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Disparu de la circulation malgré les attentes du début de saison, Chris Bédia semble enfin de retour au Mambour. L’occasion de dérouler une histoire parsemée de buteurs. Pour aller d’Adebayor à Coulibaly, il faut toujours passer par Drogba, Weah et Simone.

En retard. L’heure du rendez-vous appartient déjà au passé quand Chris Bédia pousse la porte du vestiaire carolo, en ce lundi soir qui voit l’équipe réserve des Zèbres affronter Waasland-Beveren. L’Ivoirien fait grincer des dents Samba Diawara, nouveau coach de l’antichambre du noyau A carolo.  » De nombreux pros étaient conviés à ce match des U21, et j’avais misé sur eux pour donner l’exemple aux plus jeunes « , explique le T3 de Felice Mazzù.  » Chris arrive en retard, il fout un peu ma théorie en l’air.  »

Je crois toujours en lui, c’est un Didier Drogba en puissance « . Mehdi Bayat

Diawara prend alors le jeune attaquant entre quatre yeux, et le met au défi d’effacer son faux pas.  » Pour te rattraper, tu me mets un triplé.  » Nonante minutes et quatre buts plus tard, Bédia quitte la pelouse avec le sourire de celui qui a remporté un pari. Un an plus tôt, déjà, il avait brillé quand Mazzù l’avait mis au défi, sur la pelouse du Mambour cette fois.

Le B

D’emblée, Felice avait parlé à son nouvel attaquant de Kalifa Coulibaly, aussi patient hors du terrain que puissant sur le pré. L’homme fort du Pays Noir ne comprenait pas comment Bédia ne mettait pas ses mensurations hors norme au service de son football. Il avait alors promis une semaine de vacances à l’Ivoirien s’il marquait un but de la tête. Dans le Felice Time, Chris dégivre le marquoir en devançant Stefano Denswil au premier poteau, pour poser son front au bout d’un centre de Clément Tainmont. Pari gagné.

Celui que le vestiaire carolo surnomme  » le B  » est un homme de défis. Sa première récompense ballon au pied, il la gagne en 2007, lors d’un stage de vacances organisé par Ivoire Sports Promotion. Élu meilleur joueur du séjour, il gagne l’opportunité de vivre dix jours à Londres en compagnie d’ Emmanuel Adebayor, parrain du stage et alors joueurs d’Arsenal. Les rêves de Premier League commencent à s’installer dans la tête du jeune Ivoirien, déjà séduit par l’Angleterre via les exploits londoniens d’un Didier Drogba qu’il ne cessera jamais d’admirer.

Devenu international dans les catégories d’âge des Éléphants,  » le B  » jette d’ailleurs des coups d’oeil réguliers vers les entraînements des pros quand ils se déroulent sur le terrain d’à côté :  » Je regardais beaucoup ce que faisait Drogba. Ses mouvements, et la manière dont il utilisait sa force…  »

Tours via Londres

C’est pourtant de l’autre côté de la Manche que l’histoire européenne commence vraiment. Parti rejoindre des expats familiaux dans les environs de Nantes, Chris grandit dans un petit club de la région avant d’être repéré par le FC Tours, alors pensionnaire de Ligue 2. En catégories d’âge, sa génération crève l’écran, allant même jusqu’à remporter le titre de champion de France U19.

Les pépites tourangelles ne tardent pas à intégrer le noyau A, en grand nombre.  » Il y a une dizaine de jeunes qui ont débarqué dans le vestiaire en même temps « , se souvient Fousseni Diawara, frère de Samba, et l’un des vétérans du noyau du TFC à l’époque.  » Malheureusement, ça ne leur a pas toujours rendu service, parce qu’ils se sont installés un peu trop vite dans le vestiaire, ils pensaient que tout était acquis.  »

Toujours enclin à écouter les conseils de ses aînés, Bédia souffre pour se faire une place durable dans le noyau, et compte seulement quelques apparitions en Ligue 2 quand la chance vient frapper à sa porte. Indéboulonnable à la pointe de l’attaque locale, avec ses six buts et deux passes dé’ au premier tour, Christian Kouakou prend l’ascenseur vers la Ligue 1 sous forme d’un transfert on the buzzer à Caen, qui ne laisse pas le temps à Tours de lui trouver un remplaçant.

Le facteur Simone

Progressivement, Marco Simone jette alors son dévolu sur Bédia. Pour faire progresser son Ivoirien, il lui montre des vidéos d’un de ses meilleurs amis, rencontré lors de son passage au Milan AC. Un certain George Weah.

