LES PANDAS du Golfe

L’AS a changé d’époque depuis l’arrivée à sa tête des Qataris d’Aspire : jusqu’où soufflera le vent d’est ?

C’est un terroir de barrages qui, comme celui de la Vesdre ou, un peu plus loin, le géant de la Gileppe, vivent au rythme de la nature et de la patience. Eupen s’est donné le temps de réaliser ses rêves : ce calme constitue-t-il un atout avant le tour final de D1 que les Pandas aborderont après un championnat haletant et épuisant ? Comment surmonteront-ils leur déception ?

Chez eux, dans les Hautes Fagnes, malgré la déception enregistrée à Westerlo, plus solide, madré, bien en place sous la direction de Dennis Van Wijck, auteur de sa cinquième montée en D1, il n’est en tout cas plus question de précipiter les choses comme en mai 2010 quand l’AS Eupen célébra sa première accession à l’élite via le… Tour final de D2. Cette aventure d’un an se termina en roman de hall de gare.

Le monde du football belge avait alors l’impression qu’on ne reverrait plus jamais les Pandas en D1. Après des apports folkloriques d’Italie et d’Allemagne, Eupen retrouva de cruelles réalités : des pyramides de factures impayées, le travail vital de Roland Louf pour décrocher la licence, le prêt de 500.000 euros de Lucien D’Onofrio qui annonçait l’arrivée des Qataris d’Aspire accompagnés par des avocats dont Jean-Louis Dupont.

 » Au départ, on n’y a pas trop cru « , intervient Thomas Evers de Grenz-Echo.  » Je connaissais Aspire qui, par exemple, a des accords avec le Bayern Munich. Ce club a fait des stages au Qatar, où Aspire dispose d’installations exceptionnelles. Aspire possède notamment le PSG, alors je me suis forcément demandé ce que les Qataris venaient faire en Belgique. A fortiori dans un petit club comme Eupen. J’ai vite compris que c’était du sérieux. Aspire aurait pu se contenter d’ouvrir le portefeuille. Ils peuvent acheter le Standard, Anderlecht et même tous les clubs de D1.  »

 » Les Qataris ont fait mieux que cela : ils ont un plan. C’est pour cela qu’Eupen a gagné à la loterie avec Aspire. C’est un cadeau du ciel. Dès le départ, Aspire s’est fixé comme but de stabiliser Eupen à tous les niveaux et de rejoindre la D1 dans un délai de trois ans. Après, Aspire tâchera d’installer Eupen dans le haut du tableau de l’élite. En 2011-12, Eupen a participé au tour final de D2 mais ne monta pas. Cela convenait à Aspire qui, dit-on, préférait entamer son travail dans le calme de la D2 qu’en précipitant les choses un étage plus haut.  »

L’argent n’est pas un problème

Adepte de la discrétion, Aspire n’a pas choisi Eupen par hasard. Sans cet apport, le, club du Kehrweg, exsangue, se serait probablement retrouvé tôt ou tard en Promotion. L’avenir était sombre après des années folkloriques. Personne ne sait combien Aspire a payé pour acquérir l’AS Eupen mais une chose est évidente : on y travaille sérieusement. La Belgique demeure un laboratoire intéressant où les talents d’Aspire peuvent éclore avant de filer vers de grands clubs. Eupen est bien situé : près de l’Allemagne, de Liège, des Pays-Bas. Les agents de joueurs ont retrouvé le chemin du Kehrweg où Aspire perfectionne l’outil de travail.

Au départ, les supporters craignaient une arrivée massive de jeunes mercenaires sans lien avec la région.  » Le club a tiré les leçons de la première saison d’Aspire en D2 « , insiste Evers.  » L’argent n’est pas un problème pour Aspire. Nils Schouterden avait de nombreuses propositions en Belgique mais personne n’a pu s’aligner sur les propositions d’Eupen.  »

L’AS Eupen ne peut pas réussir qu’avec des joueurs d’Aspire. Les Pandas puisent prioritairement dans l’écurie qatarie mais la D2 et le football belge ont leurs spécificités. La D2 est rude avec une majorité de formations défensives adeptes du jeu en contres. Eupen mise aussi sur les talents de la région et la présence de joueurs comme Michael Lallemand ou Jonathan D’Ostillo est importante à côté des Espagnols, des Africains, etc.

Tout le staff est espagnol autour du coach, Bartolomé Marquez Lopez. Ancien milieu de terrain de l’Espanyol de Barcelone, qu’il coacha en 2008-2009,  » Tintin  » Marquez a donné des touches techniques évidentes à Eupen. Son équipe a souvent fait preuve de supériorité face aux grosses cylindrées de la D2. Mais cela n’a pas suffi.

