» NOUS SURFONS SUR LE SUCCÈS DES DIABLES « 

Tessa Wullaert est l’alter ego d’Eden Hazard chez les Red Flames, notre équipe nationale féminine. Elle doit aider la Belgique à se qualifier pour un premier EURO. Première rencontre qualificative face à la Serbie, ce lundi.

Le VfL Center, le complexe d’entraînement de Wolfsburg. Julian Draxler et Max Krüse pénètrent dans la salle de presse. Un peu plus loin, Koen Casteels boit un coca. Tessa Wullaert a quitté le Standard pour le grand club cet été mais c’est la première fois qu’elle voit de près les stars masculines.  » Nos stades sont voisins mais nous nous entraînons ailleurs. Nous sommes complètement séparés.

Parfois, nous assistons aux matches de nos collègues masculins mais la réciproque n’est pas vraie. Au Standard, Igor De Camargo venait régulièrement et il était surpris par notre niveau. Je devrais peut-être demander à Koen Casteels de motiver ses coéquipiers « , sourit Tessa.

Que représente une équipe professionnelle féminine ?

TESSA WULLAERT : Le Standard a le meilleur encadrement de Belgique, grâce à Roland Duchâtelet, qui a un faible pour le foot féminin. Wolfsburg est encore supérieur. Nous avons notre propre stade, plusieurs terrains d’entraînement parfaitement entretenus, cinq kinésithérapeutes. Si je dois consulter un dentiste, c’est arrangé en un coup de fil.

Vous voilà pro depuis quelques mois. Est-ce un autre monde ?

WULLAERT :Avant, mon agenda était rempli. J’étudiais à Courtrai, je rentrais manger un bout à la maison puis j’allais m’entraîner à Liège. Je n’étais jamais au lit avant 23 heures. Et ce trois fois par semaine. Dorénavant, je peux me concentrer sur le foot. Beaucoup de jeunes footballeurs qui passent pros ne savent pas comment occuper leurs loisirs. J’essaie de me trouver une activité tous les jours, en dehors du football. J’ai achevé mes études en tourisme. Le timing est donc parfait. Maintenant, je veux me donner à fond en football.

PLUS VIVANT QU’EN BELGIQUE

Gunther Thiebaut, votre agent, prétend que vous avez longtemps hésité à signer pour deux ans à Wolfsburg. Vous auriez préféré un contrat d’un an.

WULLAERT : Je ne savais pas si j’aimerais cette existence. J’ai changé d’avis : ce contrat est une assurance pour deux ans.

Cela vous mettra-t-il à l’abri financièrement ?

WULLAERT : Aucune joueuse ne peut vivre de ses gains. Je sais ce que je peux dépenser et ce que je dois mettre de côté.

L’Allemagne est-elle la terre promise des footballeuses ?

WULLAERT : Le foot féminin y vit plus qu’en Belgique. Le club a imprimé des cartes de chaque joueuse. Nous les dédicaçons et les distribuons aux supporters. J’ai même vu un Allemand qui portait mon maillot. C’est fou !

Vos coéquipières en équipe nationale vous considèrent-elles différemment, maintenant ?

WULLAERT : Je ne ressens aucune jalousie mais quand j’effectue des exercices de stretching après l’entraînement, elles se demandent ce que je fais. J’espère pouvoir faire changer les choses.

Vous avez ouvert la porte aux autres Belges.

WULLAERT : Depuis mon transfert, la Belgique se retrouve sur la carte du football. J’espère que des filles vont suivre mon exemple mais je les préviens : il ne faut pas émigrer trop vite ! On se retrouve seule. Il faut une auto, une carte bancaire, un gsm, un appartement… Beaucoup de jeunes joueuses étrangères se fourvoient à Wolfsburg.

A terme, ne devez-vous pas devenir le visage des Red Flames ?

WULLAERT : Cela ne me poserait pas de problème mais Lorca Van De Putte et Janice Cayman, qui jouent aussi à l’étranger, constituent de bonnes ambassadrices.

PLUS DE MOYENS

François De Keersmaecker, le président de l’UB, trouve que le football féminin manque de locomotives.

WULLAERT : J’en ai avalé mon café de travers : trois internationales qui jouent à l’étranger, n’est-ce pas assez pour promouvoir le football féminin ? La fédération ne fait rien.

Devrait-elle mieux exploiter votre image ?

WULLAERT : Je ne demande pas qu’on colle mon portrait à tous les coins de rue. Je suis déjà contente de pouvoir accorder des interviews. Mais la fédération doit prendre plus d’initiatives. Ça doit venir des deux côtés : plus nous serons performantes, plus on parlera de nous. Une qualification pour l’EURO 2017 aux Pays-Bas nous boosterait.

A quoi est due la brusque popularité de l’équipe nationale ?

WULLAERT : Nous surfons sur le succès des Diables Rouges, même si nous n’aimons pas qu’on nous compare à eux. C’est pour ça qu’il fallait développer notre propre marque. A mes débuts internationaux en 2011, il n’y avait rien. Les moyens étaient très limités. Maintenant, nous avons un attaché de presse, un préparateur physique, un compte Instagram, un logement à Louvain et des supporters de plus en plus nombreux.

Dans ces conditions, vous ne pouvez pas rater l’EURO. Ce serait votre premier grand tournoi.

WULLAERT : En effet, dans notre poule, seule l’Angleterre est mieux classée. On peut diviser le football international en trois groupes : les pays faibles comme la Bosnie, puis des pays comme la Belgique et les Pays-Bas et ensuite les grandes nations, comme l’Allemagne et les USA. Les écarts entre les pays sont trop importants.

Trouvez-vous aussi que les Ronaldo et les Messi de ce monde gagnent trop ?

WULLAERT : J’étais avec quelques copines quand nous avons rencontré Kevin De Bruyne, qui venait de signer à Chelsea. Dans le fil de la conversation, je lui ai dit que je passais quatre heures par jour pour aller m’entraîner au Standard. Il a été stupéfait :  » Je ne sais pas si j’en serais capable.  » Ceci dit, les femmes ne se battent pas pour une place ni pour un meilleur contrat. Même si nous avons droit à un meilleur salaire car nous consentons nous aussi des sacrifices.

PAR ALAIN ELIASY À WOLFSBURG – PHOTO BELGAIMAGE

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