Les deux centraux sont-ils planqués ?

Grand moment d’arbitrage encore, lors du 2-1 par Pippo Inzaghi face au Real mercredi dernier ! Alors qu’à chaque match de Ligue des Champions, il faut se farcir à deux reprises la pub de l’UEFA vantant l’arbitrage rénové, alors qu’on s’y tape chaque fois Pierluigi Collina qui nous regarde dans les yeux en nous disant Now we see more, voilà que Pippo s’en va planter un but en partant hors-jeu de trois mètres indiscutables, et pile sous le nez de l’arbitre de touche : plus idéalement placé que lui, tu meurs ou tu es à la droite de Dieu ! Et c’était un assistant haut de gamme vu que c’était celui d’ Howard Webb, lequel fut jugé digne d’arbitrer la finale du dernier Mondial ! José Mourinho l’a joué grand seigneur sans moufter, faut dire que son équipe a quand même égalisé et que ce but illégal ne l’éliminait nullement. Dommage, ça nous aurait fait gagner du temps : la même belle grosse gaffe en finale, et mon petit doigt me dit que le Board se verrait dans l’obligation d’étendre à autre chose que la ligne de but son projet de recours aux nouvelles technologies…

Mais j’arrête de médire des Lois. En revoyant cette phase, j’ai aussi admiré l’impeccable alignement du quatuor défensif madrilène au moment où Pippo s’engouffre, et le nique tout entier avec la bénédiction du ref. Je me suis alors demandé si la mode de la défense à plat ne compliquait pas la tâche de nos braves agités du drapeau, multipliant ces situations polémiques où le hors-jeu est à juger au fifrelin près, en devant zyeuter six mecs à la fois. N’était-ce pas plus simple à zyeuter au bon vieux temps du libero, lequel décidait seul (et ne décidait pas toujours) de faire le pas en avant pour mettre hors-jeu l’attaquant sollicité ? Simple question. Mais question de toute façon stupide, direz-vous : car on ne va tout de même pas se retenir d’améliorer la science du jeu, simplement pour rendre service aux arbitres ! Bien sûr que non. Sauf que je n’arrive pas à comprendre en quoi la défense dite à plat améliore le jeu, c’est là que je voulais en venir…

De plus en plus souvent et quelle que soit l’équipe, les deux gars de l’axe défensif arrivent à m’arracher des larmes de dépit : parce qu’hormis quelques belles évidences ( Ricardo Carvalho, Nemanja Vidic,… Thomas Vermaelen), ils me donnent l’impression d’aimer moins qu’hier l’âpreté des duels. Alors qu’en perte de balle, médians et attaquants de 2010 pratiquent un pressing haut, chassent et mordent avec appétit dans les mollets adverses, les deux défenseurs centraux chassent et mordent moins qu’eux, quel paradoxe ! J’ai fréquemment l’impression que l’axe central aujourd’hui est un duo de rois fainéants : comme s’ils étaient tous deux libero et aucun des deux en marquage, laissant se balader entre eux, comme une patate chaude, un attaquant ravi de n’être plus collé/culotte ! Est-ce un hasard si les stats du dernier Mondial révèlent que ces deux défenseurs bouffent moins de kilomètres que leurs huit potes du champ ? Et en est-ce un si, à chaque but inscrit, commentateurs et consultants hurlent de plus en plus à l’erreur de marquage, au lieu d’admirer en la disséquant l’astuce de démarquage de l’attaquant ?

Si encore cette nouvelle façon de faire amenait plus de buts : mais non, la moyenne reste scotchée depuis 50 ans aux alentours de 2,5 par match ! Ou si au moins le rôle en possession de balle des deux défenseurs axiaux s’en trouvait valorisé, transfiguré, plus technique, plus cérébral, plus spectaculaire ! Mais ce n’est pas mon sentiment, et je suis toujours étonné d’entendre vanter la qualité de relance de tel ou tel arrière central par rapport à tel autre ! Il me semble en effet qu’au top-niveau, les deux gars de l’axe se ressemblent tous et ont une tâche on ne peut plus basique dans l’élaboration du processus de reconstruction : se passer une ou deux fois la baballe entre eux ; la recevoir ou la rendre à leur demi défensif redescendu presque à leur hauteur ; ou donner sur l’aile un plat du pied propre à un des défenseurs latéraux qui, lui, va vraiment commencer à oser quelque chose… J’ai beau passer en revue les arrières centraux d’élite, je n’en vois guère de séduisants quant à la participation offensive : peut-être Gerard Piqué qui sait s’immiscer dans la circulation de balle courte et rapide du Barça, peut-être Lucio quand il s’enfonce à toute vapeur sans paumer la balle en chemin… Mais le dernier défenseur axial qui fut un réel animateur, je crois bien que c’était Franco Baresi. On le disait libero.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Au top-niveau, les deux gars de l’axe se ressemblent tous.

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