Mauvais film

Le flanc gauche explique comment les joueurs sont responsables de ce qui ne va plus.

A la fin de la saison dernière, Koen Daerden quittait Genk en piteux état pour un Club Bruges qui, sous Emilio Ferrera, semblait retrouver ses ambitions. Un an plus tard, Racing lutte pour le titre mais le Club Bruges s’est crashé :  » Depuis deux ou trois mois, je me force à ne pratiquement plus lire les journaux. Avant, j’en lisais trois par jour mais j’ai pris mes distances. Je n’éprouvais plus le besoin de m’encombrer la tête de toutes ces choses. Je sais ce que je fais, je sais si je joue bien ou pas et je préfère ne pas entendre ou lire de commentaires « .

Quel est votre sentiment à l’heure actuel ?

Koen Daerden : Nous ne luttons pas pour les deux premières places et nous ne devons nous en prendre qu’à nous-mêmes. Les circonstances font en sorte qu’on ne me regarde plus du même £il. On attendait peut-être autre chose de moi mais je ne pense pas que ce soit dans mes cordes. Ceci dit, je sais que je n’ai pas apporté suffisamment. J’ai eu trop de hauts et de bas. J’ai sans doute livré quelques bons matches – on ne peut quand même pas dire qu’en huit mois, tout était négatif – mais je n’ai pas été assez régulier.

Que voulez-vous dire par  » On ne me regarde plus du même £il  » ou  » On attend de moi des choses qui ne sont pas dans mes cordes ? »

Beaucoup de gens ne voient que les résumés de matches à la télévision et vous collent une étiquette. Sans parler du prix du transfert, qui fait que l’attente augmente… Ils vous félicitent parce que vous vous êtes infiltré à deux reprises ou sur base d’une belle action. Mais on ne peut pas juger sur base de ces moments. Un match dure 90 minutes. De toute façon, mon rendement est insuffisant. Le Club n’a pas encore connu un seul moment de quiétude mais nous avons fait en sorte qu’il y ait de la pression. A chaque fois qu’on pensait que nous sortions de nos problèmes, nous retombions dans nos travers.

Pourquoi l’équipe n’a-t-elle jamais réussi à faire preuve de constance ?

Bonne question ! Je crois que nous n’étions pas toujours suffisamment motivés. Il n’est pas normal de livrer un très bon match à domicile contre Anderlecht puis d’être complètement amorphe une semaine plus tard à Mons. Ce n’est pas une question de qualité mais de mentalité. C’est dans les moments difficiles qu’il faut donner le meilleur de soi-même.

Cedomir Janevski ne parvient manifestement pas à changer les choses.

Nous ne devons pas seulement pointer l’entraîneur du doigt. Pour moi, ni lui ni Emilio Ferrera ne sont responsables. Les joueurs feraient mieux de se regarder dans le miroir et de se demander s’ils ont tout fait pour obtenir un bon résultat. Car c’est là que nous avons failli à notre tâche. Lorsqu’on regarde l’expérience et l’âge de nos joueurs, on devrait avoir affaire à un groupe mûr mais… on ne peut pas dire que cela se soit remarqué dans les moments difficiles. Dès lors, nous avons des problèmes car cette expérience et cette mentalité devraient être nos atouts. C’est le style de la maison, celui que les supporters attendent. Cela nous a manqué dans les moments difficiles.

On ne peut pas dire que ce groupe a le sens de l’autocritique…

Nous sommes trop peu exigeants. Il faut savoir encaisser les coups, accepter les choses, avoir la volonté d’aller rechercher un ballon, de repartir de l’avant. Trop peu de gens osent encore jouer et il est très difficile de s’attaquer à cela.

Cela veut dire qu’il va falloir se débarrasser de certains joueurs et en engager d’autres.

C’est aux dirigeants qu’il appartient de faire ce choix. Le club vient d’engager un nouveau directeur sportif qui va s’impliquer dans son travail et tirer les conclusions qui s’imposent.