 » Mais Eupen est toujours dans les temps de son plan de trois ans « , explique Evers.  » La montée était une question de vie ou de mort pour Westerlo, pas pour Eupen. Si les Pandas accédaient à l’élite via le tour final, ils prendraient un an d’avance sur leur plan de trois ans. Leurs matches sont télévisés en direct au Qatar où, dit-on, la ville d’Eupen, est désormais plus connue que Liège. Quand les matches ne sont pas prévus par Belgacom TV, Aspire en finance la production et la diffusion rien que pour le Qatar. Aspire a rapidement effacé toutes les dettes de l’Alliance.

Qui est le nouveau Zukanovic ?

Selon Evers, c’est un facteur important à Eupen. Les directions précédentes n’ont pas respecté leurs promesses et  » oublié  » des paquets de factures impayées, souvent chez de petits indépendants. Comme les temps sont durs, la moindre ardoise peut poser de gros problèmes économiques. Inutile de dire que le sérieux du club a été apprécié par les commerçants et la Ville qui ne doit plus s’inquiéter pour l’avenir de l’Alliance.

L’intégration des joueurs étrangers ne pose pas de problèmes. Ils habitent généralement au coeur de la cité. D’ailleurs, des anciens reviennent parfois à Eupen où tout a commencé pour eux. C’est le cas d’Enver Zukanovic qui n’a laissé que des amis à Eupen. Eupen aura besoin de joueurs dotés du mental de l’international bosniaque pour espérer remporter le tour final de D2.

L’équipe actuelle est-elle d’ailleurs aussi tonique que celle d’Albert Cartier, emportée par le manque de structures qui a empoisonné son séjour en D1 ? Tintin imitera-t-il Danny Ost qui avait su souder rapidement une équipe de bric et de broc. C’est grâce à lui que Zuka, Danjel Milicevic ou OlivierWerner ont su rebondir, décrocher de bons transferts.

Zuka n’aurait peut-être jamais été repris pour la Coupe du Monde brésilienne sans son passage au Kerhweg. Il le pense, l’affirme et les Eupenois s’en souviendront en le découvrant contre l’Argentine sur la prestigieuse pelouse du stade Maracana.

Qui est le Zuka de la génération actuelle ? Tintin Marquez fera-t-il aussi bien qu’Ost qui, pourtant, ne possédait pas son palmarès de joueur ou de coach. Même s’il s’inscrit dans un autre contexte, Tintin est au pied du mur. A Westerlo, il a été  » vaincu  » par un coach qui connaît le football d’ici sur le bout des doigts.

Westerlo a constitué son équipe à la belge avec de la taille de la vitesse, de la puissance. Les Pandas ne maîtrisent pas ces arguments avec la même maestria. Or, Louvain, favori du Tour final de D2, dispose de la même partition technique et athlétique que Westerlo.

Tintin le sait et il devra se méfier d’un meneur d’hommes à la Van Wijck, Ivan Leko. De plus, le T1 des Pandas vivra les événements du Tour final dans les tribunes. Cette suspension coûtera-t-elle cher aux Eupenois ? Tintin Marquez avait souri avant le voyage à Westerlo :  » Il y a les téléphones. Et puis Tintin, c’est belge.  » Marquez voulait expliquer que notre football ne lui posait pas de problèmes. Ce Tintin-là décrochera-t-il son Amérique et marchera-t-il sur la lune en fin de saison.

La presse espagnole a révélé qu’Eupen présente la plus jeune équipe d’Europe toutes D1 et D2 comptées. Sa moyenne d’âge s’élève à 22,4 ans. Est-ce un atout ou un problème pour cette formation dont le directeur sportif, JosepColomer, a découvert Lionel Messi. Eupen s’est souvent distingué par la richesse technique de son jeu contre les meilleures formations de D2. Le Tour final se joue au mental. Eupen n’est pas obligé de monter. Louvain a ‘l’ambition de garder sa place en D1.

Les Pandas s’accordent le temps de mûrir leurs ambitions. Mais un championnat peut aussi ressembler à une loterie. C’est le moment de réussir des examens de passage devant un public qui a retrouvé le chemin du Kerhweg et  » aspire  » à retrouver la D1 malgré les proches affiches de la Bundesliga.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS : BELGAIMAGE

Eupen est la plus jeune équipe d’Europe, D1 et D2 confondues, avec une moyenne d’âge de 22,4 ans.

Josep Colomer, le directeur sportif d’Eupen a découvert Lionel Messi.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire