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Même Donald Trump aime (un peu) Kimmie

Kim Clijsters (37 ans) dispute à partir de samedi le tournoi de préparation de l’US Open, qui débute le 31 août. La Limbourgeoise a déjà remporté le tournoi à trois reprises et ce n’est pas un hasard. Depuis son plus jeune âge, c’est le grand amour entre Kimmie et les United States of America.

13 septembre 1998. En finale du tournoi masculin de l’US Open, l’Australien Patrick Rafter prend la mesure de son compatriote Mark Philippoussis. Tout en haut de la tribune, Kim Clijsters, âgée de quinze ans, acclame son idole, dont les posters décorent sa chambre d’adolescente. La Limbourgeoise a gagné le double juniores à Flushing Meadows avec la Danoise Eva Dyrberg et à l’issue de la finale hommes, son badge junior lui donne accès aux vestiaires, où elle demande un autographe au beau Pat. Elle est loin d’imaginer qu’un jour, elle conquerra les coeurs de nombreux amateurs de tennis, tout spécialement en Amérique.

J’ai tissé des liens avec ce pays. Parfois, j’étais très mauvaise dans un tournoi, puis je m’envolais pour les States et tout allait bien.  » Kim Clijsters

C’est aussi sa première destination de voyage, fin 1996, à treize ans, sans ses parents. Elle y participe à l’Orange Bowl de Floride, le championnat du monde officieux des jeunes. Un an plus tard, associée à Zsofia Gubacsi, Clijsters s’adjuge le double. En 1998, elle atteint les quarts de finale en simple. C’est encore en Floride qu’elle enlève son deuxième grand tournoi junior, la Prince Cup de Miami. Ses succès lui valent le titre d’espoir belge de l’année fin 1998.

Dès l’adolescence, Clijsters développe un faible pour l’Amérique, un pays qu’elle associe à la liberté, comme elle le dit plus tard au magazine Knack :  » Je m’y fais des amis, je découvre le monde pas à pas et je tisse ainsi des liens avec le pays. Parfois, j’étais très mauvaise dans un tournoi, puis je m’envolais pour les States et tout allait bien. Les Américains s’enthousiasment rapidement et ils montrent qu’ils vous aiment. Ça m’insuffle de l’énergie.  »

Serena sous les huées

En 1999, Clijsters accède pour la première fois au tableau principal de l’US Open. Deux mois plus tôt, le monde l’avait découverte à Wimbledon. Âgée de seize ans, Kim n’avait été éliminée qu’au quatrième tour, par Steffi Graf. À l’époque, son père Lei veille à son bonheur. Il la laisse partir aux USA sans lui expliquer que sa mère Els est atteinte d’un cancer du foie. Cette omission créera par la suite des tensions entre le père et sa fille, mais celle-ci peut jouer l’US Open sans souci.

Si elle était crispée durant son match contre Graf à Wimbledon, elle n’est même pas impressionnée quand elle monte sur le Centre court, au troisième tour, où elle affronte la nouvelle star américaine, la puissante Serena Williams. Il faut dire que les 15.000 Américains présents dans la tribune prennent étonnamment son parti, dès le premier set.  » Ça m’a donné des ailes « , raconte-elle quelques mois plus tard au magazine HUMO. Au troisième set, alors que le score est de 5-3, elle peut servir pour le match, mais la rencontre bascule. Williams gagne et s’adjuge son premier Grand Chelem, à 17 ans.  » Les vraies grandes finissent leur boulot. Je dois encore faire preuve de patience « , commente Clijsters.

Elle reçoit une nouvelle chance un an et demi plus tard, en 2001, en finale du prestigieux tournoi d’Indian Wells, à nouveau dans un match sous haute tension contre Serena Williams. Le public, essentiellement blanc et riche, ne cesse de conspuer celle-ci, car sa soeur Venus a déclaré forfait pour la demi-finale contre Serena, alors qu’elle n’est pas blessée. On murmure que c’est une décision du père, Richard, qui préfère que sa cadette affronte Clijsters en pleine forme.

Les 16.000 Américains se lèvent quand Clijsters enlève le premier set. Serena se bat pour revenir, malgré l’hostilité ambiante, et elle remporte les deux sets suivants. Elle est manifestement plus fraîche que Kim, qui a dû disputer une demi-finale contre la numéro un mondiale, Martina Hingis, qu’elle bat pour la première fois. La Limbourgeoise est grande dans la défaite et prend même la défense de Serena.  » C’est une chouette fille, qui ne peut pas être victime d’un incident dont elle n’est pas responsable.  » Williams va boycotter Indian Wells pendant quatorze ans, pour protester contre ce qui n’était, selon Richard, qu’une démonstration de racisme pur.  » On nous a traités de nègres !  » Williams est très motivée quand elle croise à nouveau la route de Clijsters, au quatrième tour du tournoi suivant, à Miami. Notre compatriote fait les frais de la rage de l’Américaine, en se faisant sèchement battre 6-0, 6-2.

