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Little big club

En s’appuyant plus que jamais sur sa culture de formation, l’Atalanta constitue une des belles surprises d’une Europa League qui la verra accueillir Dortmund demain. Le résultat d’une politique clairvoyante qui garantit un avenir serein à un club au passé marquant.

Un missile en pleine lucarne de Lothar Matthäus sur coup franc, c’était la dernière image de l’Atalanta en Coupe d’Europe, celle d’une défaite 2-0 lors du derby italien en quart de finale de la Coupe de l’UEFA face à l’Inter. La quatrième campagne européenne après celles de 1963-64, 1987-88 et 1989-90. La seconde avait particulièrement marqué les esprits : la formation bergamasque évoluait alors en Serie B et s’était faufilée jusqu’en demi-finales de la Coupe des Coupes où elle tomba avec les honneurs contre le Malines de Michel Preud’homme. Au retour en Italie, les Malinois furent d’ailleurs virtuellement éliminés pendant une vingtaine de minutes, avant de finalement s’imposer 2-1 comme à l’aller et de se qualifier en finale où ils battront l’Ajax.

Près de 40.000 spectateurs s’étaient massés dans les tribunes de l’Atleti Azzurri d’Italia dont Eddy Merckx et Felice Gimondi, historiques rivaux réunis par cette affiche opposant leur équipe de coeur respective. Pour son retour en Europe, l’Atalanta a été contrainte de disputer ses rencontres au Mapei Stadium de Reggio Emilia, mais cela ne l’a pas empêché de déjouer tous les pronostics en terminant première de son groupe devant Lyon, Everton (succès 3-0 en Italie et 5-1 en Angleterre) et l’Apollon Limassol. Voilà le Borussia Dortmund prévenu !

À l’ombre des géants

Si personne n’avait osé pronostiquer une Atalanta classée à la quatrième place de la Serie A la saison passée, il est s difficile de parler de surprise quand on connaît l’histoire du  » plus grand des petits clubs italiens « . 57 saisons parmi l’élite, seulement dix équipes, toutes championnes d’Italie au moins une fois, font mieux. Un vécu qui a permis de forger une véritable identité à l’ombre des géants que sont l’Inter et le Milan, distants d’une cinquantaine de kilomètres à peine. Par le passé, l’Atalanta s’était classée devant un des deux clubs milanais en seulement trois occasions.

Cette fois, elle a fait coup double pour la première fois grâce à l’efficience de sa formation. Un aspect auquel elle consacre la bagatelle de cinq millions d’euros par an ! 20 scouts sillonnent constamment le territoire et assistent en moyenne à 10 à 15 matches par mois. A ceux-ci, il faut ajouter les 40  » signaleurs « , des hommes de confiance qui font remonter les noms les plus intéressants. Dans le centre d’entraînement de Zingonia, régulièrement remis à neuf, les U15, U17, U18 et U19 côtoient les professionnels, chose particulièrement rare en Italie.

Gasperini, un tournant

Ce travail de longue haleine permet d’intégrer les meilleurs éléments à la Première, de les valoriser et de les revendre pour effectuer de conséquentes plus-values et ainsi amortir le retour sur investissement. Montant du pactole ? Près de 150 millions d’euros sur les sept dernières années. Pas de grands noms mais beaucoup d’internationaux tels que ManoloGabbiadini, GiacomoBonaventura, DavideZappacosta, RobertoGagliardini, AndreaConti et MattiaCaldara. Financièrement, le club tient la route, contrairement à la plupart des concurrents. Trouver un entraîneur prêt à épouser cette politique n’avait jamais été compliqué, les jeunes continuaient d’être lancés, les maintiens étaient obtenus sans trop souffrir, mais l’arrivée de Gian Piero Gasperini sur le banc à l’été 2016 a été un tournant.

 » C’est le bon bonhomme au bon endroit. Il a chamboulé tous nos plans, il a changé l’histoire, il a révolutionné notre vie footballistique en projetant déjà l’Atalanta dans le futur. Avant lui, nous étions un mélange de joueurs physiques et d’autres expérimentés, tout était fait en fonction du maintien mais les perspectives ont changé « , confiait le président Antonio Percassi dans la Gazzetta dello Sport. Pourtant les prémices de ce mariage laissaient penser à un anonymat prolongé, après quatre défaites lors des cinq premières rencontres. Le coach fut même sur la sellette. C’est à ce moment qu’il décida de prendre les choses en main avant la réception de Naples : les inexpérimentés Conti, Caldara, Gagliardini et AndreaPetagna furent titularisés. Ce fut un coup de maître et une victoire 1-0.

Place aux jeunes

L’ancien technicien de la Genoa (qu’il avait déjà qualifiée deux fois pour l’Europa League) décida de miser définitivement sur la jeunesse, à qui il est plus simple d’inculquer sa vision du football, fait de pressing haut, de marquages individuels, de polyvalence et de stratégie s’adaptant à l’adversaire du jour (avec une grosse préférence pour le 3-4-1-2). La mayonnaise prit et, surtout, elle fut comestible jusqu’à la fin de la saison malgré le départ d’un ingrédient important comme Gagliardini, vendu à l’Inter en hiver, signe que le collectif était solide et ne dépendait d’aucune individualité.

 » Le Mister nous a transmis les motivations pour réaliser quelque chose d’unique. Il ne s’est jamais contenté, même quand nous étions certain de nous maintenir : il nous a toujours demandé d’essayer de rester dans l’histoire parce que c’était une année à exploiter au maximum. Il avait raison « , analysait Caldara, aux micros du Corriere dello Sport. Sur les 38 journées, l’Atalanta occupa 24 fois une place européenne et établit le meilleur exercice de l’histoire du club, avec les records de points et de victoires. Un exploit sans suite ? Gasperini a tenu à lancer un message dans les colonnes de la Gazzetta à l’intersaison :  » Il est maintenant normal que l’Atalanta hausse ses ambitions et le profil des recrues. Elle doit monter d’un cran, se positionner dans une zone moyenne-haute, on ne devra plus parler de maintien. Cela ne doit pas rester un épisode isolé à conserver dans nos mémoires mais le premier pas dans le cadre d’un processus de croissance de tout le club.  »

Un cercle vertueux

Promesse tenue. Transférés au Milan à prix d’or, Conti et Franck Kessie ont été les seuls départs importants et ont été suppléés comme il se doit par des joueurs méconnus ou ayant besoin de se relancer. Car en plus de bien former, l’Atalanta sait recruter. Si l’ancien Genkois Timothy Castagne n’a pas encore tout à fait pris ses marques, les prestations de Bryan Cristante, Hans Hateboer, Andreas Cornelius ou Remo Freuler laissent penser à d’autres belles plus-values en perspective. Ainsi, le club est tout à fait dans les clous pour obtenir une seconde qualification européenne consécutive, grâce notamment à sa star, l’attaquant international argentin Alejandro  » Papu  » Gomez.

La permanence de celui-ci a été un signe fort, mais peut-être pas autant que le dernier coup en date, le rachat à la ville de l’enceinte Atleti Azzurri Italia pour neuf millions d’euros. Un passage fondamental pour diversifier les sources de revenus et une somme déjà remboursée par la vente d’ Alessandro Bastoni (18 ans) à l’Inter, dernière pépite du centre de formation. On appelle ça un cercle vertueux.

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