Magouilles en pagaille

On ne compte plus les affaires louches. Petit résumé des grands scandales du passé révélés par la presse et des livres…

« Je suis allé en Russie deux fois, invité par le président Boris Eltsine. En 1990, lors de la Coupe du Monde, j’ai rencontré le pape Jean-Paul II à trois reprises. Lorsque je me rends en Arabie Saoudite, le roi Fahd ne manque pas de venir me saluer. En Belgique, j’ai eu un face-à-face d’une heure et demie avec le Roi Albert. Pensez-vous qu’un chef d’Etat gaspillerait autant de temps ? Non. C’est une marque de respect. C’est la force de la FIFA. Je peux parler à n’importe quel chef d’Etat et celui-ci me traite d’égal à égal. Ils ont leur pouvoir et j’ai le mien : le pouvoir du football, qui est le plus grand pouvoir possible.  »

Ainsi s’exprimait l’ancien président de la FIFA, le Brésilien Joao Havelange, à la fin de son mandat dans les années 90. Sous son égide, la Fédération internationale de Football est devenue une multinationale, un lobbying tellement puissant qu’il était admis dans les plus grands palais mondiaux.

Comme tout pouvoir, la FIFA s’est construite en adoptant certaines règles et en flirtant avec les limites de la légalité. Récemment, son histoire a même été émaillée de nombreuses rumeurs et scandales, souvent mis à jour par la presse britannique, dont certains membres les plus éminents sont aujourd’hui mis à l’index par la FIFA. Lors des conférences de presse au sein de son siège zurichois, certains journalistes anglais sont tout simplement interdits d’entrée !

Le premier pavé dans la mare a été lancé par le duo anglais John SugdenAlan Tomlinson qui en 1998, dans leur livre FIFA and the contest for world football : who rules the people’s game ?, se focalisaient sur la gouvernance d’Havelange entre 1974 et 1998. Dans ce livre, les auteurs démontraient qu’Havelange s’était servi du football pour monter un empire, n’hésitant pas à arroser certains dictateurs et à corrompre certains officiels dans le seul but d’accroître la zone d’influence (et les revenus) de la FIFA.

Alors, la FIFA, une entreprise sans foi ni loi ? Pratiquement. A l’instar de la F1 sous l’égide de Bernie Ecclestone, certaines décisions de la FIFA n’ont plus rien à voir avec l’esprit sportif. En 1994, la Coupe du Monde a pris le chemin des Etats-Unis. Officiellement pour montrer son ouverture à d’autres continents que l’Europe et l’Amérique du Sud, et pour redynamiser le championnat américain. Officieusement, si la Coupe du Monde s’est déroulée aux States, c’est tout simplement sous la pression des gros sponsors, dont les principaux viennent des Etats-Unis (comme McDonald’s ou Coca Cola). Il faut dire qu’Havelange se sent quelque peu redevable des grands sponsors, lui qui fut élu grâce à la générosité du patron d’ Adidas, Horst Dassler qui allongea l’argent pour convaincre les derniers indécis de voter pour le Brésilien.

Rebelote en 2002. Là aussi, le choix de l’Asie pour une première (le Japon et la Corée du Sud) était uniquement lié aux débouchés financiers que la FIFA pourrait obtenir, l’Asie étant une grande consommatrice de football. Cela a également permis à la FIFA de diversifier ses sponsors. Aux côtés d’Américains apparaissaient soudain de nouvelles grandes compagnies asiatiques.

Mais si l’expansion financière de la FIFA, sous Havelange, laissait perplexe les amoureux du football, c’est la présidence de Sepp Blatter qui allait déchaîner les passions.

Son élection à la tête de la présidence face au Suédois Lennart Johansson en 1998 allait fournir le prétexte des premières critiques. Il est aujourd’hui avéré que Blatter a été porté au pouvoir grâce aux voix africaines. En échange, Blatter n’a pas manqué de multiplier les promesses. Dont celle d’une première Coupe du Monde en zone africaine. C’est dans cette optique que l’Afrique du Sud fut choisie pour accueillir l’édition 2010. Non pas sur la base d’une quelconque rotation ou d’une ouverture d’esprit exceptionnelle, mais d’un troc pur et dur :  » Vous votez pour moi, je vous offre la Coupe du Monde « . Ce deal faisant fi de la démocratie normalement en vigueur au sein de l’institution, le choix du pays hôte étant soumis au vote des membres. Ainsi, David Yallop en 1999, dans son livre How they stole the game, n’hésite pas à avancer que les élections de 1996 (le choix du Japon et de la Corée pour la Coupe du Monde 2002) et 1998 (l’élection de Blatter) étaient truquées. En 1998, 18 pays africains auraient vendu leur vote pour élire Blatter.

En étant composé de 207 adhérents (plus que l’ONU), la FIFA a remis les clés de ces élections aux petits pays : Tahiti ou le Togo, par exemple, disposent d’autant d’importance que l’Allemagne ou le Brésil. Ces petits pays sont donc souvent au centre de propositions pour acheter leur voix comme l’a encore prouvé en octobre l’enquête undercover du Sunday Times.

Faillite frauduleuse d’ISL

En 2006, la présidence de Sepp Blatter est fortement critiquée par l’auteur Andrew Jennings qui, dans son livre Carton Rouge, revient sur la faillite de la société de marketing ISL. Selon Jennings, des soupçons de corruption pèsent fortement sur ISL. Mise en faillite en 2001, la société n’hésitait pas à verser des pots-de-vin en contrepartie d’une situation de monopole au sein de la FIFA.

Suite aux écrits de Jennings (dont la FIFA tenta d’interdire la publication), le juge d’instruction du canton suisse de Zoug, Thomas Hildbrand, a mené une enquête et des perquisitions au sein du siège de la FIFA en 2005 en raison de forts soupçons de détournement de fonds et de corruption. En mai 2002, déjà, le secrétaire général de la FIFA, Michel Zen-Ruffinen, qui s’érigeait en successeur potentiel de Blatter, avait dénoncé le  » système Blatter « , basé sur du copinage et la folie des grandeurs (Blatter n’a-t-il pas demandé lors de la dernière Coupe du Monde de n’avoir que des glaçons d’eau d’Evian pour son whisky ?). Un mois plus tard, Zen-Ruffinen avait été poussé à la démission.

A l’origine d’ISL, on trouve le patron d’ Adidas, Horst Dassler, qui, en 1983, crée cette société de marketing et devient un partenaire privilégié de la FIFA en se procurant au rabais les droits TV de la Coupe du Monde avant de les revendre à prix d’or aux chaînes de télévision nationales. En contrepartie, ISL assurait à la FIFA une rente confortable. En 2008, lors du procès, six accusés reconnaîtront avoir versé 96 millions d’euros de pots-de-vin via un compte d’une banque au Liechtenstein. Mais comme la législation helvétique n’interdisait pas les commissions, les six accusés ont été reconnus responsables mais pas coupables.

Aujourd’hui, Blatter négocie les droits TV avec son… neveu Philippe Blatter, président de la société Infront Sports et média. Ce neveu travaillait auparavant pour le cabinent de consultance McKinsey qui, pendant six ans, avait facturé 7 millions d’euros d’honoraires pour le travail de consultant de Philippe auprès de son oncle !

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » En 1998, dix-huit pays africains auraient vendu leur voix pour élire Sepp Blatter « 

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