» Mes interventions sont souvent déterminantes »

Dix ans après ses débuts en D1, le Louviérois fait enfin l’unanimité.  » On parle nettement moins de moi en termes négatifs, en tout cas… « 

Leader de la compétition, Anderlecht table non seulement sur une ligne d’attaque particulièrement efficace mais aussi sur une arrière-garde des plus intransigeantes, articulée autour du gardien le moins troué depuis le début de la saison. Sur l’ensemble de l’année 2010, le Hennuyer aura même été, sans conteste, l’un des joueurs les plus en vue du Sporting. Ce qui peut paraître étonnant dans une équipe où la division offensive s’expose en priorité aux regards. Mais l’ex-portier des Loups a son explication en la matière.

Silvio Proto : Au même titre que nous, Genk s’est régulièrement illustré, ce qui n’a pas empêché son gardien, Thibaut Courtois, de se mettre en évidence. Les deux sont liés : si une formation joue résolument l’attaque, c’est parce qu’elle s’appuie la plupart du temps sur une défense solide. Notre 30e titre, nous l’avions d’ailleurs obtenu en marquant le plus et en encaissant le moins.

N’êtes-vous pas perçu différemment que par le passé ?

On parle nettement moins de moi en termes négatifs, en tout cas ( il rit). La critique est plus juste qu’avant, quand on me trouvait trop nerveux, ou qu’on prétendait que je n’avais pas le niveau d’Anderlecht. Il m’arrive de lire également que j’ai bien joué, alors qu’on relevait surtout mes erreurs autrefois. Il est possible que je fasse moins de fautes ; mais qui n’en fait pas ? Parfois, je me dis que j’aurais pu mieux faire, mais j’ai également signé de bons matches.

Vous avez gagné en régularité, non ?

Oui, mais c’est lié à l’expérience. Simon Mignolet a été souvent fantastique la saison passée, mais il a aussi livré quelques prestations nettement moins autoritaires. Elles sont passées inaperçues, car il s’agissait de Saint-Trond. Si ça m’arrive à Anderlecht, tout le monde le remarque, et j’en prends automatiquement pour mon grade. Il en va toujours ainsi dans les grands clubs.

La constance explique-t-elle seule votre progression ?

Un autre facteur a sans doute joué. Jadis, on me reprochait de ne pas prendre de points. A présent, mes interventions sont souvent déterminantes. Et c’est ce qui compte : répondre présent quand l’équipe a besoin de vous, comme à Lokeren, à Saint-Trond ou au Club Bruges pas plus tard que la semaine dernière. Ou à domicile face à ce même adversaire. Je ne m’arrête toutefois pas à ces matches. J’oublie vite ce qui s’est passé pour me concentrer sur la rencontre suivante. Je ne suis pas vite content de moi. Je dirais même plus : je ne suis jamais satisfait de moi. Je cherche la perfection en sachant qu’elle n’existe pas.

 » Je n’ai pas à rougir de mes prestations européennes « 

L’élimination en Europa League contre Hambourg remonte à moins d’un an. A l’époque, on disait qu’Anderlecht avait un bon gardien mais pas un tout grand.

Je sais que je n’ai pas livré mon meilleur match contre Hambourg. J’ai été le premier à le reconnaître, je n’avais pas besoin de la presse pour cela. Je sais faire mon autocritique.

Cette saison, vous auriez pu vous muer en héros contre le Partizan ?

Je n’ai pas à rougir de mes prestations européennes ces derniers mois. Même si j’ai ressenti pas mal de frustration, après coup, à Split, où j’ai dû m’incliner dans les arrêts de jeu,… et face aux Serbes chez nous. Mais il faut pouvoir se ressaisir très vite, car les matches s’enchaînent. Je ne suis pas de ceux qui ne trouvent pas le sommeil après une défaite. A quoi bon, on ne peut quand même pas revenir en arrière. Il faut aller de l’avant et redresser la barre. Ce trait de caractère a toujours été une de mes forces.

