© BELGAIMAGE

 » Les gars de Paris pourraient jouer avec les yeux bandés « 

Des Français qu’on a bien connus chez nous évoquent la nouvelle saison de Ligue 1, qui démarre ce week-end.

Marseille et Saint-Étienne : deux clubs français mythiques donnent, ce vendredi soir, le coup d’envoi de la cuvée 2020-2021 de la Ligue 1. Le PSG, sacré sept fois sur les huit dernières saisons, n’est plus qu’à un titre du record détenu par les Verts (dix). La L1, c’est d’abord (surtout ? Seulement ?) Neymar et Kylian Mbappé. Mais qui encore ? Ça pourrait aussi être Jonathan David, par exemple.

On a dégagé trois questions-clés sur le nouveau championnat. Pour y répondre, on a sélectionné un panel de Français bien connus chez nous, que ce soit comme entraîneurs ou joueurs. Bien connus aussi parce qu’ils ont toujours exécré les formules toutes faites et l’art de parler pour ne rien dire. Au rapport : Albert Cartier, Patrick Remy, éric Joly et Kevin Vandendriessche. À eux quatre, ils couvrent un paquet de clubs belges. Grandes gueules, lâchez-vous.

La Ligue 1 fait-elle vraiment partie des grands championnats ?

ALBERT CARTIER :  » Je ne me pose même pas la question, c’est oui ! Si les meilleurs championnats européens viennent se servir en France, ça veut dire que notre championnat a de la qualité. En plus, les joueurs qui partent n’ont en général pas besoin de beaucoup de temps pour s’imposer. Parce qu’ils ont le rythme, l’engagement, l’intensité, l’impact, toutes des particularités de la Ligue 1. Je ne dis pas que c’est la meilleure compétition, mais elle fait partie des meilleures. On a des stars mondiales comme Kylian Mbappé, Neymar, Mauro Icardi. Bien sûr, ces extraterrestres sont rassemblés au PSG, il y a aussi quelques cracks à Lyon ou à Marseille, mais c’est comme ça aussi dans d’autres championnats réputés plus performants. On parle de l’Angleterre ? Un Wolverhampton – Leicester, ce n’est pas nécessairement ce qu’il y a de plus excitant. Je suis allé voir un AC Milan – Sampdoria, ce n’était vraiment pas terrible. En sortant, tu te dis que tu as au moins vu un beau stade… Il y a des matches sans goût en Ligue 1, mais aussi ailleurs.  »

On a une équipe nationale exceptionnelle, mais un petit championnat.  » Éric Joly

PATRICK REMY :  » Oui, clairement. C’est un grand championnat depuis l’arrivée des Qataris à Paris. Ils ont contribué à relever le niveau d’ensemble, notamment en augmentant très fort les droits télé. On entend encore que le championnat français n’est pas très qualitatif parce qu’il n’y a que deux vrais grands clubs, le PSG et Lyon. Mais si on enlève le Barça et le Real en Espagne, alors on peut dire la même chose. Si on retire le Bayern et Dortmund en Allemagne, c’est un peu pareil. Partout, il y a une ou deux très grosses équipes, et des plus petites derrière. Sauf en Angleterre, parce qu’il y a beaucoup plus d’argent là-bas, et donc plus de clubs qui peuvent avoir des noyaux terribles. Je reconnais que si on faisait une Ligue 1 avec les équipes classées de la troisième à la dernière place, ce serait un peu compliqué. Mais arrêtons de faire des complexes à partir du moment où il y a le même problème presque partout ailleurs.  »

Éric Joly
Éric Joly© BELGAIMAGE

ÉRIC JOLY :  » Non, pas du tout. On a une équipe nationale exceptionnelle, mais un championnat très loin en-dessous de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Angleterre. On ne parle plus de la même chose. Je trouve le niveau très moyen. Je regarde les matches du PSG parce que c’est une grosse équipe, mais pour tous les autres, il faut avouer que c’est un peu compliqué. En plus du niveau, je suis frappé par le manque de passion pour la Ligue 1. Il a fallu que je m’expatrie pour comprendre ça. J’ai joué en Belgique et en Écosse, c’était fort différent, beaucoup plus fort. En France, il n’y a que quatre clubs qui provoquent de la passion. Le Paris Saint-Germain depuis quelques années, et pour le reste, Marseille, Lens et Saint-Étienne. Après ça, tu enlèves l’échelle. Tu n’as pas des passionnés dans les stades, tu n’as pas des fans, tu as simplement des spectateurs. À part dans ces villes-là, c’est rare de voir dans la rue des gars qui portent le maillot de l’équipe qu’ils supportent.  »

