» NOUS NE SAVONS PAS GÉRER LES CRISES « 

Le président de Genk s’est livré sur tous les sujets brûlants qui ont perturbé le début de saison limbourgeois.

Dirk Degraen était parti mais il n’était pas question de renvoyer Emilio Ferrera, les contacts avec Franky Vercauteren n’avaient pas encore fait l’objet d’une fuite et Tornike Okriashvili ne s’était pas encore retrouvé en taule après une bagarre, en état d’ébriété, avec Anele Ngcongca. Quand nous avons pris rendez-vous avec Herbert Houben, le président du RC Genk, tout allait bien ou à peu près, car le malaise était déjà présent.

Comment décririez-vous votre situation actuelle ?

Herbert Houben : Nous effectuons les démarches nécessaires pour remettre le club sur les rails. Nous avons encore du pain sur la planche mais nous sommes en bonne voie.

Quelle image votre club a-t-il donnée, selon vous ?

Chaotique. Celle d’un club sans guide.

Est-ce exact ?

Non. Cette image est née de ce qui est paru dans la presse, qui a toujours tendance à extrapoler. Quand ça va bien, on crée un climat d’euphorie sans voir les points négatifs mais dans le cas contraire, on se fixe sur ceux-ci.

Genk a limogé Mario Been, s’est séparé de Dirk Degraen, son directeur général, puis a renvoyé Emilio Ferrera après une journée. Chaos n’est-il pas le terme approprié ?

Le chaos signifie que personne n’a plus rien à dire, que le conseil se déchire et ne peut plus convenir d’une vision. Nous avons eu des divergences mais tout le monde est resté en bons termes.

Vous pointez la presse du doigt ?

Seulement pour cette image chaotique. Par exemple, TV Limburg a annoncé que Vercauteren était notre nouvel entraîneur alors que nous avions seulement eu un entretien. Trois jours plus tard, on annonce qu’il ne vient pas et les gens se demandent à quoi nous jouons.

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ces derniers mois ?

Le volet sportif. Nous avons mal jugé Ferrera. Nul ne nous a déconseillé de prolonger son contrat pendant les discussions internes. Le jeu était meilleur et l’idée était de lui donner sa chance. Son métier ne fait aucun doute. Encore faut-il pouvoir transmettre son savoir. La préparation n’a pas été un succès. Nous avons établi avec lui une liste de joueurs que nous n’utiliserions plus mais il les a titularisés lors du premier match.

Jeroen Simaeys et Khaleem Hyland.

Je ne cite pas de noms mais nous avons mal compris ses choix. Le match contre Malines a été dramatique, sans qu’il procède à des changements tactiques. Nous étions trop inquiets pour patienter.

Gunter Jacob, le directeur sportif, a donné l’impression de ne pas être d’accord avec ce renvoi.

Gunter n’a pas de voix au sein du conseil d’administration, qui a pris cette décision, mais nous lui avons demandé son avis sur certains points et cela a influencé notre décision.

Quand un club se sépare de son directeur général, c’est que le malaise n’est pas seulement sportif.

Nous n’avions plus la même vision et nous nous sommes séparés en convenant de nous taire.

Plus de fuites

Quels sont les défis que doit relever Patrick Janssens, son successeur ?

Il doit être le ciment entre tous les départements du club. Dans notre structure, beaucoup de gens se sentent impliqués et veulent donner leur avis. Quand ça va mal, on voit tout en noir et on est tenté d’en parler à la presse. Patrick doit mettre tout le monde d’accord.

Avez-vous parlé de ces fuites en interne ?

Oui, mais sans savoir de qui elles viennent. Aucun président n’a mené son mandat à terme dans ce club. Tous nos directeurs sportifs sont partis ou ont été renvoyés. Je ne m’accroche pas à mon poste. On m’a répondu à l’unanimité qu’on ne voulait pas mon départ. J’en ai profité pour dire qu’il fallait apprendre à gérer ces crises pour ne pas sombrer chaque fois dans le chaos. Car notre club n’a jamais su gérer de crise sans sacrifier beaucoup de gens.

