LES BORAINS pensent D1

On attendait Saint-Trond, Westerlo ou Mouscron Péruwelz. C’est finalement Boussu-Dour qui emmène le classement de D2. Un club qui rêve de troquer la noirceur des terrils pour la lumière de l’élite.

Seizième de finale de la Coupe : ce mercredi soir, c’est Anderlecht-Boussu/Dour. Toute une région rêve d’imiter Rupel Boom la saison dernière et de revivre le parfum de 1986 quand les Francs Borains, alors en D3, avaient atteint les demi-finales. Mais l’essentiel est ailleurs. Avec quatre victoires en six journées, Boussu-Dour est en tête de la D2. Voici pourquoi cela fonctionne.

Un gros potentiel offensif

Au moment de quitter le club en août, le manager Alain Battard avait eu cette phrase :  » Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu un tel potentiel offensif au RBDB.  » Pas faux. Avec cinq buts en six rencontres, Jean Romaric Kevin Koffi (26 ans) est actuellement meilleur buteur du club. L’Ivoirien a trainé ses crampons en Italie (Modène, Naples, Syracuse, Rome entre autres) avant de débarquer au RBDB (Royal Boussu Dour Borinage) en août 2011. L’année dernière, il a marqué 12 fois. Il est physique, rapide, sait garder un ballon et jouer en combinaison. Il a aussi une excellente frappe. Contre Visé (1-0), il a secoué la lucarne depuis l’entrée du rectangle. Rebelote à Saint-Nicolas (0-2) où, décalé sur la droite, il croise une frappe qui se loge dans le coin gauche du but. Après le match, Alexandre Czerniatynski, l’entraîneur adverse, résume la situation en une phrase :  » Boussu-Dour détient le meilleur joueur de la série.  » Tibor Balog en était fou quand il entraînait Charleroi. Waasland-Beveren et Valenciennes ont récemment manifesté de l’intérêt, sans formuler d’offre concrète.  » Avant la fin du mercato, Koffi est venu me trouver « , explique le président André Arbonnier.  » Il m’a dit qu’il ne pensait pas à l’argent et qu’il désirait rester au moins jusqu’en janvier car il s’épanouit ici.  » Koffi n’est pas le seul danger. Un autre attaquant a déjà marqué deux fois : Kamel Ouejdide. Il avait disparu de la circulation la saison dernière suite à une grave blessure au genou. Mais il y a deux ans, il avait claqué 17 buts. Contre Saint-Nicolas, il a volé la vedette à Koffi en doublant la marque via une reprise de volée sous forme de lob depuis le coin droit du rectangle. Le RBDB dispose peut-être du meilleur duo d’attaquants de la série.  » On ne marquera pas des buts des 30 ou 40 mètres à chaque match « , tempère Arnauld Mercier, l’entraîneur.  » Mais ces réalisations récompensent un gros travail d’équipe. Ouejdide a le flair du buteur. Koffi a débloqué pas mal de situations tout en ayant encore tendance à rater des occasions faciles.  »

Un coach coéquipier de Pirlo

Derrière cette entame réussie, il y a donc Arnauld Mercier (40 ans). Un coach qui mise sur la rigueur, l’organisation et qui discute beaucoup avec ses joueurs. Mercier est défenseur de formation.  » Les coaches m’ont toujours sollicité car j’étais un leader sur le terrain « , dit-il. En 1998, à 26 ans, alors que Valenciennes gagne le droit de monter en National (D3 française), il est repéré par Fidelis Andria, club de Série B italienne où il crève l’écran dès sa première saison.  » J’ai été élu meilleur joueur de champ étranger et meilleur élément derrière GilbertBodart. J’ai alors rejoint la Reggina en Série A. J’y ai côtoyé Andrea Pirlo ou encore le gardien Massimo Taibi.  » Mais il joue peu et repart dans d’autres clubs de Série B. Sa carrière dans la Botte dure quatre ans.  » J’ai découvert un football très fermé, un milieu où le footballeur est mis sur un piédestal et n’a plus qu’à penser football. Je me suis imprégné de cette culture tactique, de ces stades incroyables, de cette pression médiatique.  » Mercier revient à Valenciennes où il achève sa carrière à 32 ans.  » Le corps ne suivait plus. J’ai eu la chance que Daniel Leclercq me laisse reprendre des études et j’ai commencé à entraîner les moins de 18 ans.  » Il fait son écolage à Saint-Amand et atterrit à Boussu-Dour en remplacement de Michel Wintacq, en avril 2011. Le coach nordiste marque les esprits avec une première victoire 3-1 dans le derby face à Mons. Il assure le maintien du club dans la foulée. La saison dernière, le club a terminé onzième.  » Il a apprivoisé la D2 et l’équipe commence à porter sa griffe « , pointe un proche du club.  » Il ne se laisse plus marcher sur les pieds « , estime Arbonnier.  » Avant, il n’avait pas la poigne assez dure. Parfois, il vient me trouver avec Luigi Nasca, son T2, et on discute de ses options. Dans deux ou trois ans, on entendra parler de lui.  »