On se demande de plus en plus si les Qataris ne vont pas quitter Paris après la Coupe du monde.  » Albert Cartier

KEVIN VANDENDRIESSCHE :  » Si la Ligue 1 était un tout grand championnat, les meilleurs joueurs ne s’expatrieraient pas, évidemment. On a un très bon championnat formateur, qu’on peut considérer comme une première étape vers les sommets. Sur la durée, il y aura toujours Paris devant, normalement Lyon dans sa roue, puis tous les autres qui peuvent battre tous les autres sur un match. C’est fort aléatoire, je trouve, c’est difficile de dégager une même tendance saison après saison. Chaque fois, on a une révélation, comme Rennes l’année passée.  »

Le PSG est-il indétrônable dans les cinq ans qui viennent ?

CARTIER :  » Tout dépendra des Qataris. S’ils restent après la Coupe du monde chez eux, oui, le PSG restera indétrônable. Mais on se demande quand même de plus en plus s’ils seront encore là après ce Mondial. À force de ne pas gagner la Ligue des Champions avec le PSG, ils commencent à se poser des questions.  »

REMY :  » Sans aucun doute. Depuis l’arrivée des Qataris, il y a eu un seul accident de parcours, en 2017, quand Monaco a été champion. Mais ils en ont vite tiré les leçons, on ne les y reprendra plus. Pour les Parisiens, une mauvaise saison est une saison où ils ne raflent pas les quatre trophées nationaux. S’ils n’en gagnent que trois, ils considèrent qu’ils ont échoué. Même s’ils jouaient avec les yeux bandés, ils se trouveraient encore. Dès qu’ils prennent l’avance, on sait que le match est fini. Le soir de la finale de la Coupe de France, récemment, j’avais dit à ma femme : Dès qu’ils ont mis le premier but, on sort. J’ai regardé juste un quart d’heure, et quand Neymar a marqué, on est sortis. Tu es en-dessous de la vérité quand tu parles d’une hégémonie sur les cinq prochaines années. Ça va durer plus longtemps que ça.  »

Albert Cartier
Albert Cartier© BELGAIMAGE

JOLY :  » Évidemment. Rien ne va changer. Ou alors, pour que ça change, il faudrait qu’un gars aussi riche que les Qataris rachète subitement un autre club français. Tout le monde s’est fait à l’idée, il faudrait un énorme malentendu pour que Paris ne soit pas champion encore une fois. Tu ne peux rien y faire, c’est simplement une logique financière. Tu vois les joueurs, tu vois l’équipe, c’est clair, personne ne peut rivaliser. Mais ce n’est pas négatif, pour moi, cette routine, ces certitudes. Le PSG remplit tous les stades où il passe, tout le monde en profite. Quand Neymar et Mbappé sont près de chez toi, tu as envie d’aller les voir. Moi aussi, j’aime bien regarder les matches du PSG. Et c’est un vrai supporter de Marseille qui te dit ça !  »

VANDENDRIESSCHE :  » Il n’y a pas trop de risques pour le Paris Saint-Germain. À partir du moment où un club se donne les moyens financiers pour aller très loin en Ligue des Champions, c’est logique qu’il survole le championnat de France. On peut trouver ça monotone, mais j’ai plutôt l’impression que ça arrange tout le monde. Les adversaires savent qu’ils n’ont aucune chance pour le titre, mais ils font systématiquement le plein quand Paris leur rend visite, la venue des Qataris a fait grimper le pactole des droits télé et donc augmenté indirectement le budget des autres, et pour n’importe quel joueur, c’est valorisant et excitant de jouer contre les stars du PSG.  »

L’OM avec la direction de Lyon pourrait se caler derrière le PSG. Lyon avec la direction de Marseille ne serait pas où il est aujourd’hui.  » Patrick Remy

Qui a le plus de chances de compliquer la vie du PSG, ou en tout cas de s’installer juste derrière, dans les prochaines années ? Marseille, Lyon, Lille ou un autre ?

