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Les Belgian Cats ne sont plus des figurantes

Matthias Stockmans
Matthias Stockmans Matthias Stockmans is redacteur van Sport/Voetbalmagazine.

Nos basketteuses ont surpris tout un chacun en conquérant la quatrième place du Mondial. Elles se sont un peu surprises elles-mêmes aussi. Prochaine étape : les Jeux Olympiques de Tokyo, en 2020.

La quatrième place est la plus ingrate. On loupe de justesse une médaille et ça signifie qu’on a perdu les deux derniers matches. Voilà, citée d’emblée, la seule petite ombre de ces dix derniers jours. Car quel parcours nos Belgian Cats n’ont-elles pas signé lors de la première participation d’une équipe belge à un Mondial !

Elles ont terminé en tête de leur poule en prenant la mesure, entre autres, de l’Espagne, championne d’Europe et vice-championne olympique. Puis elles ont vaincu la France, numéro trois mondial, en quarts de finale, avant de s’incliner sans honte face aux invincibles Américaines, qui ont reconduit leur titre mondial.

Dans la petite finale, pour la médaille de bronze, l’Espagne, avide de revanche, a réussi devant son public à surpasser une Belgique fatiguée. Mais, mêmes dans ces conditions, les Cats ont affiché leur force mentale en plaçant un 11-0 dans l’ultime quart d’heure.

La déception a rapidement fait place à une fierté légitime.  » C’est inoubliable « , a conclu Kim Mestdagh, un des piliers de l’équipe.

Une seconde d’anthologie

D’où sort cette prestation mondiale ? Le prélude a été écrit l’année passée, avec une médaille de bronze inespérée à l’EURO tchèque. Nous savions que la Belgique avait une superbe levée, emmenée par Emma Meesseman, mais encore fallait-il voir ce que l’équipe valait vraiment au plus haut niveau.

L’EURO 2017 nous a ouvert les yeux. Depuis, presque toutes les internationales n’ont cessé de le clamer :  » Cette médaille de bronze nous ouvre l’appétit. Nous en voulons plus.  » Au début de leur premier championnat du monde, on aurait dit qu’elles n’avaient rien mangé entre-temps car elles l’ont entamé avec fureur. Elles ont étrillé un faible Puerto Rico 86-36, faisant le plein de confiance.

La Belgique a ensuite été vaincue aux prolongations par un Japon très vif (75-77) mais elle pouvait toujours briguer la première place du groupe face à l’Espagne, la favorite. C’est là que l’équipe a accompli un pas considérable dans sa progression. Après un time-out, à 1,1 seconde de la fin, Emma Meesseman a réussi un superbe play qui a assuré à l’équipe la première place, avec plus de huit points d’avance.

Un moment de gloire où toutes les pièces se sont enclenchées. Il y a d’abord la force mentale des Cats, après la déception encourue face au Japon. Puis l’évolution tactique. Le sélectionneur Philip Mestdagh :  » Contre le Japon, nous n’étions pas prêts à entamer la phase finale intelligemment mais nous y sommes parvenus contre l’Espagne. Ensuite, notre rotation défensive, à laquelle nous avons tant travaillé à l’entraînement, a parfaitement fonctionné.  »

Philip Mestdagh, l’architecte

L’expérience acquise à l’EURO, puis la préparation minutieuse à ce Mondial, avec un stage en Chine, et les premiers matches du championnat ont peaufiné ce que tant d’entraîneurs veulent : des automatismes. Sans oublier les protagonistes de cette seconde décisive contre l’Espagne : Emma Meesseman à la finition, Julie Allemand comme passeuse, Kim Mestdagh pour les manoeuvres de diversion et Philip Mestdagh comme penseur le long de la ligne. Ce sont aussi les noms les plus marquants du tournoi.

