LILLE AUX TRÉSORS

Bruno Govers

Avec leurs prénoms très ancien régime, les deux joueurs du LOSC veulent révolutionner les Coalisés.

Parmi les sept nouvelles recrues du Brussels lors du récent mercato, Dieudonné Owona (20 ans) et Flavien Le Postollec (22 ans) présentent la particularité d’être arrivés ensemble de Lille. Mais, auparavant, leur chemin a épousé des trajectoires sensiblement différentes. Né à Yaoundé, le premier a passé son enfance au Cameroun pour rallier ensuite Paris, où il s’est affilié dans un petit club du Bourget avant de mettre le cap, la quinzaine sonnée, sur le centre de formation lillois. Le deuxième a vu le jour dans une autre capitale africaine, Abidjan, où il n’est resté que peu de temps vu que son Breton de père décida de rallier la Provence. C’est là qu’il fit son écolage, à l’US Vitrolles d’abord, puis au FC Martigues avant de prendre la route du stade Grimonprez-Jooris.

Quelle différence peut-on relever chez un joueur passé par un centre de formation et un autre qui n’a pas bénéficié de cet écolage ?

Le Postollec : La détermination. Jusqu’à 16 ans, le football n’aura été rien d’autre qu’un simple divertissement. Je jouais pour le plaisir, sans la moindre arrière-pensée. Ce n’est qu’en quittant Vitrolles pour Martigues, où j’ai évolué en CFA, que l’idée m’a effleuré que je pouvais faire du football mon métier. La preuve de cette insouciance c’est que j’ai obtenu mon bac à l’âge où d’autres songent plutôt à une carrière pro. Quand je me suis rendu au LOSC en 2005, les plus jeunes pensionnaires étaient déjà imprégnés de cette ambition pro. En matière de bagage, ils avaient quelques longueurs d’avance. Quoi de plus normal, en ce sens qu’ils répétaient leurs gammes journellement, à raison de deux séances parfois, alors que je m’y étais moi-même adonné de manière beaucoup plus épisodique. J’ai découvert là-bas une tout autre méthode de travail, nettement plus rigoureuse que dans le Midi. Il m’a quand même fallu quelques mois pour m’acclimater et pour digérer l’intensité. Au départ, j’étais complètement lessivé après une journée de travail.

Owona : En intégrant l’école des jeunes lilloise, il n’était alors plus question de fun mais de sérieux. L’accent était mis sur l’application, le collectif, le don de soi. Le LOSC, qui n’a manifestement pas l’aisance financière de Lyon ou de Marseille, s’est toujours attaché à bien former ses joueurs pour l’équipe 1. Cette saison, au sein d’un effectif de 30 professionnels, pas moins d’un tiers est issu du club ! Parmi eux, Mathieu Debuchy et Yohan Cabaye ont déjà résolument fait leur chemin au plus haut échelon. Moi-même et Flavien, dans une certaine mesure, figurions sur la liste d’attente.

Bloqués à Lille

C’est ce qui vous a incité à tenter votre chance ailleurs ?

Le Postollec : En tout et pour tout, j’ai disputé une rencontre de L1 pour le compte du LOSC. C’était en janvier 2006 face au FC Metz. J’ai encore livré un match de Coupe de la Ligue face à Lorient, la même saison, point final. Cette année, j’ai été réduit à la portion congrue. Il est vrai que le club tient le haut du pavé en France et qu’il est toujours qualifié en Ligue des Champions. D’autre part, dans l’entrejeu, la concurrence est rude avec Jean II Makoun, Mathieu Bodmer et Michel Bastos. Dans ces conditions, j’étais bloqué.

Owona : Personnellement, je n’ai pas eu la moindre minute de temps de jeu en Première. Mais j’accuse évidemment 2 ans de moins que Flavien et je ne suis pro que depuis cette année. A ma place de back gauche, j’étais barré par le capitaine, Grégory Tafforeau. A près de 21 ans, je ne pouvais pas me contenter de jouer en CFA indéfiniment. C’est la raison pour laquelle je désirais tenter ma chance ailleurs, sur base locative. J’ai cru, à un moment donné, que j’irais à Charleroi comme remplaçant de Dante. Mais je n’ai plus rien entendu après un premier contact. Par la suite, le Brussels s’est manifesté et cette offre est vraiment tombée à pic. Même si je ne connaissais ce club ni d’Eve ni d’Adam. C’est votre compatriote Kevin Mirallas, que j’ai côtoyé longuement au centre de formation, qui m’a dit qu’il existait bel et bien un deuxième club dans la capitale…

Le Postollec : C’est Anderlecht, qui m’a donné l’envie de tenter ma chance en Belgique. Je connaissais ce club de réputation et c’est Peter Odemwingie, qui avait un jour passé un test là-bas, qui m’en a dit le plus grand bien. Je préciserai aussi que le RSCA m’a franchement épaté lors de la double confrontation en Ligue des Champions face au LOSC. Les Mauve et Blanc ont franchement réalisé deux belles performances. Surtout au retour. Pour le même prix, c’est d’ailleurs eux qui auraient pu passer le tour à la place de Lille et défier Manchester United

Owona : Ce qui m’a décidé, c’est l’avis de l’entraîneur du LOSC, Claude Puel. Il est fort complice avec Albert Cartier et m’a dit que sous la coupe de ce coach, l’occasion me serait donnée de m’épanouir dans un club et un entourage moins huppés. Il ne s’était pas trompé car nous avons été titularisés d’emblée.

Un but, deux cartes

Une surprise ?

