans d’autres domaines aussi, il m’a prodigué de précieux conseils. J’ai choisi de l’écouter et je ne le regrette pas. Je sens qu’il m’accorde désormais sa confiance. Pas à tous les matches, mais je me mets à sa place : dans un effectif aussi étoffé que celui d’Anderlecht, où 25 joueurs réclament une place de titulaire, il ne peut pas satisfaire tout le monde. C’est plus facile pour Hugo Broos de faire ses choix à Genk : il dispose de 13 ou 14 joueurs, et couche quasiment toujours le même 11 de base sur papier.

Mirallas : Mon premier tour avait été fort irrégulier. J’alternais les bons et moins bons matches. Je devais à tout prix acquérir plus de régularité. Durant la trêve, j’ai fait le point. Je me suis bien reposé et j’ai aussi eu une discussion avec Claude Puel. Je lui ai confié que je souhaitais jouer davantage et il m’a expliqué ce qu’il attendait de moi. A partir de là, cela a été beaucoup mieux. En février et mars, je crois que j’ai répondu à l’attente. Mes rapports avec l’entraîneur évoluent également. Au début, il me parlait peu. Au fur et à mesure que je grandis, il me parle de plus en plus.

Leur club

Legear : On est champion et on a atteint les demi-finales de la Coupe de Belgique. Quoi qu’en disent certains, c’est un bilan positif. Certes, on n’a pas réalisé le doublé Coupe/championnat, et on n’a pas passé l’hiver en Ligue des Champions, mais on ne peut pas tout avoir.

Pocognoli : Je ne trouve pas qu’on a croulé sous la pression, comme certains l’ont prétendu. Simplement, en fin de championnat, on était sur les genoux. On a grillé nos dernières cartouches à Lokeren, mais pour les deux derniers matches, on n’avait plus de jus. Le championnat a duré deux semaines de trop. La blessure de Thomas Chatelle fut peut-être celle de trop également. L’entraîneur avait pu compenser la blessure d’Ivan Bosnjak en introduisant Faris Haroun en soutien d’attaque. Puis, Faris s’est blessé à son tour. On a tenu le coup vaille que vaille, mais il ne fallait pas un troisième coup du sort. En outre, derrière, il y a eu souvent des alternances avec Eric Matoukou et Tomislav Mikulic. Pour moi, qui suis appelé à évoluer à leurs côtés, cela change la donne.

Mirallas : Un moment, on pouvait clairement viser une nouvelle participation à la Ligue des Champions. Au bout du compte, on termine 10e. C’est donc décevant. Je pense que notre élimination de la C1 a eu un effet négatif. On a eu du mal à la digérer et on n’a pas su trouver la concentration nécessaire pour se re-motiver pour le championnat. On a parlé de fin de cycle. Beaucoup de joueurs étaient annoncés sur le départ. En partant, j’ai eu quelques nouvelles et on m’a assuré qu’il n’y en aurait que quelques-uns.

L’Euro des Espoirs

Legear : Je ne pourrai malheureusement pas y participer. C’est vraiment râlant de se blesser à un quart d’heure de la fin du dernier match. Ma santé passant avant tout, j’ai dû renoncer, la mort dans l’âme, mais je trouve qu’on a une très belle équipe.

Mirallas : Vu la défection de plusieurs attaquants, j’aurai peut-être un rôle important à jouer, mais on dispose aussi de joueurs dans la deuxième ligne capable de marquer. La qualification se jouera sur des détails. Il faudra saisir les occasions lorsqu’elles se présenteront.

Pocognoli : Ce sera une épreuve où beaucoup de regards seront braqués sur vous. Il ne faudra pas crouler sous la pression. On rêve tous des Jeux Olympiques mais il faut se dire que, si l’on n’y parvient pas, ce ne sera pas la fin du monde. Il faut jouer notre jeu, se dire qu’on a nos chances et donner le maximum pour réussir. On verra où cela nous amènera.

Les atouts belges

Legear : Je trouve qu’on a un très bon groupe. Je suis un peu surpris que Steven Defour n’ait pas été repris. Il aurait pu former un entrejeu très compétitif avec Maroune Fellaini et Axel Witsel. Mais la Belgique dispose d’autres atouts, comme Maarten Martens. Beaucoup de joueurs sont déjà titulaires dans des grands clubs.

Mirallas : Les Néerlandais et les Portugais vont peut-être nous sous-estimer. C’est peut-être notre chance, car on n’a pas grand-chose à leur envier et on est très motivé. Cela se voit déjà à l’entraînement, où chacun se donne à fond. Israël a sorti la France : c’est une équipe très physique, qui laisse peu d’espaces. Les Pays-Bas et le Portugal ont quelques grosses individualités, mais la Belgique aussi. Et en plus, on peut tabler sur un gros collectif.

