» Mentalement, je suis plus fort que Mbokani « 

Un seul attaquant des PO1 est belge : Jelle Vossen. Le Limbourgeois est également le meilleur compatriote au classement des buteurs. Son premier objectif en cette fin de campagne : décrocher sa 4e Coupe de Belgique en autant de participations.

Vingt-huit mille Limbourgeois s’apprêtent à rejoindre le Stade Roi Baudouin pour la finale de la Coupe de Belgique face au CS Bruges. Ce chemin, Vossen le connaît par coeur. A 24 ans, il va déjà disputer sa troisième finale en cinq ans.  » J’espère être titularisé pour la première fois et décrocher le trophée « , dit-il.  » Nous avons déjà gagné une fois mais je n’avais pas joué. Et la fois où j’ai disputé tout le match, avec le Cercle contre La Gantoise, nous avons perdu.  »

Votre première finale, en 2009 face au FC Malines (2-0), ne figure donc pas au rang de vos meilleurs souvenirs ?

Je suis resté tout le match sur le banc et je ne l’ai pas encore vraiment digéré. J’avais compris pendant la semaine que je ne jouerais pas et cela n’avait rien d’illogique car je n’étais pas encore titulaire. Mais j’avais inscrit quelques buts importants au cours des matches précédents et j’espérais au moins monter au jeu, même pour deux minutes. Mais j’ai quand même conservé ma petite coupe dans une armoire.

Trois mois plus tard, vous étiez prêté au Cercle.

Une étape très douloureuse car cela faisait sept ans que j’étais à Genk et je m’y sentais comme chez moi. Au début, j’ai eu peur de ne pas m’adapter à ce nouvel environnement mais mon père m’a bien fait comprendre que je n’avais pas le choix.

Plus jeune, quels rapports entreteniez-vous avec votre père, qui a aussi été joueur ?

Une de mes grandes forces, c’est que je n’abandonne jamais. C’est à lui que je le dois car après un match, il sortait d’abord tout ce qui n’avait pas été bon. Un jour, nous avions gagné sept ou huit à zéro et j’avais mis six buts mais j’en avais raté un. Qu’est-ce qu’il m’a pris la tête ! Ce n’était pas drôle mais aujourd’hui, je lui suis reconnaissant car il m’a aidé à garder les pieds sur terre. Pendant le match, il ne pipait pas un mot, il gardait tout pour la fin. Et il se tenait à l’écart des autres parents, pour être tranquille. Aujourd’hui, il est moins critique. Il donne encore parfois son avis mais l’analyse est moins profonde.

Le père de Luc Nilis l’obligeait à jouer durant des heures dans le jardin. Le vôtre aussi ?

Non, je me mettais au but et il tirait. Mais il tirait trop fort et ça m’a dégoûté. J’ai débuté à Eigenbilzen. Tongres m’a approché une première fois mais j’ai refusé car je voulais rester avec mes amis. La deuxième fois, mes parents ont dû me convaincre. C’est important, pour moi, la vie sociale.

 » J’avais besoin d’être prêté au Cercle  »

Broos, Vanhaezebrouck et Ronny Vangeneugden ont estimé que vous étiez un peu juste comme titulaire. N’avez-vous pas douté ?

J’ai réfléchi à la situation mais je n’ai pas douté. J’étais déjà heureux de pouvoir jouer un peu. Et au Cercle, j’ai montré de quoi j’étais capable. J’avais peut-être besoin de ce transfert.

Que manque-t-il à Croux ou à Schrijvers pour être titulaires à Genk ?

Du physique ! Cinquante matches par an, ça use. A 18 ans, on ne tient pas et on est trop jeune pour faire de la musculation. Je suis toujours en admiration devant les corps de Kara et de Koulibaly.

Auriez-vous pu faire autre chose pour être titularisé plus vite ?

Non. On me retirait au moindre mauvais match mais ça m’a endurci sur le plan mental.

Peut-être étiez-vous trop gentil ?

Je suis comme ça, je prends du recul et ne sors pas aisément de mes gonds.

Vous avez déjà inscrit près de 100 buts avec le Racing….

J’ai été meilleur buteur de toutes les équipes dans lesquelles j’ai joué, à l’exception d’une saison à Tongres. Je suis presque toujours à la bonne place. C’est intuitif, il y a des choses qu’on ne m’a jamais apprises et que je suis incapable de transmettre. J’essaye juste d’anticiper.

Dans quel rôle êtes-vous le plus à l’aise : celui d’attaquant de pointe ou celui d’attaquant en retrait ?

Impossible à dire. Tout dépend de la collaboration avec l’autre attaquant. Quand je suis rentré du Cercle, j’étais incapable de jouer en pointe mais maintenant, oui.

Et quel est votre partenaire préféré devant ?