En coulisses, ça pète de partout

La situation n’est, pourtant, pas rose. Le club est un volcan sur des plaques tectoniques instables.  » A l’ombre des terrils  » pourrait être le titre d’un thriller résumant les récents événements vécus en coulisses. Début août, premier coup de tonnerre : la direction et Alain Battard, l’omniprésent manager, se séparent à l’amiable après neuf ans de collaboration. Des raisons familiales et la difficulté de gérer certains dossiers financiers sont invoqués. Pourtant, moins d’un mois plus tard, Battard se recase à l’Union du Centre du bouillant Murat Tacal. Pour le remplacer, le RBDB donne sa chance à Marcello Cesaro. Expert architecte chez Bpost, il aide le club pour régler administrativement les transferts internationaux. Il a aussi été organisateur de camps de recrutement de jeunes pour le Milan AC (Milan Junior camp). Le discours est ambitieux :  » Chez Bpost, je dirige 47 personnes et un budget quatre ou cinq fois supérieur à celui du RBDB. Quand je m’engage dans un projet, c’est parce que je suis certain de réussir. Le RBDB sera en D1 dans cinq ans.  » 27 jours plus tard, le jour où le club apprend qu’il défiera Anderlecht en Coupe, Cesaro fait ses valises parce qu’il estime qu’on lui met des bâtons dans les roues. Il mentionne des factures impayées pour 110.000 euros, l’impossibilité de planifier un budget, des subsides destinés aux jeunes qui disparaissent, une situation de non-droit, etc. Le club réplique en évoquant des paiements étalés, des sommes qui vont seulement rentrer et menace de porter plainte pour diffamation ! Finalement, l’affaire en reste là. Geoffrey Brion, directeur commercial et ex-entraîneur des gardiens, prend la tête de la cellule management… mais sans être nommé manager ! Il réaffirme les ambitions de D1. Répercussions sur le noyau des joueurs ? Aucune !

Des Borains (enfin) copains avec les arbitres

Faut-il y voir un lien de cause à effet ? Sur le terrain, l’équipe est plus zen. Ces dernières saisons, Boussu-Dour était perçu comme le vilain petit canard de la D2 avec pas mal de soucis arbitraux et d’exclusions. Plusieurs arbitres ont été stigmatisés. Des plaintes ont été envoyées à l’Union belge et Alain Battard est plusieurs fois monté au créneau dans la presse. Morceaux choisis :  » On nous a fait comprendre que le milieu de l’arbitrage, pour ne pas parler de mafia, se serrait les coudes. Des représailles sont possibles. (…) J’ai l’impression qu’il y a un sentiment flamand attisé par la haine politique contre les Wallons.  » Ou encore : « L’Union belge et la presse se comportent comme l’Eglise avec les pédophiles. On préfère étouffer ces affaires plutôt que faire du bruit qui ébranlerait le système établi.  » En début de saison, on pensait que le couplet était reparti. Lors d’un amical contre la CFA de Valenciennes, le gardien William Dutoit est exclu à la suite d’une altercation, alors que le match est plié. Rebelote lors de la première journée de championnat contre Heist ! Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts.  » Après notre victoire à Saint-Nicolas, nous avons été félicités par les arbitres pour notre comportement « , pointe Arbonnier.  » Les dirigeants des autres clubs nous disent que nous avons une belle équipe.  » Autre raison du succès : la mentalité. Le noyau a été nettoyé. Exit les Anthony Delplace, Thomas Duez ou Mathieu Assou-Ekotto qui n’avaient plus la tête au foot et au club.  » Avec Battard, nous avons constitué un groupe sain et équilibré, en recrutant des profils qui nous correspondaient « , enchaîne Mercier.  » Pas mal de garçons ont débarqué à la fin de la précédente saison. Cela nous a permis de bien les juger.  »

Partenariat avec Valenciennes

Le succès d’une équipe passe par des individualités. Koffi en est une. Mais ce n’est pas la seule. Au but, on trouve Dutoit, formé à Lens. La saison dernière, il a remplacé StéphaneCoqu (ex-Charleroi, aujourd’hui au Brussels), un pilier du club, et il a obtenu la meilleure moyenne de points dans la presse locale. La défense est gérée par deux ex- tauliers de la D1 : Daré Nibombé et Chemcedine El Araïchi. Le Togolais est encore régulièrement repris avec sa sélection nationale. Autre international : le Congolais Rodrigue Dikaba, à l’arrière droit. Enfin, le club attend beaucoup de l’ailier nigérian Kingsley Umunegbu, prêté par Bologne et qui est passé par le Milan AC. Le noyau est-il suffisamment armé pour aller au bout ?  » Tous nos postes sont doublés « , énonce Arbonnier.  » 75 % des joueurs ont le potentiel pour évoluer en D1. Mais bon, il ne faut pas se leurrer : les autres équipes vont commencer à faire gaffe.  » Le RBDB n’est pas (encore) devenu le port d’attache d’un groupe étranger, comme Eupen avec Aspire, Mouscron/Péruwelz avec Lille ou Visé avec les Indonésiens de Bakrie. Mais un partenariat avec Valenciennes a été noué. Et les étrangers, surtout les Français, sont nombreux dans le noyau. Le staff doit bien réfléchir quand il remplit la feuille de match pour respecter la réglementation belge. Reste une inconnue : comment l’équipe réagira lors d’une passe plus difficile ?  » Les autres formations ne sont peut-être pas encore au top « , réfléchit Mercier.  » Nous avons eu un peu de chance, à l’image du gardien qui voit un ballon lui revenir dans les mains après qu’il ait frappé la barre, etc. La réussite est de notre côté mais les gars ne lâchent rien. Ce qui est certain, c’est qu’il est trop tôt pour tirer un bilan.  » Dimanche dernier, alors que Tubize menait 0-1, El Araïchi a raté le penalty de l’égalisation à la dernière minute…

PAR SIMON BARZYCZAK – PHOTOS: IMAGEGLOBE / LAMBERT

 » Avec Koffi, le RBDB a le meilleur joueur de la D2  » (Alex Czerniatynski)

 » Quand je m’engage dans un projet, c’est parce que je suis certain de réussir. Le RBDB sera en D1 dans cinq ans.  » (Marcello Cesaro, l’ex-manager resté 27 jours)

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