 » J’ai longtemps cherché ma place  »

Janevski a placé Elrio Van Heerden derrière les attaquants. Qu’est-ce qui a changé dans votre occupation de terrain ?

En plus des deux attaquants, Elrio a beaucoup de liberté pour distribuer le jeu et plonger dans les espaces. Avec lui, nous avons une possibilité de passe supplémentaire lorsque nous recevons le ballon. Pour moi, cela nous permet de jouer plus vite, d’autant qu’on connaît les qualités d’Elrio : il sait garder le ballon, il est rapide, tonique, très fort techniquement. On peut lui donner le ballon même lorsqu’il a un homme dans son dos. Pour moi aussi, c’est plus facile.

En d’autres termes, cela retire un peu de pression de vos épaules ?

Oui. Emilio avait opté pour deux médians défensifs et deux médians latéraux tandis que les attaquants devaient jouer plus haut. Janevski préfère la synchronisation entre Elrio et des attaquants qui décrochent. Nous aimons toujours jouer par les flancs mais il n’arrive pas encore assez souvent que les médians ou les arrières latéraux aillent jusqu’à la ligne de but.

Pourquoi ?

Difficile à dire. Est-ce une question de complémentarité ? J’ai longtemps joué avec Ivan Gvozdenovic derrière moi et il n’est pas un véritable arrière latéral mais plutôt un médian également et nous avons mis du temps à nous comprendre. Lorsque nous avons changé d’entraîneur, il a également fallu nous adapter à un nouveau système. Au cours des mois précédents, nous avions beaucoup travaillé tactiquement mais nous avions rarement joué deux fois de suite avec la même équipe et cela ne nous a pas fait du bien. En début de saison, j’ai souvent dû rentrer dans le jeu pour combler l’espace entre les médians défensifs et les attaquants. Je dois dire que j’ai difficilement trouvé ma place, je n’arrivais pas à utiliser cet espace, à comprendre quand je devais y aller ou pas.

Les choses ont-elles changé ?

J’ai un peu plus d’espace, de liberté dans l’entrejeu. J’ai dit quelques fois à Emilio que j’avais l’impression que Jonathan Blondel et Sven Vermant devraient faire plus d’appels en profondeur afin de créer des espaces pour les autres. Pour moi, c’était trop peu souvent le cas. J’avais l’impression que Jo – qui avait toujours été numéro 10 à Mouscron – se présentait trop peu souvent devant le but, qu’il cherchait trop peu la profondeur sans ballon, ce qui nous aurait permis de changer de position. Maintenant, nous pouvons le faire davantage mais cela veut également dire que les médians latéraux doivent apporter du soutien au médian défensif.

Autre constatation : les médians ne marquent pas assez.

Au début, j’ai souvent manqué de profondeur au moment où je recevais le ballon dans les pieds. Maintenant, grâce à Elrio, j’en ai davantage car il va beaucoup dans les coins et sait donner un ballon dans la foulée. Voyez le but contre Saint-Trond : récupération rapide, passe à Michael Klukowski qui donne en un temps à Gvozdevnovic. Celui-ci adresse alors un centre parfait. De temps en temps, il faut oser adresser un ballon dans le dos de la défense plutôt que toujours jouer dans les pieds. Parfois, on reste trop longtemps sans être dangereux ou sans adresser une passe décisive. Beaucoup dépend évidemment de la position dans laquelle on se trouve. Si on ne peut pas jouer en un temps, ça ne marchera pas. L’attaquant fait-il une action préliminaire ou pas ? Anticipe-t-il ou pas ? Mais nous devons apprendre à nous créer des espaces, ne serait-ce qu’un mètre ou deux. Janevski répète cela sans cesse à l’entraînement. On travaille beaucoup les passes, se retourner, décrocher, jouer en retrait, attendre, temporiser… Il ne s’agit pas de donner le ballon n’importe comment : il faut que cela aille vite et j’aime bien cela.

N’est-il pas frustrant de se poser des questions pendant toute une saison ?