J’ai longtemps joué avec MarvinOgunjimi et nous nous trouvions les yeux fermés. Cette saison, je n’ai jamais joué trois matches de suite avec le même partenaire : c’est moins facile.

 » Fini le respect pour Anderlecht et Bruges  »

Comment aimez-vous être servi ?

J’essaye de jouer en un temps. Avec Marvin, c’était possible. Ici, tout le monde n’a pas encore compris et ça ralentit le jeu.

Ce noyau de Genk est-il le plus soudé que vous ayez connu ?

Oui, bien qu’il soit large et que de nombreux joueurs puissent prétendre à une place de titulaire. Et quand ils entrent, ils font la différence. Comme Plet. Je comprends que, parfois, il se pose des questions. Mais le groupe reste solidaire.

Mbokani est-il meilleur que vous ?

Il est plus costaud et plus rapide mais je pense que, dans la tête, je suis plus fort. Moi, je joue mon match et j’essaye de ne pas accorder d’importance à ce qu’on en dit.

Que pensez-vous de la déclaration de Peter Maes, selon qui vous auriez plus de chances de réussir à l’étranger que Mbokani ?

Peter Maes, il est comme moi : c’est un battant qui ne lâche rien. C’est peut-être pour cela qu’il dit cela.

Et Been ?

Il est plus calme. Il nous a appris à miser sur nos qualités. Avant, nous avions trop de respect pour Bruges et Anderlecht. Maintenant plus. Nous allons là-bas pour gagner.

Que pensez-vous de ceux qui disent que Genk s’africanise ?

Quand un joueur a les qualités qui manquent à l’équipe, peu importe sa couleur de peau. Genk fait comme tout le monde : il achète de bons joueurs dans l’espoir de les revendre plus cher.

Ce qui coûte le moins cher, c’est la formation mais il faut de la patience.

C’est vrai. A 17 ans, tout le monde parlait de moi mais il m’a fallu trois ans pour être titulaire.

 » Je n’ai pas le gabarit pour jouer en Angleterre  »

Vous avez déjà remporté un titre et une coupe avec Genk. Que faites-vous encore en Belgique ?

Nous pouvons ajouter une coupe et un titre.

Et la saison prochaine ?

Hé, je vois où vous voulez en venir, hein.

C’est un sujet qui vous préoccupe ?

Non. Je pourrais partir cet été mais si ce n’est pas le cas, je n’en ferais pas une dépression. Même si j’ai de l’ambition.

Pourrez-vous vous adapter loin de chez vous ou choisirez-vous un club proche, genre PSV ou Dortmund ?

J’ai appris au Cercle qu’il y avait autre chose que Genk. J’aimerais rester près de chez moi mais ce n’est pas un must.

Que considéreriez-vous comme un pas en avant ?

Un championnat plus élevé. Pas la Hollande, plutôt l’Allemagne ou l’Italie, qui me conviendraient mieux que l’Angleterre. J’ai de l’endurance mais pas le gabarit pour jouer outre-Manche. Si j’ai le choix, j’opterai pour la Bundesliga mais je ne dirais pas non tout de suite à un bon club anglais.

De combien d’offres intéressantes votre manager vous a-t-il déjà parlé ?

Quelques-unes, déjà l’an dernier. Mais je lui ai dit qu’il ne devait m’en parler qu’en cas de nécessité. L’an dernier, un club italien est venu me voir et a discuté avec moi.

La Fiorentina ?

Non, ça c’était lors de ma première saison mais je ne jouais que depuis deux ou trois mois et je n’étais pas prêt. Parfois, je me demande où j’en serais aujourd’hui si j’avais accepté.

Vous pouvez aussi vous dire que Genk a de l’ambition et que la Coupe du Monde approche. Vous n’aurez alors que 25 ans.

Oui, c’est vrai. Mon objectif principal, c’est d’aller au Brésil. J’en tiendrai compte au moment de faire un choix.

 » Je ne m’attendais pas à un tel scénario pour Benteke  »

Vous avez eu deux exemples opposés sous les yeux. L’aventure étrangère d’Ogunjimi a mal tourné, celle de Benteke l’a relancé chez les Diables. Quelle conclusion en tirez-vous ?

Ce qui arrive à Benteke me surprend, je n’aurais pas misé un euro sur ce scénario. Et si quelqu’un m’avait dit il y a trois ans que Marvin disputerait aujourd’hui les play-offs III avec le Beerschot, je l’aurais traité de fou.

La façon dont Benteke et Biglia s’y sont pris pour forcer la main des dirigeants de Genk et d’Anderlecht ne vous a-t-elle pas choquée ?

Il y a une différence : Benteke est parti, Biglia est resté.

Feriez-vous cela ?

