« Même Lionel Messi ne serait pas retenu »

Quels Rouches au deuxième tour ? Avec Mircea Rednic jusqu’au bout ? Quel est le vrai pouvoir de Jean-François de Sart ? Roland Duchâtelet s’implique-t-il trop dans la politique des transferts ? Qui sont les agents qui (dé)font le noyau ? Enquête dans les coulisses du stage des Standardmen à Lara, sur la riviera turque.

Paris Hilton was here. Aussi Sharon Stone, Richard Gere et d’autres VIP. Ils sont un jour passés par le Mardan Palace à Lara, près d’Antalya. Site du stage des Rouches. Charleroi, Genk, le Beerschot et Anderlecht étaient très bien logés en Turquie. Le Standard était très, très bien installé. Aucun hôtel en Europe n’a coûté plus cher : plus d’un milliard d’euros. Marbre, feuilles d’or, des membres du personnel en habit traditionnel ou en queue de pie, ça tape à l’oeil. L’extérieur du bâtiment et ses alentours font penser à Las Vegas. A Mircea Rednic, ça a peut-être rappelé la grandeur du palais bâti à Bucarest par Nicolae Ceaucescu. Il y a même des points communs étonnants dans l’architecture.

Alors, content le coach ? C’est une autre histoire. Ce stage a été rythmé par les inquiétudes, l’humeur maussade et l’un ou l’autre coup de gueule de Rednic. Une explication centrale : la composition du noyau. Le Roumain voudrait un ensemble mieux balancé et plus talentueux. C’est le job de sa direction. Et des agents, extrêmement présents autour des Liégeois du premier au dernier jour du stage. A la recherche du bon deal, d’une hypothétique réconciliation avec les patrons rouches, éventuellement d’un débauchage de joueur à la concurrence,… Nous avons observé les allées et venues, tendu l’oreille, sondé des gens qui comptent, tenté de décrypter le vrai rôle joué par les managers dans le mercato liégeois. Indiscrétions.

La bombe Van Damme désamorcée

Les Liégeois sont à peine installés à Lara qu’on cite un passage imminent de Jelle Van Damme à Genk. Le grand Jelle aurait confié à un coéquipier que ça négociait ferme et que ça allait probablement aboutir. Son agent est Nico Vaesen, qui travaille dans la société de Didier Frenay. Le lundi soir, nous voyons Van Damme en discussion au bar du Mardan Palace avec Vaesen, Frenay et deux autres de ses collaborateurs, Franco Iovino et Tonci Martic.  » On ne pourra jamais empêcher les rumeurs mais il n’y a rien de vrai là-dedans « , nous dit Frenay. En tout, il a une dizaine d’employés sur place. Il passe chaque année une bonne partie du mois de janvier en Turquie.  » Il y a la première vague d’équipes en stage : les Hollandais, les Turcs, les Allemands, les Belges. Après, il y aura les Russes, les Autrichiens, des clubs de D2 allemande. C’est très intéressant d’être ici en janvier : en faisant peu de kilomètres, on peut voir des gens d’une vingtaine d’équipes.  » La bande à Frenay loge à l’hôtel d’Anderlecht, à Belek, à l’image de quelques joueurs de son écurie : IvanPerisic avec son nouveau club de Wolfsbourg, mais aussi les Mauves Tom De Sutter et ThomasKaminski. Y sont également présents : Galatasaray, Gaziantepspor et Stuttgart. Le terrain d’entraînement des Mauves est dans la même rue, autour de l’hôtel où Fenerbahçe et le Dynamo Zagreb sont installés.

Pour Didier Frenay, l’affaire Van Damme est un épiphénomène, il gère d’autres dossiers bien plus importants, sur l’étranger évidemment :  » Le salaire d’un bon joueur de Bundesliga représente le budget de certains clubs belges…  » Quelques heures plus tôt, il a conclu son premier gros coup de janvier : Perisic a quitté Dortmund pour Wolfsbourg. Frenay a passé la soirée du dimanche au domicile du nouveau directeur sportif Klaus Allofs pour régler les derniers détails. Recul sportif et constat d’échec pour le Croate ?  » Pas du tout. Il est arrivé dans une équipe championne qui a pris l’habitude de battre le Bayern, parfois sur des scores impressionnants. Et il a eu la concurrence d’une légende du club, d’un enfant de la Ruhr, né à Dortmund même et icône des supporters : Kevin Grosskreutz. La lutte était un peu inégale, perdue d’avance. Perisic sauve ses chances de participer à la Coupe du Monde en allant à Wolfsbourg et il atterrit dans le seul club allemand capable de rivaliser financièrement avec le Bayern. Wolfsbourg n’a pas de budget et pas de sponsor. Wolfsbourg, c’est Volkswagen.  » Perisic a été vendu plus cher que le montant versé par Dortmund à Bruges il y a un an et demi.  » Tout le monde s’y retrouve « , dit Frenay.  » Mais quand je lis que j’ai gagné 3 millions sur ce transfert, je rigole.  »