Clijsters ne se laisse pas abattre. Elle dispute même sa première finale de Grand Chelem à Roland Garros, un match épique qu’elle perd face à Jennifer Capriati. Elle enlève ensuite sa première victoire sur le sol US, à Stanford, en Californie, le tournoi sur dur qui sert de prélude à l’US Open. Le tout en prenant la mesure de Lindsay Davenport pour la première fois.

Elle atteint un nouveau sommet l’année suivante, en 2002, mais tard, en novembre. Blessée à l’épaule droite, elle change d’entraîneur juste avant l’US Open : Marc De Hous remplace Carl Maes. Elle ne trouve ses marques qu’aux Masters de Los Angeles. En chemin, elle bat Justine Henin, Venus Williams (blessée) et en finale, Serena Williams, pour la première fois de sa carrière. C’est un exploit, car Serena a enlevé les trois derniers Grands Chelems, chaque fois face à sa soeur. C’est le plus beau souvenir de Clijsters, confiera-t-elle lors de ses derniers adieux en 2012.  » Parce que tout était encore neuf et pur.  » Elle perdra un autre beau souvenir, la balle de match, dans sa nouvelle demeure à Bree, après que son chien Beauty en a fait son goûter.

Numéro un

Son objectif après les Masters :  » Me battre pour la première place mondiale l’année prochaine.  » De Hous confère à son tennis puissant plus de finesse technico-tactique. Avec succès : le 10 août 2003, elle réalise son rêve après sa victoire à Los Angeles, the city where the dreams come true. Elle devient la première Belge à accéder au trône de la WTA, alors qu’elle n’a encore que vingt ans. Elle a disputé un grand nombre de tournois (21), en atteignant les demi-finales à vingt reprises et la finale quinze fois. Mais dans les Grands Chelems, elle doit s’avouer vaincue face à Justine Henin. La Wallonne bat la Limbourgeoise en finale de Roland Garros et de l’US Open, et relaie sa compatriote à la place de numéro un, malgré une nouvelle victoire de Kim aux Masters de Los Angeles.

Le public américain raffole de l’histoire de Clijsters, la supermom.

Après une nouvelle défaite en finale de l’Open d’Australie, à nouveau contre Henin, elle s’occasionne une sérieuse blessure au poignet. Clijsters ne jouera plus guère cette saison-là et retombe au 22e rang mondial. D’aucuns la disent finie, mais dès que son poignet est guéri, après trois mois de préparation physique, Clijsters retrouve sa flamme et se surpasse. Un good move américain la replace dans le game : au printemps 2005, elle réalise le doublé rare, Indian Wells-Miami.

En été, la Belge devient vraiment la First Lady d’Amérique. Avant l’US Open, elle additionne les victoires à Stanford, Los Angeles et Toronto. Elle ne s’incline en finale qu’à San Diego, contre la Chinoise Shuai Peng. Elle est amoureuse et ça la motive. Après sa rupture avec Lleyton Hewitt en octobre 2004, Brian Lynch, le basketteur américain du BBC Bree, a su la séduire.

Entre ses tournois, la joueuse passe l’été à Belmar, New Jersey, chez les parents de Lynch, Richard et Mary. Elle y découvre la liberté, loin de l’attention dont elle est l’objet en Belgique. Elle se promène sur la plage, va au restaurant sans que quiconque ne la remarque. Pendant le camp de basket-ball qu’organise Brian chaque année, elle s’occupe même des cinquante à soixante enfants, et n’hésite pas à mettre la main à la pâte.

Clijsters est favorite au début de l’US Open. Pendant sa conférence de presse initiale, la presse locale est pendue à ses lèvres. Elle offre 25.000 euros à la Croix-Rouge américaine et met aux enchères quelques raquettes et vêtements de tennis au profit de victimes de l’ouragan Katrina. Après ça, plus rien ne peut entacher l’image de Kimmie, The Girl Next Door. Ou encore Miss Congeniality ( sympathie, ndlr), comme on la surnomme, en référence au rôle de Sandra Bullock dans le film du même nom ( pour les moins cinéphiles, le titre en français est  » Miss Détective « , ndlr). Même Donald Trump, qui n’est encore qu’un milliardaire parmi d’autres, brandit un carton jaune dans la tribune quand Clijsters dispute la finale – comme prévu :  » Kimmie, Donald Trump loves you !  »

Mary Pierce ne fait pas le poids et Clijsters escalade la tribune avec souplesse jusqu’au box des joueuses. Elle tombe dans les bras de sa soeur Elke, de sa mère Els, de son coach Marc et de Brian. Malheureusement, Lei n’est plus là. Début 2009, il décède d’un cancer de la peau. Kim lui dédie sa victoire.