Philip est un homme modeste mais il ne faut pas sous-estimer la part qu’il a dans le succès du basket-ball belge. C’est lui qui a façonné la talentueuse génération de Meesseman, Hanne Mestdagh, Julie Vanloo et Kyara Linskens, que ce soit à Ypres ou dans les catégories d’âge nationales. Ajoutez-y sa fille Kim et Ann Wauters, qu’il a convaincue de se remettre à la disposition de l’équipe nationale. Le projet a démarré en 2015 quand il a relayé Daniel Goethals à la tête de l’équipe nationale.  » L’essentiel était de réintégrer Emma et Ann « , a-t-il déclaré pour expliquer son premier acte.

L’altruisme a été la principale arme des Belgian Cats : un exemple pour beaucoup de sports collectifs.

À 38 ans, Ann Wauters n’est plus le centre aussi dominant qu’elle a si longtemps été dans le basket-ball européen et même mondial mais elle reste un pion important, par sa sérénité et son intelligence. Ses courtes entrées au jeu ont offert des pauses à Meesseman. Elle a progressivement transmis son rôle de figure de proue à celle-ci.

Meesseman, élue MVP de l’Euroleague la saison dernière, a délaissé la WNBA cet été pour se concentrer sur le Mondial. À Ténériffe, elle a tout simplement prouvé qu’elle était la meilleure centre d’Europe. Elle domine sur le terrain et dans les statistiques : elle est deuxième au classement des marqueurs du tournoi et est la meilleure rebondeuse.

Julie Allemand, la révélation

Julie Allemand, âgée de 22 ans, est la révélation du tournoi, comme Kyara Linskens. La distributeur, formé par ASVEL Lyon, étale une maturité étonnante pour son âge et conserve bien le ballon. Elle forme un beau contre-poids à la géniale et fofolle Marjorie Carpréaux, la plaque tournante.

Allemand a attaqué l’Espagne, la France et les USA sans complexe. Elle est la reine des assists de ce Mondial, avec une moyenne de plus de huit passes décisives par match. Impressionnant.

Et il y a encore Kim Mestdagh, actuellement sans club parce qu’elle voulait prendre son temps après des passages décevants en Turquie et en Espagne. Elle a eu raison car ce que l’aînée de Mestdagh a montré révèle sa classe mondiale. Par moments, elle était impossible à arrêter, par ses drives vers l’anneau et un festival de trois-points.

C’est d’ailleurs le terme que la presse internationale a collé à nos Belgian Cats. Le registre offensif de notre équipe féminine est particulièrement large, avec les tours Emma, Ann et Kyara. Sans oublier l’expérience de Jana Raman.

Le principal atout des Belgian Cats à ce Mondial ? L’enthousiasme et l’altruisme dégagés par le groupe. Les joueuses ont savouré chaque point marqué par une coéquipière, les poings serrés. Jamais elles n’ont râlé d’être remplacées. Un exemple pour beaucoup de sports d’équipes.  » L’entraîneur a un rôle important en la matière « , a déclaré Philip Mestdagh.  » En composant une sélection au sein de laquelle chacune accepte son rôle.  » Les Cats ont séduit le grand public par cet esprit d’équipe et leur spontanéité. L’EURO avait déjà boosté la popularité du basket féminin belge, le Mondial l’a encore accrue.

Tokyo 2020

Il faut maintenant renforcer cette haute conjoncture. Le statut des Belgian Cats a définitivement changé. Elles ne seront plus jamais considérées comme des petits poucets. Les joueuses vont croire davantage en elles-mêmes… C’est un atout et un danger. Le dernier match, contre l’Espagne, a révélé que l’équipe oubliait trop vite ses tâches quand elle était confrontée à une tactique agressive.

 » Ces expériences vont nous permettre de progresser encore sur le plan collectif « , affirme Ann Wauters, guide chevronnée. Elle ne veut pas encore raccrocher, consciente que cette génération en or peut faire encore mieux, grâce à des joueuses qui n’ont pas encore atteint le sommet de leur art. À suivre l’année prochaine à l’EURO puis dans la campagne de qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Des Jeux qui constituent le rêve ultime de ces Belgian Cats.  » Nous en voulons plus « . C’est certainement le mantra qui va sortir de toutes les bouches dans les mois à venir.

Par Matthias Stockmans et Daniel Devos

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