Je n’ai pas vite la migraine (il grimace). Je ne sais pas si j’y arriverais mais ne soyons pas hypocrite : si Genk m’empêche de gagner des millions, je ne me laisserai pas faire.

Votre contrat comporte-t-il une clause de rupture ?

Non mais je pense que pour 60 millions, on me laisserait partir (il grimace).

Presque tout le monde est parti, sauf vous. Vous n’avez pas l’impression d’avoir laissé passer votre chance ?

J’y ai pensé avant la saison. Je restais sur deux fois vingt buts. Si je n’en marquais que dix, on allait me démolir. Je craignais que l’équipe ne soit plus aussi forte et je ne pensais pas qu’on jouerait pour le titre jusqu’au bout. Mais finalement, je suis à nouveau proche des 20 buts.

Pourquoi Been vous a-t-il laissé sur le banc au début de saison ?

Il voulait absolument jouer avec Benteke en pointe. Je ne voyais pas pourquoi il fallait me sacrifier et nous en avons parlé. Nous n’étions pas d’accord mais je n’ai pas voulu faire la tête.

En tant que capitaine, parlez-vous parfois avec Been ?

Je n’entre pas dans son bureau pour prendre un café mais nous parlons des intérêts de l’équipe. JeroenSimaeyset ThomasBuffel sont aussi concernés.

Et il tient compte de votre avis ?

Quand nous avons estimé que les entraînements étaient trop durs, il en a tenu compte.

 » Les autres internationaux me demandent ce que je fais encore en Belgique  »

Vous êtes très ouvert et très simple : êtes-vous en phase avec votre époque ?

C’est sans doute une question d’éducation. Je suis parfois matraqué mais je reste calme. À Anderlecht, sans jouer mon meilleur match, j’ai eu une occasion et j’ai fait la différence.

Les rencontres européennes vous ont-elles aidé à prendre conscience de votre niveau ?

Oui car tout va plus vite. C’est pourquoi je suis content d’avoir toujours bien joué avec les Diables rouges. Cela prouve que je peux aller plus haut.

Et vous sentez à l’entraînement des Diables que les autres jouent plus vite ?

Ce n’est pas une question de vitesse d’exécution mais de talent. Et il y en a plus en équipe nationale qu’en Europa League. Et quand on s’entraîne avec eux, on progresse.

Vous demandent-ils parfois ce que vous faites encore en Belgique ?

Oui, ça arrive.

Les clubs belges ont toujours peur que leurs joueurs apprennent les salaires des Diables rouges qui évoluent à l’étranger.

Oui mais Kompany, Hazard, Dembeleet Vertonghen, c’est le top absolu. Je ne joue pas dans la même cour.

On dit que vous aidez des oeuvres ?

Il y a peu, j’ai vu une émission de télévision sur des enfants de cinq ans souffrant du cancer. J’ai pris mon téléphone et j’ai versé de l’argent. Je trouve ça normal : j’ai la belle vie et il y a tellement de misère dans ce monde.

Vous vous êtes aussi mouillé pour les travailleurs de Ford.

J’ai dit à mes équipiers que nous devions faire en sorte qu’ils soient fiers de leur équipe.

Pourriez-vous encore rouler en Ford ?

Non.

A part votre père, connaissez-vous d’autres travailleurs victimes de la fermeture ?

Oui, beaucoup de pères d’ex-camarades d’école.

 » Mes idoles étaient Robert Spehar et Mario Stanic  »

Qu’auriez-vous fait si vous n’aviez pas joué au football ?

Des études universitaires d’éducation physique, pour pouvoir vivre en kot (il rit). J’y vis déjà un peu avec ma copine.

Pouvez-vous sortir à Louvain sans être reconnu ?

On m’a déjà souvent photographié avec une bière en main. Après deux ou trois heures du matin, je demande qu’on ne fasse plus de photos car on ne sait jamais où elles peuvent atterrir. A Hasselt, j’évite les cafés d’étudiants mais j’aime sortir.

Comprenez-vous que des joueurs prennent l’avion pour pouvoir sortir en paix ?

Oui. Voici peu, je suis allé à Prague. Là, personne ne me connaissait.

Qui étaient vos idoles ?

Robert Spehar et Mario Stanic.

Vous aviez des posters d’eux dans votre chambre ?

Non, j’en avais un de Zidane et un de Beckham.

A bientôt 38 ans, Beckham joue toujours. Vous vous voyez faire ça ?

Oui, je me vois bien finir ma carrière dans une équipe de copains.

PAR GEERT FOUTRÉ, PETER T’KINT ET FREDERIC VANHEULE – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ HAMERS

 » Parfois, je me demande où j’en serais aujourd’hui si j’avais signé jadis à la Fiorentina.  »

 » Kompany, Hazard, Vertonghen et Dembélé, c’est le top mondial. Je ne joue pas dans la même cour.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire