« Les Diables, c’est tranquille… »

Après avoir surpris tout son monde en mai dernier, Mac The Knife continue à faire le show et à esquiver les vraies questions. Rencontre avec le coach habile d’un Club très ambitieux.

Georges le déserteur n’est certainement pas sorti grandi de son énième changement de crèmerie. Mais Mac The Knife semble peu s’en soucier et manie toujours la mauvaise foi. Ce n’est pas l’argent qui l’a ramené  » chez lui, à Bruges  » (autre effet de com’) clame-t-il depuis mai dernier. Entretien avec décodeur.

Vous êtes de retour au Club Bruges 21 ans après votre premier passage en tant que coach. Des différences ?

Georges Leekens : Enormément et si ça n’avait pas été le cas, il y aurait un sérieux problème. Le stade est quasiment plein à chaque match, ce qui veut dire que le FCB est un produit qui vaut la peine. On a vu la saison dernière que le Club est ambitieux. Mais si on veut atteindre les sommets, pas mal d’efforts sont encore à fournir : un nouveau stade, une nouvelle structure, etc. Je crois que le président Bart Verhaeghe a bien fait comprendre à tous ses collaborateurs qu’il était très ambitieux.

Vous avez déclaré être venu amener la fameuse  » culture de la gagne « . Comment y parvient-on ?

Il faut une bonne équipe autour de l’équipe et beaucoup d’investissement personnel. On n’a pas fait quatorze transferts mais j’estime que ceux réalisés jusqu’ici sont d’un bon rapport qualité/prix. On peut continuer de parler de concurrence avec Anderlecht. Moi, je veux la voir sur le terrain. Je n’ai jamais été une grande gueule dans ma carrière mais j’ai toujours eu beaucoup d’ambition et j’aime le défi. Et celui de Bruges est plus difficile à relever que si j’étais resté avec les Diables.

En quoi ?

Les Diables, c’est tranquille. Je suis d’ailleurs sûr que les Diables vont se qualifier. Même si trop de gens ont le sentiment que nos joueurs sont des dieux. Ça ne va pas être évident mais ils vont y arriver.

 » Quand tu peux prendre un Tchité pour 1,2 million, tu ne dois pas hésiter « 

La méthode Leekens consiste en quoi ?

A bien s’entourer. Aujourd’hui, tu ne peux plus faire tout tout seul. J’ai toujours aimé me mêler de la politique des transferts d’un club ou de sa philosophie sportive. C’était également le cas à la Fédération avec le président François De Keersmaecker et Philippe Collin. Mais je suis aussi indépendant et un grand bosseur.

Vous savez en tout cas être convaincant puisque tous vos transferts demandés sont arrivés…

Je suis très content. De plus, on a payé des prix justes. Et quand tu peux prendre un Mémé Tchité pour 1,2 million, tu ne dois pas hésiter. Il fallait se renforcer à certaines positions-clés comme à l’attaque justement.

Qu’est-ce que Bruges peut ambitionner cette saison ?

Être embêtant dans le championnat.

Ce qui était déjà le cas l’an dernier…

Ouais, sauf qu’il y avait dix points d’écart avant les play-offs. Mais c’est vrai que Bruges a su profiter de ce système et inquiéter Anderlecht. Désormais, on souhaite arriver petit à petit à son niveau.

La puissance financière du Club semble importante. Sur ce point, vous n’avez pas à rougir de la comparaison avec les Mauves, non ?

On ne jette pas l’argent par les fenêtres hein ! Mais c’est vrai que l’actuelle direction a voulu modifier le noyau et revenir sur des valeurs traditionnelles. Le no sweat no glory correspond aussi à ma manière de fonctionner : travail, bonne mentalité et pas de grandes gueules. Je dis aux joueurs : -N’oublie pas une chose : si t’étais un grand joueur, tu serais déjà parti….

 » Jamais eu de contacts avec Anderlecht « 

Votre nom était cité à Anderlecht avant que vous ne signiez à Bruges. Vous confirmez ?

Non pas du tout. Il n’y a jamais eu de contacts. Mes rapports avec Collin ont toujours été très corrects et je dois dire que j’ai pu travailler à la Fédé au sein d’un cadre fantastique. N’oubliez pas que beaucoup de gens ont changé à la Fédération. Tout s’est professionnalisé ces deux dernières années. Voilà pourquoi je suis très content que Wilmots ait été choisi pour me succéder. Il est Belge, ambitieux et il connaît la maison.

De cette structure, vous étiez une figure importante. N’avez-vous pas le sentiment d’avoir abandonné ces gens ?

Non. Ce n’est pas parce que Georges n’est plus là que cette structure va se décomposer. Il y a désormais une vraie mobilisation et on a très bien vendu le produit, il suffit de voir les sponsors qui se sont ajoutés. J’ai fait ma part du boulot à ce niveau également. Marc était déjà là avec Dick Advocaat. Moi, j’ai contribué à encore davantage professionnaliser la Fédé. Aujourd’hui, travailler à l’Union belge, c’est du très haut niveau. Les joueurs aiment venir, les sponsors sont contents et le public est fidèle. De tout ça, je suis fier.