Parfois, oui, je l’admets. On fait de son mieux puis il arrive qu’on ne soit pas du tout dans le match. Parfois, on arrive encore à passer mais parfois, rien ! Difficile d’en faire plus. Honnêtement, jusqu’ici, je n’ai rien à me reprocher. Je suis bien considéré à Bruges, je m’entraîne bien, je me soigne, je réussis souvent de bonnes choses à l’entraînement. Alors, quel est le problème ? Je n’en sais rien. En ce qui me concerne, ce n’est pas une question de nervosité, de stress ou de public qui se met à siffler. Bien sûr, ce n’est pas amusant mais il faut être au-dessus de tout cela.

Et question responsabilités ?

Philippe Clement, Sven Vermant, Birger Maertens et Gaëtan Englebert sont ici depuis plus longtemps que moi et c’est d’eux qu’on attend qu’ils soient des leaders. Cela me semble logique, ce qui ne veut pas dire que je ne prendrai pas mes responsabilités.

 » Je veux une vie privée : pas comme mon père  »

Vous pourrez être un leader si vous jouez bien mais vous ne jouez pas bien parce que vous n’êtes pas un leader. Etes-vous pris dans un cercle vicieux ?

Quand on n’est pas du tout dans le match, il faut pouvoir rester calme. Il serait insensé de crier sur les autres ou de s’occuper d’autre chose. Mieux vaut rester calme et tenter de revenir dans la partie. Quand rien ne va, il est parfois plus intelligent de remettre en retrait, histoire de ne pas perdre le ballon. Moi, j’ai parfois tendance à forcer. Je me dis que, même si cela n’a pas marché à trois reprises, il suffit d’une fois pour que ça passe. Jouer en retrait, c’est trop facile. Je n’aime pas me cacher. Même si, parfois, ce serait mieux. Mais j’en suis incapable, je veux toujours essayer. Je ne compte pas me tirer d’affaire en adressant une passe facile. J’ai besoin de continuer à faire ce que j’ai l’habitude de faire.

Et c’est comme ça qu’on vous siffle.

A juste titre mais je le cherche un peu en voulant à tout prix tenter quelque chose. Dans ma tête, je me dis qu’il y a un moment où ça va marcher. Je préfère perdre deux fois le ballon en tentant de passer que donner quatre bonnes passes à un partenaire qui ne saura que faire du cuir.

Dans quelle mesure la naissance de vos jumeaux a-t-elle influencé votre saison ?

Au début, cela a beaucoup joué. Les mois d’octobre, novembre, décembre et même janvier ont été très durs. Je ne veux pas me lamenter mais, tant mentalement que physiquement, cette double naissance a eu un rôle décisif.

Vos prestations devraient donc aller en s’améliorant…

Peut-être. En tout cas, je me sens déjà beaucoup mieux. Je suis plus calme, même avec les enfants. Après un match, j’arrive à faire plus facilement la part des choses. J’accepte ce qu’on dit, même si je ne serai jamais du genre à tout relativiser. Je n’accepte pas qu’on ait sombré…

Vous avez décidé de ne pas mêler football et vie privée. Pourquoi ?

J’ai connu cela pendant 20 ans avec mon père. Mon amie est une grande supportrice et vient voir les matches dès qu’elle le peut mais cela s’arrête là et j’aime mieux ainsi. Ma mère était très fanatique et elle s’occupait beaucoup de mon père lorsqu’il rentrait à la maison avec ses problèmes. Finalement, on en parlait pendant deux ou trois jours après un mauvais match. Moi, je ne veux pas de cela. Et quand je commence à parler de foot, c’est ma copine qui me rappelle à l’ordre : -Stop ! Elle est très directe et cela me fait du bien. Sinon, je serais comme mon père : toujours tracassé.

Peut-on affirmer avec certitude que vous allez éclater à Bruges la saison prochaine ?

Je dois veiller à atteindre mon niveau chaque semaine. J’y crois fermement et je ne regrette en tout cas pas d’avoir signé ici.

par raoul de groote – photos reporters/ mossiat

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