Pourquoi Frenay est grillé au Standard

Didier Frenay est indirectement présent à Sclessin avec Van Damme et sa société s’occupe d’un autre Rouche : Astrit Ajdarevic. C’est tout. Et c’est peu pour ce bureau donnant de l’emploi à une quarantaine de personnes, présent dans la majorité des pays d’Europe, dont la Belgique. Cette collaboration limitée entre Frenay et le Standard, c’est une vieille histoire. Le courant ne passait déjà pas avec Lucien D’Onofrio, qui a eu des différends avec Frenay sur les cas Michaël Goossens et Ali Lukunku. Quand le club a été repris par Roland Duchâtelet, Frenay pensait y faire son retour :  » Après une dizaine d’années de mise à l’écart, je trouvais qu’il était temps ! Je suis né à Liège, j’ai toujours été supporter du Standard, j’ai passé mon enfance dans les tribunes.  » Encore raté.

 » Duchâtelet me reproche de ne pas lui avoir amené Mushaga Bakenga. Mais je ne suis pas responsable si Bruges s’est déplacé en avion pour aller parler au joueur et a offert autant d’argent que le Standard. Je n’ai rencontré Duchâtelet qu’une seule fois et ça fait longtemps que je n’arrive plus à avoir de contacts avec lui. Quand j’ai quelque chose à lui dire, je lui envoie un mail vu qu’il ne répond jamais à mes appels. Ça ne m’empêche pas de dormir mais je trouve malheureux qu’il bloque ainsi la carrière de certains footballeurs. Il lui est arrivé de s’intéresser à un joueur, puis de laisser tomber en apprenant que le gars en question était chez nous.

Je donne un exemple : Rudy, du Cercle. Duchâtelet a sa logique et elle n’est pas toujours facile à comprendre. Je l’ai dit à Jean-François de Sart récemment : -Tu as été joueur, pense à la carrière de ceux qui pourraient signer au Standard mais qui ne passent pas la porte uniquement sous prétexte que nous nous occupons d’eux.  » Frenay n’est pas le seul agent irrité que nous croisons en Turquie. Un autre nous lance :  » On leur propose des joueurs valables, ils ne les regardent même pas.  »

La direction actuelle est loin de travailler avec un, deux ou trois agents exclusifs comme cela se fait dans certains clubs et comme c’était le cas sous le régime D’Onofrio / Pierre François. Elle (a) fait grossir plusieurs portefeuilles. Il y a Nico Vaesen, Jorge Vidal, CvijanMilosevic, Roger Henrotay (qui a amené Frédéric Bulot, mais aussi Mircea Rednic, et qu’une rumeur cite comme possible prochain directeur général du Standard !), YouriSelak, Dudu Dahan (qui doit avoir pris un gros coup dans l’aile vu l’échec de ses Israéliens Rami Gershon, Dudu Biton et Maor Buzaglo), Christian Negouai, Kismet Eris. MogiBayat était l’agent de confiance de Pierre François mais il est brûlé depuis qu’il a fait partir Gohi Bi Cyriac à Anderlecht en fin de saison passée. Bayat collabore toutefois avec certains agents qui ont toujours leurs entrées à Sclessin, comme Selak.

Qui décide finalement ? Roland ou Jean-François ?