Et de quoi n’êtes-vous pas fier ?

Je suis un homme assez positif donc… Je suis fier d’avoir accepté un nouveau défi et que Marc puisse faire ses preuves.

Qu’avez-vous pensé de ses deux premiers matches à la tête des Diables ?

Aujourd’hui, je suis supporter, je ne juge pas.

Un supporter, il aime donner son avis pourtant.

Tu ne peux pas juger ce groupe sur ces deux matches. Je remarque seulement qu’aujourd’hui, on est dominant, qu’on veut le ballon et qu’on ne calque pas son jeu sur celui de l’adversaire. Dans les grands matches, on a manqué d’expérience. Mais dans deux ans, l’acquis sera différent. Aujourd’hui, les Diables jouent quasiment tous dans des grands clubs.

 » J’avais mon contrat à la Fédération qui me permettait d’aider les sponsors « 

Wilmots peut-il devenir un grand tacticien ?

Un entraîneur est important mais il n’est pas le plus important. Un coach doit gérer ses joueurs et ces derniers doivent prendre leurs responsabilités. Avec Marc, ils ont la chance d’avoir quelqu’un avec une mentalité de gagneur.

Avez-vous le sentiment d’avoir fait grandir les joueurs sportivement ?

Je les ai laissés grandir, ça oui. Et j’ai toujours eu confiance en eux. Je sais qu’ils sont capables de faire des grands résultats, qu’ils vont éclater quand la machine sera en route.

Pourquoi, dès lors ne pas être resté avec une telle génération ? Revenir à Bruges, c’est d’un point de vue sportif un pas en arrière.

J’avais besoin d’un travail quotidien et d’un nouveau défi. J’ai reçu beaucoup de respect des gens, je me sentais apprécié, c’est pourquoi le divorce a été mal vécu par le président de la Fédé. Et je le comprends. Je suis sûr qu’on sera présent au Brésil, c’est pourquoi je ne me sens pas coupable. Je sais tous les investissements que j’ai faits pour l’équipe nationale et comment j’ai vendu ce produit.

Vous étiez même rémunéré par un sponsor (PricewaterhouseCoopers)…

Pas seulement. J’ai travaillé pour d’autres sponsors, j’ai donné des séances de management.

Ces extras font partie de la rémunération d’un coach aujourd’hui ?

On ne doit pas être jaloux de quelqu’un qui travaille nuit et jour, qui sait parler de management, qui a écrit des livres là-dessus. J’avais mon contrat à la Fédération qui me permettait d’aider les sponsors, de les faire rentrer. Certaines choses étaient bénévoles, d’autres non, c’est normal. A la Fédé, ils pourront vous confirmer que j’ai bossé comme jamais un entraîneur fédéral n’a bossé.

 » En équipe nationale, on a atteint les sommets. Il ne manque que la qualification… « 

Que répondez-vous à ceux qui pensent que vous êtes parti car vous aviez peur de l’échec, de ne pas amener les Diables à la Coupe du Monde…

Moi, peur ? Allez… Georges Mac The Knife qui a peur ? Allez… Ceux qui disent ça ne connaissent rien au foot, ce sont des rats qui veulent se vendre eux-mêmes. Moi, je n’ai plus besoin de me vendre. En équipe nationale, j’étais dans un fauteuil. Je suis content de voir que mon départ a fait parler, ça veut dire que l’on est satisfait de mon boulot. Si je n’aimais pas les défis, je serais parti au Qatar…

Mais vous avez déjà connu l’Arabie Saoudite…

Ouais, ouais. Mais parfois tu es trompé ! Je ne savais pas qu’Eric Gerets avait déjà signé quand j’y étais. Ok, c’est la vie. Il ne faut jamais faire le choix de l’argent, tu dois choisir un défi et Bruges en est un beau.

Où vous avez signé un beau contrat, le plus important pour un coach de l’élite belge…

On dit n’importe quoi à ce sujet. Comme le fait que j’ai peur maintenant. J’aime les missions impossibles : me retrouver en D2 à Mouscron en a été une. On a prétendu que c’était un suicide sportif de me retrouver là-bas. Même chose à Courtrai où on a atteint les play-offs 1. C’est un exploit comme celui d’être champion avec Bruges ou Anderlecht.

Et l’image d’entraîneur instable qui, hormis un passage de trois ans à Gand (2004-2007) ne reste pas en place plus de deux ans, vous dérange-t-elle ?

Je ne suis pas du genre à faire ma grande gueule, à clamer que je ne suis pas respecté, que j’ai besoin d’un autre défi, etc. Je garde les choses pour moi. En équipe nationale, on a atteint les sommets. Il n’a manqué que la qualification…

Vous n’estimez pas plutôt que, d’un point de vue comptable, votre parcours a été un échec ?