Le nouveau complexe de jeunes a été baptisé du nom de Jos Vaessen. Pour le tenir tranquille ?

Non. Ce serait impossible. Nous avons jugé qu’il le méritait, c’est tout. Jos a surtout manifesté ses craintes sur l’aspect sportif. Il n’a plus l’ambition d’être président ni de gérer toute la politique sportive.

Vous dites que Janssens doit être le ciment. Cela veut dire que son prédécesseur ne l’était pas ?

De fait. Dirk était brillant dans son rôle de manager. Il s’intéressait moins au reste. Mais le club a profité de son talent : il suffit de voir la différence entre le prix des transferts entrants et les revenus générés par leur vente.

Avez-vous assis votre position en engageant Janssens, un poids lourd, et le nouveau coach, Alex McLeish, qui correspond au profil recherché ?

Toutes les décisions émanent du conseil. Le président doit parfois trancher, évidemment, et je l’ai fait.

Vous êtes donc plus fort ?

Ces embauches ont calmé le jeu. Il y avait un peu de chaos, sans entraîneur ni directeur et un président ne peut pas tout résoudre.

Vous reconnaissez donc qu’il y a eu du chaos.

De l’agitation, un moment de malaise.

Une offre de trois millions pour Kabasele

Prochaine étape, la réforme de la cellule sportive. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Il faut plus de structure. Supporters et membres du conseil se demandent pourquoi nous achetons un joueur et pas l’autre. Pourquoi n’avoir pas enrôlé Hans Vanaken pour 5 millions ? Il faut pouvoir le faire comprendre.

En cinq ans, Degraen, flanqué de Jacob depuis deux ans, a vendu les perles du club, style Thibaut Courtois et Kevin De Bruyne. Tout le monde y serait parvenu mais il a retiré quelques millions de plus qu’un autre de ces ventes. D’un autre côté, il n’a enrôlé qu’un joueur revendu avec un gros bénéfice : Kalidou Koulibaly. Le bilan est quand même maigre ?

Dirk n’enrôlait pas de joueurs. C’était Herman Vermeulen puis, après un vide, Gunter, qui a eu besoin d’un temps d’adaptation.

Jacob a-t-il fait l’objet d’une discussion ?

D’une évaluation, ce qui était normal, puisqu’un petit groupe de supporters criait semaine après semaine  » Gunter dehors ! « . Il doit rester en poste. Gunter excelle dans l’embauche de jeunes talents, notre marque de fabrique.

On ne l’a pas vraiment remarqué ?

Gunter a recruté et fait réussir Christian Benteke. Et Koulibaly. Il était le premier transfert inconnu et nous l’avons vendu après un an. Kabasele n’a rien coûté, il est ici depuis trois mois et j’ai reçu une offre de trois millions pour lui il y a deux semaines. Le mérite en revient à Gunter, à 100 %. En trois ans, ce n’est pas mal. Il aurait pu y ajouter Aleksandar Mitrovic. Il coûtait trois millions, Gunter a insisté mais nous n’avions pas besoin d’avants à ce moment. D’autres joueurs n’ont pas réussi mais c’est pareil dans tous les grands clubs.

 » On ne vise pas le top 3 ! »

Contre Ostende, lors de son premier match, McLeish a aligné une équipe d’une moyenne d’âge de 28 ans, soit la plus âgée des grands clubs.