Vous vous défendez aussi d’être nerveux. Pourtant, vous donnez parfois cette impression ?

Je ne suis pas nerveux mais constamment en alerte ou en éveil, nuance. Il faut être attentif si on ne veut pas s’endormir et encaisser des buts évitables.

Le fait d’être marié et papa de deux garçons a-t-il un impact aussi sur votre carrière ?

Je relativise mieux. Le football est important, mais c’est un travail, pas la vie. Dès que je quitte le stade, je tire un trait sur le football et je m’occupe de ma petite famille.

Vous voulez envoyer vos enfants dans une école flamande. Pourquoi ?

En Belgique, celui qui manie parfaitement le français et le néerlandais a un avantage énorme. Je veux le meilleur pour mes enfants. Je leur parlerai français à la maison et ils apprendront le néerlandais à l’école. Ainsi, ils pourront sans problème trouver du travail plus tard.

 » J’ai de l’assurance mais je ne suis pas hautain « 

Votre passage au Germinal Beerschot a-t-il modifié votre vision de la Belgique ?

Cette année à Anvers m’a fait du bien. Sportivement, j’ai dû faire mes preuves dans un autre environnement. C’était un grand défi mais je l’ai relevé. Humainement, j’ai découvert une autre culture. Mon néerlandais est loin d’être parfait mais je me fais comprendre et les gens apprécient cet effort.

Au point même d’avoir la cote en Flandre !

Les gens se blousent souvent à mon sujet. Parce que j’ai de l’assurance sur le terrain, ils en déduisent que je me crois supérieur. Ce n’est pas vrai, je ne suis pas hautain. Beaucoup de gens, à Anvers, m’ont dit que cette image ne correspondait d’ailleurs pas à ma personnalité réelle. Il est normal de gagner en popularité quand les gens vous découvrent tel que vous êtes vraiment.

Au Lierse, vous vous êtes disputé avec un jeune ramasseur de balle. Que s’était-il vraiment passé ?

Une bêtise. Il m’avait insulté. Sur les images de la télé on voit qu’il me dit quelque chose, même s’il a soutenu le contraire. Le pire, c’est que son père a pris sa défense après coup. S’il avait été mon propre fils, je l’aurais puni. Il faut respecter les autres. Hélas, c’est de moins en moins le cas. Le respect fout le camp. J’essaie d’être différent mais quand on s’en prend à moi, je réagis. Je suis ainsi fait : quand on me chie dans les bottes, c’est fini.

Quelles sont vos relations avec Ariël Jacobs ?

Je l’apprécie. On peut parler à l’entraîneur et à l’homme. Il vous donne des conseils, dit ce qu’il ferait s’il était joueur mais aussi ce qu’il ferait sur le plan humain. Il fait la différence entre le boulot et le privé. Et c’est à vous de prendre une décision.

Vous le connaissez depuis longtemps.

Nous avons pratiquement tout gagné ensemble… Deux Coupes et un titre. C’est lui qui m’a lancé en D1, à La Louvière.

Qu’avez-vous pensé quand il est arrivé au Sporting, il y a trois ans ?  » Zut, c’est le type qui m’a laissé sur le banc en finale de la Coupe ? »

Non, au contraire. Il est le premier à m’avoir fait confiance. J’essaie constamment de voir l’aspect positif des choses. Ma femme dit toujours que le mieux est l’ennemi du bien. On ne peut pas être heureux quand on pense à ce qu’on peut améliorer et non à ce qu’on a bien fait.

 » Nos éliminations européennes précoces expliquent nos débuts mineurs « 

Vous aviez alors 20 ans…

J’étais déçu, c’est tout à fait normal. Mais quand j’y repense, il est logique que Jan Van Steenberghe ait joué. Il était bon. Pourquoi l’entraîneur aurait-il dû m’aligner ? Parce que je suis Silvio Proto ? Non.

A quel point le Proto d’aujourd’hui ressemble-t-il à celui d’alors ?

J’étais jeune et prometteur. J’avais encore beaucoup à prouver et j’ai travaillé mais la route est encore longue.

A 27 ans, vous disputez votre dixième saison en D1. Même si des blessures vous ont coûté deux ans, vous êtes un ancien ?

J’en ai bel et bien le sentiment, sans me sentir vieux, évidemment ! On m’a déjà fait capitaine, ce qui est une forme de reconnaissance. J’en suis à plus de 250 matches, ce qui fait de moi un chevronné. En tant que tel, je me fais entendre.

Une scène est récurrente à chaque match : en début de seconde mi-temps, vous êtes toujours le premier à pénétrer sur le terrain et tapez dans la main de tous vos partenaires.

Oui. Et la même situation se passe avant le coup d’envoi, à cette nuance près que je ne suis pas capitaine quand Olivier Deschacht, Mbark Boussoufa ou Lucas Biglia sont là et que je ne foule pas la pelouse en premier lieu. Mais avant que le ballon soit mis en jeu, je tape alors dans la main de tout le monde en souhaitant un bon match à chacun. C’est une manière de rappeler qu’il faut rentrer directement dans le vif du sujet.

Pourquoi Anderlecht ressemble-t-il à un diesel en début de saison ? Ce n’est qu’au deuxième tour qu’il passe la plupart du temps la surmultipliée.

Nos éliminations européennes expliquent peut-être ce phénomène. Nous avons récemment été éliminés par BATE Borisov, l’Olympique Lyon et le Partizan Belgrade. Il est normal que les joueurs en subissent le contrecoup. Il faut du temps pour évacuer totalement cette déception. Le contraste est grand entre nos entraînements de cette époque et ceux d’aujourd’hui. On combine, on fait des actions, on joue en une touche de balle, tout s’enchaîne rapidement. Idem lors des matches alors qu’à un moment, on portait trop le cuir et on manquait de rythme.

 » Novembre et décembre allaient être terribles et on s’en est sortis comme des grands « 

Le déplacement à l’Ajax, le 17 décembre 2009, fut un tournant. La victoire contre Split, le 16 de ce mois, peut-elle avoir la même dimension ?

C’est possible. Les mois de novembre et décembre allaient être terribles et on s’en est sortis finalement en venant à bout de Genk, La Gantoise et le Club Bruges en déplacement. C’est prometteur.

Croyez-vous toujours à la prédestination ?

Imaginez-vous en train de vous promener dans un bois. Un moment donné, vous tournez à droite et pas à gauche. Pourquoi ? Vous ne pouvez l’expliquer. Ainsi va la vie. Pourquoi des gens qui ne se trouvaient pas dans l’avion d’Air France qui s’est crashé au Brésil ont-ils ensuite perdu la vie en voiture ? C’était leur destin. Quand l’heure est venue…

Dans ce cas, vous pouvez vous résigner et attendre ?

Alors, c’est ça, votre destin ! ( il rit)

Votre avenir est en tout cas à Anderlecht, puisque vous avez resigné jusqu’en 2015.

J’ai prolongé de quatre ans. Je me sens bien ici. Bien entendu, on ne sait jamais, si un club étranger se présente et que toutes les parties peuvent s’y retrouver. Mais je peux tout aussi bien prolonger pour cinq autres années encore.

Il est loin le temps où vous vouliez quitter la Louvière via la loi de 1978… ?

On fait des bêtises quand on est jeune, on fait confiance à des gens qui n’en sont peut-être pas dignes mais il faut tirer des leçons de ses erreurs. Celui qui n’en commet pas n’apprend jamais.

Faites-vous allusion à Pietro Allatta ?

Pas nécessairement. Il y a longtemps que je n’ai plus de contact avec lui. Le Chinois ? Non, ça n’a rien à voir. Je ne m’étendrai pas sur ce chapitre dans la presse. La vie continue.

PAR JAN HAUSPIE ET BRUNO GOVERS

 » Je suis ainsi fait : quand on me chie dans les bottes, c’est fini. « 

 » Il y a longtemps que je n’ai plus de contact avec Allatta. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire