Son sourire en dit long. Parfait Mandanda a retrouvé les joies des cages carolos. Parce qu’il a bossé, mûri surtout, et balayé le doute d’une main opposée. Entretien.

Un soleil d’hiver tape sur le paisible Stade du Pays de Charleroi. Après la collation, Parfait Mandanda se présente en salle de presse. Short, chaussettes, runnings et grand sourire de rigueur.  » Quand on est titulaire, ça ne peut qu’aller bien « , souffle le nouveau numéro un des Zèbres, mais aussi des Léopards. S’il a toujours conservé son côté bestial, il faut dire que le deuxième de la fratrie Mandanda n’avait plus rugi depuis un bail. Entre envies de départ, histoires de contrat et arrivée peu justifiée de Nicolas Penneteau, Parfait sort enfin de l’ombre. En cinq ans au Mambourg, il n’en a connu que deux en tant qu’indiscutable. Pas assez.

Tu viens de récupérer ta place de titulaire. Ça doit faire du bien…

PARFAIT MANDANDA :Ça fait déjà plaisir de rejouer, de reprendre du plaisir en jouant au football. C’était une situation assez délicate parce que, quand t’as connu beaucoup de bonnes choses dans un club où t’as progressé et que, du jour au lendemain, t’es un peu mis de côté, c’est difficile.

On a beaucoup parlé d’un départ cet été et alors que tu étais promis au banc, tu es toujours là. Pourquoi tu es resté ?

MANDANDA : Il faut voir avec les personnes qui s’occupent de ça. Moi, je suis juste là, sur le terrain. C’est vrai que j’avais dit vouloir partir mais je ne me suis pas vraiment pris la tête. Je ne voulais pas absolument quitter le club. Ça ne s’est pas fait, il y a des raisons, on n’a pas trouvé quelque chose me convenant.

TRAVAIL, TRAVAIL, TRAVAIL

Tu dis avoir été  » mis de côté « . Comment tu as vécu cette longue période sans jouer (de décembre à août puis seulement en coupe, ndlr) ?

MANDANDA : Dans les situations comme ça, je ne me pose pas de question. Tu viens à l’entraînement, tu prends du plaisir, t’essayes de mettre de la bonne humeur. Les week-ends sont difficiles parce que tu ne joues pas mais tu restes professionnel. On fait un beau métier, ce n’est quand même pas la fin du monde. J’ai essayé de bien travailler, de soutenir Nico (Penneteau), ça fait partie du football. C’est ce qui fait que je rejoue aujourd’hui.

Son arrivée à dû être dure à avaler.

MANDANDA : Je savais que le club cherchait un gardien. Après, je ne savais pas s’ils cherchaient un numéro un ou deux. Je pensais que ça serait un numéro deux. Nico est un très, très bon gardien. Dès son arrivée, j’ai su que la concurrence allait être compliquée. Si c’est lui qui joue, il n’y a rien à dire. Maintenant, la roue a un peu tourné. Quand tout va bien, tout le monde est heureux. Quand c’est l’inverse, c’est à toi de rester fort mentalement. Et de travailler, surtout. On m’a toujours dit :  » Le travail paie.  » La preuve.

Vous affirmez avoir une relation d’égal à égal. Penneteau semble quand même mieux prendre sa situation actuelle que toi auparavant.

MANDANDA : C’est sûr que l’année passée, je l’ai mal pris. Mais ce n’était pas par rapport à Nico, c’était par rapport à moi-même, aux circonstances, après tout ce que j’avais fait au club. Le reste, c’est normal. J’allais pas crier tout haut, tout fort :  » Qu’est-ce qui se passe ?  » Au contraire, je me suis tu et j’ai continué à travailler. La relation entre Nico et moi est très bonne. Il me soutient avant les matches et quand je ne jouais pas, il me soutenait quand même. Il me donne beaucoup de conseils, je le remercie pour tout ce qu’il fait, même si sa nouvelle situation n’est pas facile. Je sais très bien qu’au fond de lui, c’est dur.

Ça a été quoi le discours des dirigeants et du coach quand tu es redevenu numéro deux ?

MANDANDA : Le coach m’a dit qu’il voulait faire réagir le groupe en enlevant les cadres et montrer que personne n’est intouchable. J’ai écouté son discours, même si c’était une grosse déception.

Mazzù dit justement qu’il a  » deux numéros un « . Pour le dernier match de coupe, il aligné Penneteau en affirmant que ce n’était pas  » un choix par défaut « . Comment tu le reçois ?

MANDANDA : C’est le coach qui parle. Personnellement, je m’en fous un peu, j’y pense pas. Le coach fait ses choix et il a deux très bons gardiens. Mais il n’y en a qu’un qui joue le week-end, il n’y a pas d’alternance chaque semaine. Donc, dans les faits, il n’y a qu’un seul numéro un.

FINI LE SHOW

T’es passé par des grosses périodes de doute ?

MANDANDA : Dans le doute, non. Il faut être sûr de ses qualités. Ce qui m’a fait du bien, c’était de m’évader, de partir en équipe nationale. Ça m’a permis de souffler, de revenir de meilleure humeur, d’avoir une nouvelle bouffée d’oxygène. Avec le Congo, j’ai retrouvé une place de titulaire (le fantasque Robert Kidiaba a récemment pris sa retraite internationale, ndlr) et ça m’a fait énormément de bien. Mentalement et physiquement, j’ai toujours été prêt.