Les résultats ont été le moindre de mes problèmes. Il nous a manqué ce petit brin de chance à certains moments. Mais on a été dans une phase ascendante alors que la Turquie a fléchi. On a été la seule équipe à faire reculer l’Allemagne pendant un demi-heure.

 » Il y a eu pas mal d’évolution dans le jeu de Hazard en un an « 

En 1998, vous réussissez la gageure d’amener les Diables à la Coupe du Monde. Là on peut parler de succès.

Le contexte était différent : je n’avais aucune pression, tout était déjà foutu. Les joueurs ont réussi quelque chose d’exceptionnel à l’époque. Et l’actuelle génération va prendre le relais. Si quelqu’un ose critiquer l’équipe nationale, il trouvera toujours Georges Leekens devant lui. Mais fort heureusement, j’ai le sentiment que les critiques ne sont pas nombreuses.

Que répondre à ceux qui affirment que vous avez eu des difficultés à gérer des stars comme Hazard ?

Certains ont été mécontents qu’il soit repris si vite, que sa sanction ait été levée. Mais Hazard est un très bon joueur et je trouvais logique qu’il réintègre la sélection…

On prétend que vous avez été mécontent de sa manière de s’entraîner.

Il a changé, non ? Il y a eu pas mal d’évolution dans son jeu en un an. Il suffit de voir ses retours défensifs en Allemagne. Il a travaillé comme un fou. Oui, il a eu une mauvaise réaction un soir. Mais qui n’en commet pas ?

Pourquoi ne pas avoir été au bout de la sanction infligée ?

Parce que j’ai senti, comme père de la famille équipe nationale, que ce garçon qui est très ambitieux méritait de recevoir une deuxième, voire une troisième chance.

Lors de la conférence de presse d’arrivée à Bruges, vous avez commencé par dire  » je suis de retour à la maison « . Vous avez dit la même chose lors de votre deuxième passage en équipe nationale. Vous avez plusieurs maisons ?

J’espère bien que je peux avoir une deuxième maison ( il rit). Un retour c’est toujours spécial car ça veut dire que tu as laissé une bonne impression lors de ton premier passage et que tu es toujours désiré.

 » J’ai choisi l’aventure « 

Pourquoi votre président, Bart Verhaeghe, a-t-il tenu à tout prix à vous embrigader ? Il a même déclaré que vous êtes l’unique coach à remplir tous ses critères.

Il connaît la tradition du Club, il sait que j’habite le coin et est très ambitieux comme moi. Il sait que je ne viens jamais pour faire de la figuration…

Comment expliquez-vous cette popularité alors qu’en quasi 30 ans de coaching votre palmarès est plutôt maigre (un championnat, deux Coupes) ?

J’ai fait des choix où je ne pouvais pas avoir des succès. Quand je termine quatrième avec Lokeren, c’est être champion. Entraîner Barcelone ou le Real, ce n’est pas facile mais reprendre Mouscron en D2 ou coacher Lokeren qui reste sur des saisons délicates, non plus.

Ce n’est pas un manque d’ambition ?

Mais non… Quand Lambrecht me demande de venir à Lokeren alors que je suis le roi à Gand, je le fais parce que c’est un club que j’ai connu, que je veux aider… Je me répète, mais le plus facile aurait été de rester à la Fédération dans la sécurité. J’ai choisi l’aventure.

Vous n’aurez pas de regret en fin de carrière, quand vous allez analyser votre parcours ?

Non. J’aurai aimé mon travail, j’aurai passionnément aimé le foot. Et je pense pouvoir dire que j’ai toujours fait le maximum pour mon employeur. Et je pense avoir toujours laissé une empreinte positive. Broos a été champion plusieurs fois avec Bruges quand il m’a succédé. A Mouscron, les résultats ont continué à être bons, même chose à Gand avec Preud’homme. Je suis sûr qu’il n’en sera pas autrement avec Wilmots à la tête des Diables. Au-delà du palmarès, je peux dire que j’ai toujours été respecté partout où je suis passé. Et c’est très important à mes yeux.

Votre récent passage à Bruges a pourtant été vivement commenté et critiqué. Philippe Albert a notamment déclaré que vous êtes  » un mercenaire, un profiteur, un manipulateur « . Comment avez-vous réagi à ce flot de critiques ?

Ce type de déclaration lui appartient. Moi, je ne dis jamais rien de négatif sur quelqu’un. Je n’ai jamais commenté le retrait de Philippe en équipe nationale, je n’ai jamais dit qu’il nous a laissé en plan. Ma politique, c’est de laver le linge sale en famille. Avec le temps, je suis devenu plus malin, on joue plus avec les bras, plus avec la tête, on prend moins de cartes. Si tu ne progresses pas, il y a un problème. Je ne vais pas réagir à chaque critique, ce sont des combats inutiles. Si quelqu’un que j’apprécie, que j’estime me critique, je réponds que c’est dommage. C’est tout….

PAR THOMAS BRICMONT

 » Je suis sûr qu’on sera présent au Brésil : je ne me sens pas coupable. « 

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