Les cartons du Real : erreur stratégique ?

Vu qu’il est toujours agréable de se scandaliser sur les manquements (des autres) à la morale sportive, les exclusions de Xabi Alonso et Sergio Ramos voici huit jours contre l’Ajax ont suralimenté les conversations. C’est faire grand cas d’une pratique compétitive généralisée ! S’ils le peuvent, à tout niveau, des gars sous la menace d’une suspension s’arrangent pour purger, lors d’un match d’importance moindre ou nulle.

En Provinciales, c’est chose courante de se prendre sa troisième jaune lors du match précédant celui où l’on sera absent pour cause d’examen ou de sports d’hiver. Bien sûr, c’est contourner l’esprit du règlement. Mais ceux qui l’édictent, et qui envisagent de sévir face au cas présent, le contournent tout autant quand eux-mêmes remettent les compteurs (de cartons jaunes) à zéro entre deux phases d’une même compétition : blanchissant ainsi pour la suite certains sanctionnés, alors que d’autres joueurs se sont tenus cois. Compétiteur ? D’abord le résultat ! Organisateur ? D’abord le business !

Plus curieuses sont les circonstances de l’épisode d’Amsterdam. Le tir à boulets rouges va sur José Mourinho. Via Jerzy Dudek puis Iker Casillas, il a vraisemblablement enjoint à ses deux gars de se faire virer. Mais ces deux gars sont des hommes libres, non ? Si Alonso trouve la consigne lamentable, qu’il refuse ! Si Mourinho ordonnait à Ramos de casser une jambe adverse, le ferait-il par obéissance et pour garder sa place ? Autre chose : pourquoi ce contraste entre les attitudes des deux joueurs et de leur coach ? Alonso (avec ses pas de danse) et Ramos (qui remercie l’arbitre) font fi de l’hypocrisie en poussant jusqu’à la caricature la prise de carton préméditée. Puis à l’inverse, au lieu d’être clairement solidaire de ses gars, Mourinho joue les faux culs d’élite, et peste sur ces cartons pris stupidement ! C’était nécessaire ?

Comme les autres, le Real dispose d’un noyau pléthorique, justifié par la longueur d’une saison où seront inévitables blessures et suspensions. Mais quand s’amène une suspension possible, on fait quand même tout pour l’éviter ! Pour l’instant par exemple, un Lassana Diarra use souvent le banc : est-il tellement inférieur à Alonso, au point de redouter de remplacer l’un par l’autre lors d’un match important ? Plus bizarre : avant ce match, Ramos, Alonso mais aussi Cristiano Ronaldo avaient écopé d’un carton jaune. Pendant le match d’Ajax, et avant la commedia dell’arte de la fin, tous les trois avaient ramassé un autre carton jaune. D’où THE question : pourquoi Mourinho n’a-t-il pas ordonné à Cristiano aussi, bien plus irremplaçable que les deux autres, de se faire virer ? Ou même à Cristiano d’abord, si c’était pousser le bouchon trop loin que terminer… à huit ! ?

Mystère, que j’ai tenté de comprendre en allant dénicher, sur le site de l’UEFA, l’article 22 du « Règlement de l’UEFA Champions League 2010/11″. Ça ne m’a pas aidé, j’en sors plus dubitatif encore, au point de me demander si Mourinho ne s’est pas gouré ! Je vous cite :  » à partir de la phase de groupes,le joueur est suspendu pour le match suivant de la compétition après trois avertissements lors de trois matches différents.  »

Eh bien, Alonso et Ramos n’ont pas reçu leurs trois cartons lors de trois matches différents : je ne suis donc pas sûr qu’ils aient, ainsi qu’on le clame partout, remis leur compteur à zéro ! L’article 22 dit aussi « un joueur exclu du terrain est suspendu pour son prochain match » : alors, exclus pour double jaune, les deux comédiens ne vont-ils pas plutôt louper le dernier match de groupe, mais garder du carton à leur passif à l’entame des 1/8es ? Quant à Ronaldo, à l’issue de ce match contre Auxerre qu’il ne devrait pas jouer, il aura toujours ses deux cartons ! José, dis-moi : je me fourre le doigt dans l’£il, ou t’as mal lu le règlement ?

Conclusion en revenant aux supporters de l’éthique pure et dure, qui proposent d’éviter ces cartons souhaités en les sanctionnant a posteriori plus durement encore. Mais l’accusation de comédie ne sera pas toujours aussi facile à établir que celle de nos deux zigs madrilènes à Amsterdam ! Pareille mesure risque seulement d’amener plus de vice, de duplicité, voire de danger, dans la recherche du carton souhaité ! Gaffe, le mieux est l’ennemi du bien.

PAR BERNARD JEUNEJEAN

Pourquoi Mourinho n’a-t-il pas ordonné à Cristiano de se faire aussi virer ?

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