Justement, quand tu reviens de la CAN 2013, Sifakis reste dans les cages et Ferrera justifie son choix en arguant un manque de communication de ta part. Tu penses avoir progressé ?

MANDANDA : J’ai engrangé assez de maturité. Je ne suis plus le même gardien qu’auparavant, celui qui avait 23 ans. Aujourd’hui, j’en ai 26 et j’ai progressé. Je ne serais pas là sinon. On a toujours des points faibles, on doit toujours progresser. Mes points forts – sur ma ligne et dans les airs -, tout le monde les connaît. Mais il faut aussi les travailler. Sinon, un point fort devient faible.

Qu’est-ce que tu travailles le plus à l’entraînement ?

MANDANDA : La concentration. Un gardien doit être concentré 95 minutes. Dans le match, tu vas toucher le ballon cinq, six fois, maximum dix, mais tu dois bien le faire à chaque fois. Si tu fais les choses à moitié, que tu relâches le ballon, l’attaquant va suivre et t’es mort. C’était un de mes gros défauts quand j’étais jeune, je partais un peu partout. Toujours regarder le ballon, c’est très, très important.

On te surnomme  » le chat « , pour ta détente. Mais tu sembles avoir un peu délaissé ce côté spectaculaire.

MANDANDA : C’est la jeunesse, j’étais un peu plus  » fou-fou « . Il y avait un ballon, je sortais n’importe où, j’allais loin… Mon jeu a changé, j’ai mûri. Je commence à avoir une certaine expérience qui fait que je prends beaucoup moins de risques. Maintenant, les arrêts  » photos « , je ne les fais plus qu’à l’entraînement. En match, ça peut jouer des tours. Je préfère rester sobre, faire l’arrêt qu’il faut, plutôt que de penser au spectacle. Mais pour les gardiens, ce sont aussi des gestes techniques. Souvent, je souris quand je vois que le gardien adverse ne la bloque pas et que je sais qu’il pouvait l’avoir. Il me fait rire et à la fin, je vais lui dire. Entre gardiens, ça se sait, on se connaît, ça se voit.

Pourtant, tu n’es pas très grand (il mesure 1m82, ndlr). Tu penses quoi de cette idée du gardien moderne qui mesure plus d’un mètre nonante ?

MANDANDA : Il n’y a pas forcément besoin d’être si grand. Quand on regarde les trois années précédentes, le meilleur gardien du championnat, c’était Matthew Ryan et il fait la même taille que moi. Aujourd’hui, il est à Valence, un grand club espagnol. Tant que tu as les qualités, le saut, la technique, la maîtrise du ballon, tu peux aller très loin. Quand on voit aussi un gardien comme William Dutoit, qui fait un bon début de saison, il est plus petit que moi (1m80, ndlr). On n’a rien à envier aux grands gardiens.

Tu compenses donc ce  » déficit  » de centimètres par une grosse détente. Comment tu la travailles ?

MANDANDA : Je l’ai toujours eue, depuis tout petit. Quand je marchais dans la rue, je m’amusais à toucher les branches d’arbres avec ma tête. Tant que je n’y arrivais pas, je restais (rires).

LAMA ET VAN DER SAR COMME MODÈLES

T’as fait de la boxe quand t’étais jeune. Ça t’a aidé dans tes sorties à deux poings ?

MANDANDA : J’en ai pas fait si longtemps que ça et je me suis fait battre par une fille, donc j’ai décidé d’arrêter… (Il sourit) Je devais avoir 9-10 ans, je m’en souviens comme si c’était hier. Elle s’appelait Émilie. C’était un combat d’entraînement avec casque. Au départ, elle devait faire semblant parce que j’étais au-dessus. Et tout d’un coup, je me suis senti faible et elle m’a mis KO, comme dans les jeux ! (Rires) Les bras écartés, les jambes écartés, j’étais vraiment KO (il le mime).

Et tu as commencé défenseur central…

MANDANDA : (Il rit) C’est un autre poste. Pour tous les autres, une erreur est presque rattrapable. Gardien, c’est vraiment un métier à part.J’ai commencé tôt à ce poste, parce que notre gardien n’était pas là et j’avais été dans les buts. J’ai fait un grand match et j’ai décidé de rester. Mon modèle, c’était Bernard Lama. Il faisait beaucoup de  » photos « , des arrêts spectaculaires. Mais en grandissant, celui qui m’a le plus étonné, c’est Edwin Van der Sar. Il avait 40 ans, il faisait de ces arrêts… C’était grave. Il pourrait même encore jouer à l’heure actuelle !

Il y a un arrêt que tu préfères réaliser ?

MANDANDA : Attendre le dernier moment. Tout le monde pense que le ballon va rentrer… Et finalement, je mets la main. J’aime bien cet effet de surprise.

Tu te mets quels objectifs pour la suite ?

MANDANDA : Attendre les objectifs avec Charleroi. On a pris trop de buts évitables et on a perdu des points. Contre Lokeren notamment. C’est contre OHL, Westerlo, Mouscron, qu’il va falloir aller chercher des victoires. Et, sur un plan personnel, disputer une Coupe d’Afrique et une Coupe du Monde avec le Congo. J’ai une chance énorme de jouer à un niveau international. Je vais essayer de la saisir.

PAR NICOLAS TAIANA – PHOTOS BELGAIMAGE – DAVID STOCKMAN

 » Quand on est titulaire, ça ne peut qu’aller bien  » PARFAIT MANDANDA

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