Après quatre occasions ratées, elle est enfin délivrée de l’étiquette de  » meilleure joueuse qui n’a jamais enlevé de Grand Chelem « . En conférence de presse, elle plaisante :  » Maintenant, vous pouvez cesser de me poser des questions à ce sujet.  » Les grandes vedettes du tennis masculin lui envoient des sms de félicitations. Roger Federer est le premier, la veille de son deuxième succès à New York. Clijsters n’a plus besoin de convaincre la presse américaine. En fin d’année, l’agence Associated Press et The United Sports Academy, une association de connaisseurs du sport, l’élisent à la deuxième place du classement de Female Athlete of the Year : ça en dit long sur son statut.

Pas de Trump dans le box

À nouveau blessée, Clijsters ne peut surfer sur ce succès. Elle annonce sa première retraite en mai 2007. Pour effectuer son retour deux ans plus tard, après avoir donné le jour à Jada, âgée d’un an et demi. Ça se fera à Cincinnati, dans le nord de ses chers USA, en guise d’échauffement pour l’US Open. Le public raffole de l’histoire de la supermom. Les spectateurs de l’Arthur Ashe Stadium prennent son parti au quatrième tour contre Venus, comme en demi-finale contre Serena Williams. Ils se font entendre. À la grande frustration de Serena, qui jette sa raquette, insulte un juge et perd le match, sur un point de pénalité encaissé… sur la balle de match.

Donald Trump, opportuniste, tente de s’approprier un peu de la popularité de Clijsters. Il veut suivre la finale contre Caroline Wozniacki dans le box de la Belge, mais celle-ci refuse.  » Il n’a rien à faire là.  » Furieux, Trump va s’installer dans celui de Wozniacki. Ça n’aide pas beaucoup la Danoise, car Clijsters s’impose aisément. Mais la petite Jada lui vole la vedette, quand elle trottine joyeusement sur le court avant de fêter la victoire de sa mère en dansant.

Jada peut remettre le couvert un an plus tard, après une nouvelle victoire aisée de Kim en finale, contre Vera Zvonareva. C’est la quatrième finale de Clijsters en quatre tournois à Flushing Meadows. Elle n’a perdu qu’en 2003, contre Henin.

Son bulletin est écorné en 2012. Après un nouveau forfait sur blessure en 2011, elle est éliminée dès le deuxième tour par Laura Robson. C’est là un adieu trop abrupt, dans ce qui devait être l’ultime tournoi avant ses deuxièmes adieux au tennis. Pourtant, la joueuse, alors âgée de 29 ans, tient à exprimer sa gratitude.  » Je suis satisfaite de ma deuxième carrière, contente de mes adieux. Peut-être pas sur le plan tennistique, mais j’ai arrêté là où je le voulais. Avec l’entraîneur de mes débuts. En présence de ma famille et de mes amis. La boucle est bouclée.  »

Pas tout à fait, puisqu’en septembre 2019, Clijsters, qui a alors 36 ans, annonce un nouveau come-back. Un retour qui va connaître son premier haut-fait, suite à la pandémie, dans la bulle de… l’US Open. Qui prendra fin le 13 septembre, exactement 22 ans après qu’elle a demandé un autographe à Patrick Rafter, son idole.

Kim aux USA: les chiffres

Les statistiques illustrent parfaitement le succès de Kim Clijsters sur les courts en dur américains. Elle a disputé 22 finales d’un tournoi WTA aux USA et n’en a perdu que six. Elle a donc ramené pas moins de seize trophées des 41 tournois joués aux USA : quatre à Stanford (2001, 2003, 2005, 2006), trois à l’ US Open (2005, 2009 et 2010, plus une finale perdue en 2003), deux aux Masters à Los Angeles (2002, 2003), deux à Indian Wells (2003, 2005), deux à Miami (2005, 2010), deux à Los Angeles (2003, 2005) et un à Cincinnati (2010).

Même Donald Trump aime (un peu) Kimmie
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