Pocognoli : A chaque poste, on a des joueurs qui sont titulaires dans leur club. C’est un gros atout, dont ne disposent pas nécessairement les Pays-Bas. Les Portugais ont Moutinho et Nani, qui sont capables de faire la différence, mais tous les joueurs ne sont pas à leur niveau. Par rapport à nos rivaux, je trouve que l’équipe belge est très expérimentée.

Les Diables Rouges

Pocognoli : Huit -21 ans ont été appelés par René Vandereycken pour affronter le Portugal et la Finlande et je n’ai pas envie de m’épancher sur ce sujet. Cela m’énerve. Il est clair que les Diables Rouges me font rêver, mais d’autres décident à ma place. Les Jeux Olympiques me font rêver également, et pour cela, il faudra se surpasser à l’Euro. C’est dommage que le groupe ait été ainsi scindé durant la préparation. Ce n’était pas l’idéal. Personnellement, je ne connais pas du tout Thomas Vermaelen. Or, il y a de fortes chances que je devrai évoluer à ses côtés. Il faudra composer avec cette donnée, on n’a pas le choix.

Mirallas : Pour l’instant, je préfère disputer le Championnat d’Europe des Espoirs que me retrouver sur le banc chez les Diables. L’équipe A reste une ambition, c’est logique, mais je n’ai que 19 ans et je ne veux pas brûler les étapes. Je fais mon chemin à mon rythme, et si d’autres ont déjà intégré les Diables Rouges à mon âge, tant mieux pour eux. J’espère qu’un jour, on se retrouvera au plus haut niveau.

Legear : Je suis déjà satisfait d’avoir intégré l’effectif de Jean-François de Sart. C’est un pas en avant puisque j’étais encore en -19 ans il y a 12 mois. Je n’ai débuté en Espoirs que cette saison-ci : j’étais sur le banc lors des deux matches-clefs pour la qualification, contre la Bulgarie, et après être monté au jeu, j’ai marqué tant à l’aller qu’au retour. Les Diables Rouges, j’aurai encore le temps d’y penser. Je ne veux pas brûler les étapes : je dois d’abord m’affirmer définitivement chez les Espoirs avant de franchir le pas.

Leur avenir

Legear : Le mien à Anderlecht. Je vais re-signer jusqu’en juin 2011. Pourquoi chercher ailleurs lorsqu’on se sent bien en Belgique ? Faire partie de l’effectif du club belge le plus prestigieux, alors que je viens à peine d’avoir 20 ans, ce n’est pas négligeable. Lors des derniers matches, j’étais le plus jeune sur la feuille de match. Cela signifie quelque chose, dans un contexte où la concurrence est féroce. Mais elle ne m’effraie pas. Il y a beaucoup d’attaquants au Sporting, et l’on parle encore d’en transférer, mais je ne me considère pas comme un attaquant. Plutôt comme un vrai flanc droit, dans l’entrejeu. Et, à ce poste, j’estime avoir réellement ma chance. Je ne suis pas impatient. J’ai encore 15 ans de carrière devant moi et je souhaite franchir les échelons progressivement, marche par marche. A la place de Poco, je serais encore resté une saison en Belgique : il n’a pas encore connu la Ligue des Champions. Mais c’est son choix de partir et je le respecte. Il a clairement le talent pour s’imposer aux Pays-Bas.

Pocognoli : Ce qui a guidé mon choix, c’est le fait qu’AZ constitue une progression raisonnable dans ma carrière. J’ai le sentiment de franchir un palier sans viser directement les tout grands championnats. C’est un club qui possède un entraîneur très renommé, Louis van Gaal, qui pourra m’apprendre beaucoup. C’est un club ambitieux, où d’autres jeunes joueurs belges ont réussi à s’imposer. Je pense avoir fait le bon choix, même si les deux clubs doivent encore s’entendre. Le fait que Genk disputera la Ligue des Champions et AZ, la Coupe de l’UEFA, ne me dérange pas.

Mirallas : Personnellement, je trouve que Sébastien a fait le bon choix. Il sort d’une bonne saison à Genk, et en restant une saison de plus en Belgique, rien ne dit qu’il progressera encore. En ce qui me concerne, je n’ai pas encore re-signé à Lille, mais pour l’instant, j’y suis toujours et je m’y sens bien. Cela dit, le Championnat d’Europe des Espoirs constitue une belle vitrine. Mon rêve est de jouer un jour en Espagne, le pays d’origine de mon père, mais j’ai le temps.

par daniel devos – photos: reporters

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