Owona : Oui. Je m’attendais à une acclimatation en Réserve avant d’obtenir ma chance en Première. Mais dès le match de reprise à Mons, j’étais dans le onze de base, au même titre que Flavien. A peine débarqué, j’avais donc joué davantage, en D1, qu’en l’espace de 5 ans en France (il rit). Pour mon deuxième match, ce fut même le bouquet : moi qui ne marque pour ainsi dire jamais, j’ai fait mouche contre Zulte Waregem d’une frappe des 25 mètres. Je ne sais pas ce qui m’a pris ce soir-là. J’ai probablement été inspiré par le tir de Zola Matumona qui, peu de temps plus tôt, avait laissé le gardien adverse pantois d’un envoi de l’extérieur, parti de la même distance.

Le Postollec : La bonne surprise, ce furent mes titularisations dans tous les matches livrés jusqu’à présent au deuxième tour. La mauvaise a trait, elle, aux deux cartes jaunes que j’ai prises coup sur coup à Mons en premier lieu puis, à domicile, face à Zulte Waregem. Je ne comprenais pas très bien car pour des petites fautes pas bien méchantes, mais à répétition, un arbitre sort rarement son bristol en France. Ici, la manière de diriger est quelquefois très surprenante. Certains sortent un bristol pour une peccadille, d’autres sont beaucoup plus coulants et tolérants. Il est très difficile de savoir à quoi s’en tenir.

Que vous inspire le niveau de notre football ?

Owona : Je suis positivement étonné. A priori, j’avais quand même un peu peur de quitter un club qui tenait le haut du panier en France pour me retrouver dans un autre luttant pour le maintien en Belgique. A présent, après quelques matches, l’appréciation est foncièrement différente. Car chez vous, il ne faut pas grand-chose pour réaliser une bonne opération au classement. Il y a un bon mois, le Brussels faisait encore de la corde raide. Entre-temps, il a recollé au ventre mou. Tout tient à peu de choses en Belgique.

Le Postollec : Quand je considère le niveau de certains clubs qui ferment la marche en France, comme le FC Nantes et le PSG entre autres, je me dis qu’il y a quand même un décalage entre ce niveau-là et celui du FC Brussels, qui se situerait plutôt en bonne position en Ligue 2, au niveau d’un Bastia ou d’un Gueugnon. D’un autre côté, je remarque aussi qu’il y a parfois fort peu de différence, sur le terrain, entre un club de bas de classement en Belgique et une équipe du top. Surtout lorsque le mal loti joue à domicile. De fait, les petits clubs, ici, me font songer à ces formations qui font figure de giant killers en Coupe de France. A l’image d’un Calais notamment. De ce point de vue-là, votre football est peu prévisible. Et c’est ce qui fait son charme.

Bataille de tranchées

Owona : Il y a beaucoup d’engagement et d’intensité ici. En France, le niveau est plus technique. Reste que depuis mon arrivée, j’ai déjà vu l’une ou l’autre parties de très bonne facture, qui ne détonerait pas chez nous. Comme le match entre le Standard et Genk par exemple. C’était réellement tout bon.

Le Postollec : On trouve pas mal de bons joueurs ici. Je songe à Sergio Conceiçao, Mémé Tchité et Bosko Balaban. Je me rends compte que le football, ici, n’est pas plus facile qu’en France. D’ailleurs, le coach, Albert Cartier, m’avait prévenu : dans le championnat belge, la première heure de jeu se résume à une bataille de tranchées. Ce n’est que passé ce délai, quand les organismes sont fatigués et les cerveaux un peu embrumés, qu’on fait la différence. Et c’est ce qui s’est bel et bien vérifié lors de nos deux premiers matches contre Mons et Zulte Waregem.

A propos de joueurs, Albert Cartier vous a comparé, Dieudonné, à un mini Roberto Carlos.

Owona : Je suis peut-être râblé comme lui mais je dois encore manger pas mal de tartines avant d’arriver à son niveau ( il rit). Le Brésilien est un phénomène mais mes modèles sont plutôt Patrice Evra ou Florent Malouda.

Le Postollec : Moi, c’est Zinédine Zidane. Mais là aussi, le décalage est important ( il rit).

Qu’attendez-vous de cette expérience au Brussels ?

Owona : J’ai été loué pour six mois avec option d’achat. Dans la mesure où je suis en fin de contrat à Lille, je veux pouvoir convaincre le club auquel j’appartiens toujours, ou celui dont je défends les intérêts pour le moment. A défaut, j’espère m’exposer à d’autres regards, afin de poursuivre ma voie dans le monde du football. Cet objectif va toutefois de pair avec un bon deuxième tour du Brussels. Terminer dans la première colonne est un must.

Le Postollec : J’ai encore un bail au LOSC jusqu’en fin de saison prochaine. Je possède donc une petite sécurité dans ce domaine. L’important, pour moi, c’est d’accumuler du temps de jeu tout en servant au mieux les intérêts de mon club. J’abonde dans le même sens que Dieudonné en fixant la barre à la septième place.

Vous possédez tous deux la double nationalité : franco-camerounaise pour Dieudonné, franco-ivoirienne pour Flavien. Votre fibre est plutôt européenne ou africaine ?

Le Postollec : J’avais un peu plus d’un an au moment où je suis arrivé dans le sud de l’Hexagone. J’ai donc eu droit à une éducation typiquement française. Mais je ne renie pas mes origines. L’année passée, quand la France a disputé un match amical contre la Côte d’Ivoire, je supportais les Eléphants.

Owona : Je suis resté plus longtemps au Cameroun car j’avais neuf ans au moment de rejoindre la grande banlieue parisienne. Là-bas, la communauté africaine était très importante. Je n’ai donc pas vraiment été dépaysé ( il rit). Et c’est sûr que lorsque la France doit jouer contre le Cameroun, mon c£ur bat pour les Lions Indomptables.

BRUNO GOVERS

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