Un agent belge rencontré en Turquie a un avis bien tranché :  » Jean-François de Sart, c’est un premier ministre européen, ou un employé de banque. Il n’a rien à dire. Mais comme c’est un employé docile et honnête, on le conserve.  » Un autre manager :  » Je ne pense pas qu’il va faire de vieux os au Standard, je le vois partir très vite.  » Autre avis encore :  » Le gros problème de Duchâtelet, c’est qu’il veut tout décider, y compris au niveau des transferts. Mais il ne sent pas du tout le football, c’est un économiste pur et dur. Pour lui, tout ce qui peut rapporter de l’argent peut partir. On voit ce que sa méconnaissance du foot a donné ces derniers mois. Comment peut-on dépenser près de 4 millions pour acheter Ajdarevic et Bulot ? Tu ne peux pas trouver aussi bon à l’Académie ? Qu’est-ce qu’il y a eu comme scouting ? Dudu Biton, il n’a pas sa place dans une équipe de cité autour de Liège, et pourtant on lui a offert un des plus gros salaires du noyau. Bulot est aussi très bien payé. Est-ce qu’on est allé voir Marvin Ogunjimi avant de le ramener en Belgique ? Si quelqu’un s’était déplacé à Majorque, il aurait vite compris que ce n’était plus le même joueur qu’à Genk. D’un côté, Duchâtelet compte ses sous jusqu’au dernier centime, de l’autre, il consacre des fortunes à des joueurs qui n’apportent pas grand-chose. Si je dois résumer son flair ? Envoie-lui LionelMessi en test, change la coiffe, il ne le prend pas !  » On constate aussi que la direction pleure pour trouver un attaquant costaud, fort de la tête et capable de garder le ballon. Mais elle a chassé Christian Benteke.

Le debriefing de Mircea Rednic après la défaite en amical contre Wolfsbourg était très clair : il en a marre de son noyau actuel, il veut de la qualité.  » J’ai proposé des joueurs pour toutes les positions où il nous manque quelqu’un. Des joueurs qui ont joué en Europa League, en Ligue des Champions, avec leur équipe nationale. J’espère que les dirigeants ont maintenant compris.  » Il voit que depuis le début du mois, ça bouge à Anderlecht, à Bruges, à Gand. Mais rien à Liège. Un de nos informateurs est convaincu que le Roumain  » ne finira pas la saison au Standard.  » Dès qu’il est arrivé, il a recommandé quelques joueurs du championnat de Roumanie. Ces dossiers n’ont jamais avancé parce que la direction les juge trop coûteux. Un agent a conseillé un international sud-américain à Duchâtelet, Rednic le connaissait et le voulait déjà quand il était en Roumanie. Duchâtelet a botté en touche, affirmant que son coach était là pour s’occuper de foot, pas pour faire les transferts. Alors, le Roumain s’est encore un peu fâché juste avant de quitter la Turquie. Quand il signale que le Standard a quand même fait des transferts à un ou deux millions d’euros l’été dernier, il veut dire que les moyens sont là et que la seule façon de viser haut en fin de saison, c’est de dépenser un minimum. On a clairement l’impression qu’entre Rednic d’un côté, le président et le directeur sportif de l’autre, l’ambiance est tendue. Depuis qu’il est là, l’entraîneur a des avis tranchés et des exigences. Il veut qu’elles soient rencontrées, il est à l’opposé des deux moutons qui l’ont précédé : José Riga et Ron Jans.

Bolat et Pocognoli, à chacun ses problèmes

Sinan Bolat et Sébastien Pocognoli n’étaient pas les Standardmen qui affichaient le plus large sourire en Turquie. Ils sont tous les deux en balance. Deux joueurs de Kismet Eris (qui a aussi Ibrahima Cissé) aux situations assez différentes. Bolat a refusé l’offre de Fulham (club avec lequel le Standard avait un accord) et la direction n’apprécie pas. Un départ seulement en fin de saison, donc en fin de contrat, ça veut dire un transfert gratuit. Une mauvaise affaire de plus. Cela rend Duchâtelet nerveux, il veut vendre son gardien dès maintenant pour en tirer quelque chose. Bolat est cool par rapport à la situation et il n’est pas impossible qu’il soit titulaire au deuxième tour s’il reste. Rednic l’a dit :  » Les meilleurs joueront.  » On doute que la direction apprécierait le renvoi sur le banc d’EijiKawashima.

Pocognoli a peu joué au premier tour, à cause d’une blessure d’abord, de la concurrence ensuite. S’il n’entre toujours pas dans les plans du coach, c’est mieux pour tout le monde qu’il s’en aille. Pendant quelques mois, il est allé voir ailleurs si l’herbe n’était pas plus verte. Il a abandonné Kismet Eris, qui l’accompagnait depuis ses débuts et lui avait notamment permis d’aboutir à Genk puis aux Pays-Bas. Pocognoli, qui cherchait à quitter Liège, a tenté sa chance avec une agence de management anglaise qui ne lui a jamais rien proposé de concret. Alors, il est revenu chez son agent des jours meilleurs.

PAR PIERRE DANVOYE À LARA (TURQUIE)

Rumeur n°1 : Mircea Rednic ne finira pas la saison.Rumeur n°2 : Jean-François de Sart ne fera pas de vieux os à Sclessin.

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