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Les nuits sans sommeil sur la Route du Rhum

Ce sera sans doute la traversée de l’Atlantique à la voile la plus rapide de l’histoire. La 11e Route du Rhum pourrait se jouer en 6 jours, ce qui laisse peu de temps au sommeil, avec une première nuit sans presque fermer l’oeil.

Dimanche 4 novembre à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), ils seront quelque 120 bateaux à prendre le départ de la célèbre course en solitaire à destination de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), dont les Ultim, ces maxi-trimarans dernière génération qui peuvent passer en mode +volant+ et filer à 45 noeuds (84 km/h).

La gestion du sommeil est l’un des éléments de la performance pour ces marins hors-normes.

« Je vais faire en sorte d’aller puiser dans mes ressources pour arriver à Pointe-à-Pitre mort de fatigue, à ne pas pouvoir faire 2, 3 journées de plus au même niveau de performance », explique à l’AFP François Gabart (Macif).

Le détenteur du record du tour du monde en solitaire (42 jours 16 heures) sait qu’il sera confronté à la problématique du sommeil dès la première nuit et qu’il devra y trouver un moment pour dormir s’il ne veut pas en faire les frais les deux suivantes.

Gabart est particulièrement attentif à cette donnée. Fidèle à sa façon de fonctionner, il note méticuleusement l’heure à laquelle il se couche et l’heure à laquelle il se réveille, en attribuant une note de 0 à 5 sur la qualité de son sommeil.

– Imagerie mentale –

Durant cette première nuit, la plupart des navigateurs s’accordent à dire que, s’ils dorment, ce sera de l’ordre d’une micro sieste. Ensuite, ils auront entre 3 et 4 heures de sommeil par 24 heures, fractionnées.

Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) a déclaré qu’il pourrait ne pas dormir pendant cette première nuit. Pour Thomas Coville (Sodebo), cette première nuit sera « quasiment blanche ».

« Il y a 4 ans, je percute un cargo. Quand tu croises des cargos qui vont à 18 noeuds (33 km/h) comme ça m’est arrivé, la première nuit est difficile à gérer parce que les bateaux vont vite. Ce cargo change de route et la vie change. Moi j’étais à 30 noeuds, à 2 ou 3 mètres près, on ne se touchait pas », raconte Coville.

Le skipper, qui avait établi un record du tour du monde en solo en décembre 2016 (49 j 3 h), avait dû abandonner en 2014, moins de 24 heures après être parti alors qu’il était l’un des favoris.

Pour Coville, qui estime son temps de sommeil à 18 heures sur les 6 jours que pourrait durer la traversée (2h30 à 3 heures de sommeil par 24 heures), le plus compliqué sera d’arriver à s’endormir. Il n’est pas simple de déconnecter son esprit des enjeux et de l’intensité de la course pour passer en mode sommeil.

Armel Le Cléac’h puise dans l’imagerie mentale pour réussir à fermer les yeux.

« J’utilise le golf pour m’endormir, je visualise le parcours, je vois le trou N.1, je vois mes clubs, je choisis mon club. Ca me permet de couper avec la réalité du moment, d’oublier le stress pendant 10 secondes, de switcher et m’endormir. Il y en a qui comptent les moutons, moi c’est le golf ! », souligne le vainqueur du Vendée Globe 2016/17.

– Performance en danger –

A chacun sa méthode donc. Mais quoiqu’il en soit, bien dormir pourrait être l’une des clés du succès, même si aucune étude n’a encore établi de lien de causalité.

« On n’a jamais lié l’idée que dormir plus ou moins fait arriver plus ou moins vite. Mais si tu ne gères pas bien ton sommeil, tu peux clairement prendre de mauvaise décisions, casser ton bateau, mettre la performance en danger », relève Rémi Hurdiel, chercheur à l’université du littoral Cote d’Opale et spécialiste des questions du sommeil dans le sport.

Bien évidemment, les pilotes des Ultim ne seront pas les seuls concernés par cette problématique du sommeil mais elle sera à gérer différemment en fonction de la durée de la course, liée à la catégorie du bateau. Quand un Ultim pourrait mettre 6 jours, un class40 (12 m) devrait prendre 3 semaines, et un Imoca (18 m) de 9 à 12 jours.

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