Mystérieux Iandoli

Pourquoi le musculeux arrière gauche d’Eupen n’a-t-il découvert une D1 qu’à 26 ans ?

Y a t-il un germanophone à Eupen ? Oui, Alessandro Iandoli. Certes ses parents, Salvatore et Cosima, sont italiens mais l’arrière gauche du Kehrweg est né le 29 avril 1984 à Bâle, la ville suisse où il a grandi. Lorsqu’il s’est affilié au FC Nordstern à huit ans, il ne pensait pas devenir joueur pro. Son jardinier de père et son aide-ménagère de mère n’étaient pas branchés foot mais le p’tit gars n’était pas dénué de qualités au point que le FC Bâle est allé le chercher pour l’intégrer dans son école de jeunes !

Avec Gökhan Inler, l’actuel milieu de l’Udinese et de l’équipe nationale suisse, il formait la charnière médiane de l’U15 du club bâlois. Il avait même tapé dans l’£il des sélectionneurs nationaux, qui lui ont demandé d’introduire une demande de naturalisation comme le fera son équipier d’origine turque.  » Je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas fait. Peut-être parce que j’étais jeune « , raconte Iandoli. Qu’importe, il continue son petit bonhomme de chemin, intègre le noyau pro et prend place à plusieurs reprises sur le banc. Le club croit en lui et, à ses 18 ans, lui conseille de s’inscrire à l’école supérieure foot-études de Zurich. Tout se passe bien, l’horaire est bien balancé et les trajets ne lui pèsent pas. Pourtant, sa carrière va prendre un virage inattendu :  » Je n’avais pas la bonne mentalité. Je ne me comportais pas comme un athlète « . Bref, il connaissait aussi bien le chemin des discothèques et des fast-foods que celui du stade…

Pescara, club mis en vente sur e-bay !

En 2003, le FC Bâle le prête au Concordia, un club de la ville qui évolue en D2. Iandoli, qui termine ses études à 22 ans comme prévu en 2006, y progresse certes, mais pas tant qu’espéré surtout qu’il n’est pas encore bien dans sa tête.  » La D2 suisse, ça ne représente rien. Que tu joues bien ou que tu joues mal, personne ne te voit « , regrette-t-il. Le parcours de Raúl Bobadilla, l’attaquant argentin avec lequel il a joué en 2006-2007, l’a probablement fait réfléchir. Après une nouvelle étape suisse, le Sud-Américain a finalement atterri à Mönchengladbach.

En 2008, Iandoli accepte une offre de Pescara, en D3 italienne. Ce club est en pleine crise : le 14 octobre, les joueurs font grève ; le 4 novembre le club est, symboliquement, mis en vente sur e-bay ; le 10 novembre, les supporters font une collecte pour les joueurs avec une boîte en carton portant l’inscription d’une marque de bière ; le 1er décembre, le conseil d’administration démissionne, le 18 décembre, la faillite du club est prononcée et les joueurs ne sont plus payés depuis six mois.  » Heureusement, que j’avais mis un peu d’argent de côté et que je n’avais pas énormément de frais vu que je logeais à l’hôtel. Je ne sais d’ailleurs pas comment ils ont fait pour payer la note « , ironise Iandoli. Car entre-temps, en janvier 2009, un groupe d’industriels reprend le club.

Sur le plan sportif, Iandoli a fait une mauvaise affaire. Ses coaches, GiuseppeGalderisi, qui l’a recyclé à l’arrière gauche, et Antonello Cuccureddu ne l’ont quasiment pas aligné. Ils étaient obligés de titulariser les joueurs qu’on leur conseillait. Bilan : 12 matches pas toujours comme titulaire.

 » C’était dur à avaler. Le pire c’est quand toute la semaine tu fais partie de l’équipe titulaire y compris lors du dernier entraînement et que deux heures avant le coup d’envoi, le coach t’appelle dans son bureau pour te dire qu’il ne peut t’aligner et que c’est ça, la politique de la Serie C « , analyse Iandoli.

Cinq tatouages à déchiffrer

Bien que Pescara ait trouvé une certaine stabilité et alors qu’il lui restait un an à tirer, Iandoli casse son contrat le 18 juillet 2009 et s’engage pour deux ans à Eupen. Il reconnaît qu’il a songé à mettre un terme à sa carrière et à rentrer chez lui où, avec son diplôme, il n’aurait éprouvé aucun mal à trouver un boulot dans une salle de fitness. Eupen, la D2 belge, Iandoli ne connaissait pas. Mais il retrouve la joie de jouer. Le niveau est supérieur à ce qu’il a connu en Suisse et nettement plus sympa qu’en Italie où les entraînements étaient purement tactiques :  » On était carrément des robots et cela me pesait « , ajoute-t-il.

Mais son expérience italienne lui a fait comprendre à quel point, il fallait s’investir dans son boulot. Depuis, il se paye deux séances de muscu d’une heure et demie par semaine ( » J’en ai besoin psychologiquement, pour me sentir bien « ) et se farcit des séries de centres ( » ils sont bons mais ce n’est pas inné ; c’est le résultat d’un grand travail « ). Et puis, il se sent bien avec Tanja, sa compagne qui l’a rejoint à Eupen où on parle allemand. Tout cela s’est reflété sur le terrain où il a été un des artisans de la montée (38 matches sur 42).

Mais Iandoli n’en reste pas moins un homme mystérieux. La preuve : ses cinq tatouages. Le premier, qu’il a fait faire lorsqu’il se trouvait seul en Italie, c’est sa date de naissance… en chiffres romains. L’inscription  » toujours souffrir mais jamais abandonner  » est en latin, les deux faisant référence à dieu sont en chinois afin  » que personne ne comprenne ce que cela veut dire « . Enfin, le dernier est plus facile à comprendre mais il faut savoir que c’est la date de la rencontre avec sa compagne.

PAR NICOLAS RIBAUDO – PHOTO : BELGA

Coincé en Serie C, il songe retourner en Suisse pour trouver un boulot dans une salle de fitness.

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