CARTIER :  » Rennes. Et je ne dis pas ça parce que ce club a fini troisième du dernier championnat. Non, mon raisonnement est plus global. Cette place sur le podium, ce n’était pas un one shot ou un accident. Rennes est champion en U17 et en U19, et ils ont gagné la Gambardella. Il y a de très bons jeunes là-bas et un jeune entraîneur, Julien Stéphan, qui fait du très bon boulot et devrait encore rester quelques années. Le club est sur une pente ascendante et le président a une capacité financière énorme. Au niveau des moyens, de la structure, de la formation et de l’effectif pro, c’est le club qui est le mieux armé pour se caler derrière Paris. Et leur participation automatique à la prochaine Ligue des Champions va encore augmenter leur surface financière.  »

Patrick Remy
Patrick Remy© BELGAIMAGE

REMY :  » Lyon. Personne d’autre. C’est l’autre grand club français. Il suffit de regarder les résultats en Ligue des Champions. Lyon travaille super bien, il y a des investisseurs, le club est coté en bourse, ils sont propriétaires de leur stade. Et on a là-bas des gens qui ont la tête sur les épaules. Je parle de pyramide gouvernementale quand je parle de la direction et du mode de fonctionnement de Lyon. Il y a aussi un gros potentiel à Marseille, mais c’est toujours difficile à gérer. L’OM avec la direction de Lyon pourrait se caler derrière le PSG. Lyon avec la direction de Marseille ne serait pas où il est aujourd’hui. Lille, ça pourrait le faire, et ce serait très bien pour le foot français d’avoir un troisième club sérieux, mais il manque encore certaines choses. C’est en progrès. Le LOSC d’aujourd’hui me fait un peu penser au Lyon d’il y a dix ans.  »

JOLY :  » Le club qui a un des plus grands présidents de l’histoire du foot français, c’est-à-dire Lyon. Jean-Michel Aulas fait un boulot extraordinaire là-bas et ça dure depuis plus de trente ans. J’aimerais bien te dire que c’est Marseille qui peut compliquer le train-train du Paris Saint-Germain, mais non. L’OM n’a pas les atouts et l’équipe dirigeante de Lyon. Maintenant, quand je parle de compliquer leur train-train, ça s’arrête là. Lyon peut espérer embêter le PSG, mais ne prendra pas sa place en haut du classement. Parce qu’il n’y a qu’un club en France qui peut avoir un soutien pareil du Qatar. Point de vue moyens financiers, il n’y a pas photo. Lille peut aussi devenir un trouble-fête et s’inviter régulièrement sur le podium. Mais là aussi, au niveau du portefeuille, ça n’a rien à voir avec Paris.  »

Pour n’importe quel joueur, c’est valorisant et excitant de jouer contre les stars du PSG.  » Kevin Vandendriessche

VANDENDRIESSCHE :  » Il ne faut pas se fier au classement de la saison dernière pour trouver le club qui a le plus de chances d’embêter le PSG. Pour moi, c’est Lyon. Il n’a terminé que septième, mais il y a des explications à ça. L’équipe était occupée à monter en puissance et il est probable qu’elle allait remonter dans le classement, mais il y a eu l’interruption du championnat, à un mauvais moment pour eux. La preuve qu’ils étaient dans une bonne période, c’est les résultats qu’ils ont fait entre-temps en Ligue des Champions. L’irrégularité de ce club s’explique par sa politique sportive. Ils ont décidé d’aligner beaucoup de jeunes et ça se paie à certains moments. Lyon a aussi raté certains matches en Ligue 1 parce qu’il y avait des rendez-vous de Ligue des Champions juste avant ou juste après.  »

Le plateau

Albert Cartier 164 matches coachés en D1A avec La Louvière, le Brussels, Mons, Tubize et Eupen.

Patrick Remy 47 matches coachés en D1A avec Gand.

Éric Joly 188 matches joués en D1A avec Courtrai, Gand, Mons et Ostende.

Kevin Vandendriessche 215 matches joués en D1A avec Mouscron et Ostende.

Kevin Vandendriessche
Kevin Vandendriessche© BELGAIMAGE

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire