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Lorin Parys, quatre ans après l’Opération Mains Propres : « La Belgique est un précurseur »

Bart Aerts

En octobre 2018, le football belge a tremblé jusqu’à ses fondations. Les contrecoups sont encore perceptibles aujourd’hui. Mais l’opération « Mains propres » a-t-elle vraiment changé quelque chose dans le monde du football ? Nous avons interrogé quelques acteurs clés. Aujourd’hui : Lorin Parys, CEO de la Pro League.

«A posteriori et à long terme, Mains Propres a en fait été un cadeau du ciel pour le football. L’opération a changé beaucoup de choses. Je suis convaincu que nous adoptons une autre approche dans différents domaines. Nous voulons modifier la réputation du football. Dans le passé, on a adopté des habitudes qui ont pris des allures extraterrestres. Ça ne va pas. Le football n’est pas un corps étranger à la société. L’Opération Mains Propres a été le levier de changements qui étaient nécessaires depuis longtemps, mais n’auraient jamais vu le jour autrement.

Très concrètement, je pense à la clearing house. Grâce à sa mise sur pied, les clubs ont souscrit à la nécessité d’une bonne gestion et de transparence. Depuis la campagne de transferts de l’été 2020, la clearing house est opérationnelle et assure le contrôle et la transparence des transactions. Elle sert de modèle à la FIFA, qui élabore sa propre clearing house. Nous avons donc été des précurseurs. Ou plutôt: nous avons été obligés d’être des précurseurs.

Le football est une proie facile pour les politiciens, compte tenu de l’opinion publique.» Sébastien Stassin

L’introduction de la loi anti-blanchiment d’argent est une deuxième action marquante. Nous parlons d’AML ou Anti Money Laundering. Nous sommes la seule branche sportive au monde à devoir s’y soumettre. Ça a de nombreuses implications pour les clubs, qui doivent passer par différentes procédures avant qu’une transaction puisse être conclue.

Les journaux ont écrit que tous les clubs contrôlés avaient présenté des carences dans l’application des nouvelles règles. Il faut nuancer. Tout ça est nouveau et la législation n’est pas adaptée au secteur du football. Ces manquements sont plutôt formels, comme la rédaction de rapports. C’est un aspect que nous sommes en train de résoudre. À l’avenir, nous voulons qu’il y ait automatiquement une trace écrite de chaque estimation de risque.

La Pro League a ajouté une couche supplémentaire à ces règles en élaborant Football First, un plan global grâce auquel nous voulons nous engager à suivre les règles à la lettre. Nous voulons une gestion d’entreprise claire et transparente. Nous avons formé un conseil d’administration plus restreint, mais efficace, avec Wouter Vandenhaute (président d’Anderlecht), Sven Jaecques (manager général de l’Antwerp), Philippe Bormans (CEO de l’Union Saint-Gilloise) et Harm van Veldhoven (président de Lommel), qui représentent les clubs, et deux administrateurs indépendants, Bart De Smet (président du VBO) et IsabelleMazzara (directrice générale de l’ULB et présidente de Wallonie-Bruxelles Enseignement). Ces deux dernières personnes nous apportent leur expérience et leurs connaissances professionnelles. Leur embauche apporte une réelle plus-value au football professionnel. Je considère ma nomination au poste de président exécutif comme un chouette encouragement à poursuivre mon travail dans le respect des principes de Football First.

Les clubs ont également approuvé la fondation de la Pro League University, un nouvel institut de formation qui doit améliorer la gestion des clubs, en collaboration avec l’Université d’Anvers. Le projet sera lancé en janvier 2023.

Les clubs s’engagent à avoir des fonds propres positifs d’ici cinq ans. Ils doivent progresser de 20% par an. S’ils n’y parviennent pas, ils subiront un retrait de points. C’est révolutionnaire. Bientôt, ils ne pourront consacrer que 70% de leur budget au sportif alors qu’à l’heure actuelle, cela représente parfois 120% du budget.

Nous ne pourrons jamais éliminer complètement tous les problèmes mais avec toutes ces mesures, nous mettons en place une nouvelle culture, au sein de laquelle il va devenir très difficile d’enfreindre les règles. Avant mon arrivée, il existait déjà une certaine volonté de mettre tout ça en place, mais nous avons accéléré. Instaurer une nouvelle culture est un travail de longue haleine, mais nous avons donné le coup d’envoi. Comme lors de tout changement, on risque parfois d’aller droit dans le mur, mais l’ordre de marche est clair.

Nous pensons à l’avenir et n’allons donc pas juger des cas individuels. Je ne vais pas décider qui un club peut engager ou conserver. Nous n’allons pas non plus abandonner le principe de la présomption d’innocence.

Je ne sais pas ce qui peut encore émerger, suite à l’Opération Mains Propres, mais nous devons vivre en toute transparence. Il n’y a rien de tel que la lumière du jour. J’espère cependant que nos nouvelles mesures vont aussi bénéficier de l’attention qu’elles méritent. Il s’est produit des choses inacceptables et nous ne pouvons pas faire comme s’il ne s’était rien passé, mais le football professionnel a emprunté une nouvelle voie grâce à ce passé.»

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