 » Avec le coach Dujeux, on sentait déjà un gros potentiel chez Chris « , se remémore Bryan Bergougnoux, attaquant et capitaine emblématique des Tourangeaux.  » Mais Simone lui a vraiment beaucoup appris. Un tel coach, un tel club, c’était vraiment le cadre parfait pour qu’il puisse s’épanouir. C’était un peu le chouchou du vestiaire, d’ailleurs. Un bon gars, toujours souriant, et très à l’écoute. Il avait beaucoup de respect envers tout le monde, peut-être qu’il était même parfois trop gentil. Mais c’était vraiment un excellent coéquipier.  »

Quelques buts plantés en fin de saison permettent à son nom de franchir la frontière, notamment via les réseaux de Mogi Bayat qui glisse son nom à l’oreille de Joseph Allijns. Courtrai ne se jette pas sur la balle, pas plus que Saint-Trond, qui était pourtant intéressé. Après un test au Standard, conclu par le joueur qui considère la pratique comme un manque de respect, Bédia atterrit à Charleroi, convaincu par son meilleur ami Louis Camara.

Sur la route de ses rêves, qui doit l’emmener sur les pelouses de Premier League, le championnat belge semble être un tremplin idéal, lui qui fournit de plus en plus souvent ses talents les plus prometteurs à sa grande soeur anglaise.

Carte de visite

 » Dès son premier entraînement à Charleroi, on a tous vu son énorme potentiel « , rembobine Francis N’Ganga, qui avait déjà entendu le nom de Bédia lorsque l’Ivoirien n’était encore qu’au centre de formation de Tours, tandis que le latéral carolo y évoluait chez les seniors.  » Je savais que c’était un super bon joueur. Il avait quand même été champion de France U19. Pour un club comme Tours, c’est une sacrée performance. Et depuis qu’il est à Charleroi, je vois qu’il a une puissance exceptionnelle, et aussi une très grosse vitesse. C’est hallucinant. Tu ne le remarques pas depuis les tribunes mais quand tu joues contre lui, tu le sens passer près de toi.  »

J’ai bien compris que pour jouer ici, je devais apprendre à défendre « . Chris Bédia

Le pedigree du B est soigneusement complété par ses anciens équipiers tourangeaux :  » Même en étant très jeune, il avait déjà un physique hors norme « , raconte Bergougnoux.  » Et puis, il avait cette capacité à provoquer, à toujours être dangereux.  » Fousseni Diawara renchérit :  » Sa base athlétique saute aux yeux, d’autant plus qu’il avait une bonne technique malgré sa taille. Et devant le but, il avait aussi du potentiel. En fait, il devait surtout faire des progrès dans sa capacité à rester concentré.  »

Le reste de la carte de visite, c’est Chris qui l’écrit ballon au pied. L’Ivoirien boucle sa première saison belge avec cinq buts au compteur, dont un penalty calmement transformé dans la fureur d’un match de play-offs 1 au stade Jan Breydel. Insuffisant pour le B, qui avait précieusement conservé le secret de l’objectif qu’il s’était fixé au coup d’envoi de la saison, avant de finalement vendre la mèche en faisant la moue :  » Je visais huit buts, mais j’ai fini loin de ce total.  »

Galère automnale

Si loin que ça ?  » Il est très dur envers lui-même « , analyse Samba Diawara.  » Par exemple, après le match contre le Standard, je l’ai croisé sur le parking, et j’ai vu qu’il était déçu. Il faisait une tête d’enterrement.  » Être à la base du seul but de la soirée zébré, en poussant à la faute Konstantinos Laifis, ne suffisait visiblement pas au bonheur de Chris, toujours à la recherche de son premier but en championnat cette saison.

Relégué sur le banc, voire en tribunes suite à l’éclosion du duo formé par Kaveh Rezaei et Cristian Benavente, Bédia décroche de ses objectifs. Son manque d’implication à l’entraînement lui vaut même d’être renvoyé d’une séance au début de l’automne. Mais loin du Pays Noir, le B se relance. Avec Francis N’Ganga dans le rôle du témoin :  » On est voisin, tous les deux. Au mois de novembre, on avait un week-end de libre. Moi je m’étais levé tôt pour préparer mes affaires, parce qu’on partait en famille. Il était sept heures du matin et là, j’ai vu Chris qui partait faire son footing, pendant 20 ou 30 minutes.  »

Chamboulé par les rumeurs du mercato estival, qui l’ont envoyé à Gand en échange d’un retour de Jérémy Perbet au Mambour avant de le citer à Nantes, Bédia vit mal son retour sur le banc après une saison entamée dans la peau d’un titulaire.  » Nous avons constaté que Chris vivait mal la concurrence « , admet Mehdi Bayat dans les colonnes de Sudpresse à la fin du mois de novembre.

Après avoir accusé le coup au retour de blessure de David Pollet la saison dernière, puis lors de l’arrivée d’ Hamdi Harbaoui au mercato estival, c’est au tour de Rezaei de faire plonger la confiance du B.  » Je crois toujours en lui « , s’exclame l’administrateur-délégué du Sporting, qui qualifie son attaquant de  » Didier Drogba en puissance  » et dresse un parallèle avec l’un des hommes forts de la saison zébrée :  » C’est notre travail de faire en sorte qu’il arrive à éclater, comme le fait Benavente aujourd’hui.  »

Bosser plus

 » La direction m’a dit qu’elle croyait en moi, mais moi je ne jouais pas « , raconte Bédia après son retour aux affaires, sous forme d’une montée au jeu intéressante contre Lokeren. Une résurrection qui coïncide avec l’arrivée de Samba Diawara au Mambour. Lors du stage à San Pedro del Pinatar, les deux hommes ont d’ailleurs été souvent aperçus en train de discuter.

 » Je n’ai pas reçu de mission particulière vis-à-vis de Chris, mais on a rapidement communiqué parce qu’il connaît mon frère « , explique Samba. A-t-il également entendu ses mots de la bouche de Fousseni ? L’ancien équipier de Bédia se lance sans concession :  » Il faut qu’il bosse plus ! En tout cas, des souvenirs que j’en ai, il n’en faisait pas assez pour son métier. Je pense qu’il est arrivé en équipe première un peu trop vite, il avait cet énorme potentiel, mais il devait travailler plus. Par moments, Chris m’a donné l’impression qu’il se contentait de ses qualités. Je crois vraiment qu’il a tout pour aller plus loin, mais il doit s’en donner les moyens.  »

Après s’être fait reprocher ses allants trop offensifs lors de la première défaite zébrée de la saison, concédée à domicile face à Bruges, Bédia avait fait grincer les dents de Felice Mazzù quand il avait mal servi Benavente au bout d’une contre-attaque mal conclue face à Eupen, un match finalement terminé avec un match nul au goût amer.  » J’ai bien compris que pour jouer ici, je devais apprendre à défendre « , a reconnu Chris, qui voit également le jeu dos au but et le fait de  » prendre de la place  » sur le terrain inscrits dans sa farde de devoirs.

Des buts à la Kalifa ?

De retour dans les plans d’un Mazzù toujours alléché par l’idée d’un 4-4-2, le B pourrait bien être la carte maîtresse du Sporting carolo dans le sprint final. Les play-offs 1 sont dans sa ligne de mire, avec la volonté d’exaucer la prophétie de Mehdi Bayat, qui prêchait obstinément la cause de son buteur ivoirien lors du stage estival en répétant à qui voulait bien l’entendre que cette saison allait être celle du B.

Si tout cela se confirme, le parallèle refera forcément surface. Conscient de la ressemblance presque troublante, Chris Bédia en avait d’ailleurs parlé avec son double la saison dernière, au bout d’un match de play-offs face à La Gantoise. Il y a trois ans, Kalifa Coulibaly avait conclu la phase classique du championnat avec deux petits buts au compteur, avant de trouver le chemin des filets à cinq reprises lors des dix matches de play-offs 1. Le défi est lancé. Et le B est plutôt du genre à les relever.

MISTER B
© BELGAIMAGE

L’homme des grands soirs

Son cadeau d’adieu à Tours était déjà un but face à un sacré client. Malgré la défaite 2-5, Chris Bédia avait trompé Guy Ndy Assembe pour planter sa dernière rose tourangelle face à Nancy, déjà sacré champion de Ligue 2. Une tendance à viser les proies les plus ambitieuses qui s’est confirmée depuis son arrivée en Belgique.

Outre ses buts en Coupe, inscrits face à Bocholt et La Louvière, Bédia n’a marqué que contre de grosses cylindrées depuis son arrivée en Belgique. La saison dernière, il a déverrouillé son compteur face à Ostende, futur participant aux play-offs 1, avant de récidiver contre Zulte Waregem et Bruges, eux aussi conviés au grand gala à six de la fin de saison.

Dans le money-time, l’Ivoirien a encore fait trembler les filets contre Bruges, au Jan Breydel, avant de trouver l’ouverture pour le dernier match à domicile de la saison face au futur champion anderlechtois. Une capacité à répondre présent dans les rencontres de prestige qui pourrait être utile en vue des ambitieuses échéances carolos.

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