C’est une phase de transition. Nous avons acheté six ou sept jeunes talents. Ils ont besoin de temps. La saison passée, nous avions enrôlé Ilombe Mobyo pour améliorer notre classement d’emblée. Nous venions de gagner la Coupe et de lutter pour le titre jusqu’à quelques matches de la fin. Nous pensions qu’il suffisait d’adjoindre un bon avant à ce noyau pour nous établir dans le top trois. Ayant échoué, nous avons réfléchi. Allions-nous investir dans des joueurs style Defour, dépensant beaucoup pour un seul joueur doté d’un gros salaire ou allions-nous enrôler plusieurs joueurs susceptibles de progresser, sachant que nous ne les vendrions pas tous pour 8 millions ? Nous avons opté pour cette solution. C’est pour ça que nous avons déclaré, en début de saison, que nous ne visions pas le top trois. Nous avons changé notre fusil d’épaule.

Votre vision dépend de l’échec d’un joueur ?

Non, de l’argent qui est en caisse. Ce n’est pas la vision qui en dépend mais les investissements. Rien n’est jamais tout blanc ni tout noir.

Comprenez-vous que Jelle Vossen se soit senti trompé ? Il s’était toujours laissé convaincre de rester mais le club n’a pas assouvi ses ambitions, il a raté le Mondial et a perdu en valeur.

Je comprends qu’il ait été déçu de ne pas aller au Brésil, pas qu’il se soit senti trompé. Aucun club ne peut vous offrir la garantie que tout ira toujours bien. Chacun porte ses responsabilités, Jelle comme les autres : il n’a pas livré une bonne saison.

 » Simaeys et Okriashvili ont reçu une sanction adaptée  »

Hervé Kage ne joue toujours pas et a été l’objet d’une sanction disciplinaire. La mentalité du vestiaire n’est pas bonne, comme l’a illustré la bagarre de poivrots entre un autre nouveau, Tornike Okriashvili, et Anele. Les gens se demandent quelle politique de transferts vous menez…

Je le comprends mais en fin de saison, ils la trouveront peut-être bonne. Nous verrons à ce moment ce qui est le plus important : cet incident ou ce que les joueurs concernés ont réalisé pendant toute la saison.

Si Simaeys ou Hyland avaient été impliqués dans une bagarre de ce genre, vous les auriez sans doute renvoyés. Vous essayez d’étouffer l’affaire parce que ces joueurs ont une certaine valeur marchande. Moralement, n’est-ce pas doublement triste ?

Il n’y a pas deux morales. Il faut analyser tous les faits avant de prendre une décision.

Deux phrases critiques ont renvoyé Simaeys dans le noyau B mais un joueur arrêté en état d’ivresse s’en tire avec une amende et est aligné la semaine suivante.

Nous l’avons dit : cet article était inacceptable. On ne tient de tels propos qu’en interne. On parle d’un joueur mécontent qui a été écarté et qui avait été très mauvais à Malines mais qui est incapable de réaliser son autocritique. Ce n’est pas comme ça qu’on aide son employeur. C’est une faute grave.

Et être cueilli ivre en rue ?

Aussi. Il a reçu une sanction adaptée à sa situation dans le club à ce moment.

Ces derniers mois, n’avez-vous pas reçu les mêmes signaux du vestiaire que nous, à savoir que la mentalité n’est pas bonne ?

Personne n’est venu me parler des histoires parues dans la presse. Les gens qui travaillent au quotidien avec le groupe me disent, quand je les interroge à ce sujet :  » Président, nous ne voyons rien de tout ça.  » Bien sûr, il y a parfois des disputes mais on m’assure que le groupe n’est pas déchiré.

Mais quand nous écrivons ces choses, nous apprenons que les gens sont soulagés que ça sorte enfin.

Mais je ne reçois pas ces signaux. Ce sont soit des menteurs soit des poltrons. Je ne peux pas tenir compte de choses que je lis sans savoir qui les a dites ni dans quelles circonstances. Si, demain, on me dit qu’il y a une pomme pourrie, elle volera dehors. Même s’il s’agit d’un footballeur cher. ?

PAR KRISTOF DE RYCK & JAN HAUSPIE – PHOTOS: BELGAIMAGE/ FAHY

 » Kabasele n’a rien coûté. Il est ici depuis trois mois et nous avons reçu une offre de trois millions pour lui.  »

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