L’univers du football sud-africain a connu un boom ces dernières années mais l’essentiel des forces motrices qui ont permis cette évolution proviennent de l’étranger. A l’ère très complexe du post-apartheid, la grande popularité du ballon rond – essentiellement auprès des populations noires – signifie que le football est devenu très attrayant pour le business, qui peut délivrer des messages commerciaux à des millions de Sud-Africains. Cela garantit une manne de sponsoring conséquente et permet à la fédération ( FA) et à la plupart des clubs de présenter un bilan financier positif. Cette évolution a toutefois un effet pervers : le monde du football sud-africain ne montre pas vraiment de dynamisme à améliorer ses structures.

La désignation de la première Coupe du Monde sur le sol africain en 2010 fait donc naître des lueurs d’espoirs quant à la progression du foot local mais engendre aussi la crainte que le soufflé ne retombe immédiatement après. Les attentes sont donc élevées et l’excitation monte. Cependant, les matches de Premier League se disputent souvent devant moins de 1.000 spectateurs. Seules quelques équipes, dans des matches à enjeu, réussissent à mobiliser la grande foule.

La structure des clubs est comparable au système de franchise pratiqué en Amérique du Nord, ce qui signifie que des teams sont régulièrement vendus et rachetés et que leur nom ou leur emplacement géographique est modifié. Conséquence : les clubs ont du mal à drainer des supporters fidèles ou à rassembler des communautés derrière leur équipe. Ces deux dernières saisons, deux formations ont pu rejoindre le plus haut niveau en rachetant deux autres matricules dont les propriétaires ne pouvaient plus assumer les charges financières. L’intérêt médiatique important pour le football et les chiffres d’audience tv élevés prouvent qu’il y a un marché pour ce sport. Mais aller au stade voir un match, non…

Et ce phénomène ne devrait pas connaître d’évolution favorable dans les mois qui viennent puisque la construction de cinq stades destinés à accueillir la Coupe du Monde commence en janvier. Cinq autres enceintes vont être rénovées. Il aura fallu attendre 30 mois après la désignation de l’Afrique du Sud comme hôte de la CM 2010 pour que les autorités entament les travaux. Cela met une fameuse pression sur les organisateurs puisque quelques stades doivent même être finalisés pour la Coupe des Confédérations en 2009. Les deux dernières années ont surtout été synonymes de jeux politiques au sein du comité organisateur. On a joué des coudes pour obtenir une position et puis on a sans cesse remis les décisions à plus tard. Au point que Sepp Blatter, le président de la FIFA, a dû venir en personne à Johannesburg pour remettre de l’ordre. Soudainement, il semble y avoir un regain d’activité suite aux menaces du patron de la féréation internationale et aux prévisions assez pessimistes, émises notamment par Franz Beckenbauer, le président du comité d’organisation de la récente Coupe du Monde en Allemagne. Horst Schmidt, un des collègues de Beckenbauer, sera dorénavant le représentant de la FIFA en AfSud. Danny Jordaan, à la tête du comité d’organisation sud-africain, insiste sur le fait que toutes les accommodations seront terminées à temps. Mais cela a tout l’air d’un compte à rebours.

Une équipe nationale en petite forme

Il y a aussi beaucoup d’inquiétude quant à l’équipe nationale. Les prestations des Bafana Bafana ont touché le fond ces dernières années, avec des résultats qui en attestent. L’équipe n’était pas présente en Allemagne en 2006 et a terminé dernière de son groupe lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations, perdant tous ses matches et n’inscrivant pas le moindre but. L’ancien entraîneur du Brésil Carlos Alberto Parreira a été engagé pour résoudre la situation mais son salaire mensuel est plus élevé que ce que gagne en un an le président sud-africain Thabo Mbeki !

Parreira vient de commencer sa mission après avoir visionné les deux matches de qualification pour la CAN 2008 (0-0 à domicile contre le Congo et victoire 1-0 en Zambie).  » C’est un défi énorme pour tout le monde, y compris le coach « , a-t-il déclaré.  » Si nous n’avons pas le soutien des clubs, de la fédération, des médias et du peuple, nous n’irons pas loin. Nous devons soutenir le développement de jeunes talents, qui n’est pas impressionnant en ce moment « .

Mais la première tâche de Parreira sera de ramener les vedettes sud-africaines comme Benni McCarthy et Quinton Fortune dans le giron de l’équipe nationale et de les motiver à défendre leurs couleurs. Même s’il y parvient, rien ne garantit que ces joueurs seront toujours en forme en 2010. Il y a peu de qualités apparentes au sein de la génération qui monte. C’est le résultat d’un niveau de coaching médiocre et de vues ancestrales sur les qualités de jeu qu’il faut absolument développer. Les Sud Africains croient qu’ils proposent un style brésilien. Mais même s’ils possèdent une fine technique et du rythme, les fondamentaux font défaut. En général, les joueurs sud-africains sont incapables de conserver le ballon et leurs tirs sont souvent imprécis. Le problème d’entraînement mis à part, il semble y avoir un coup d’arrêt dans la ligne de production de jeunes talents. Inutile de dire que cela arrive au mauvais moment.

Aller loin

Comme les Allemands l’ont prouvé chez eux, pour créer la perception d’une Coupe du Monde réussie il faut aussi que l’équipe hôte aille assez loin dans le tournoi.  » Nous devons tout faire pour nous illustrer lors de notre Coupe du Monde « , dit Parreira.  » Mais pour gagner, il faut procéder pas à pas et construire lentement une équipe douée, compétitive et hautement technique. J’ai moins de quatre ans pour y parvenir. Le premier objectif est de passer le premier tour. Si cela réussit, nous viserons plus haut et continuerons aussi longtemps que nous le pourrons « .

Dans trois ans, l’Afrique du Sud célèbrera 50 ans de football professionnel. D’abord comme sport réservé seulement aux Blancs, avant de devenir multiracial en 1974, bien avant le bannissement de l’apartheid dans d’autres domaines de la société. L’an dernier, l’hégémonie des Kaizer Chiefs et des Orlando Pirates a été rompue par les Mamelodi Sundowns, un club dirigé par le magnat du secteur minier, Patrice Motsepe, qui connaît une ascension à la Roman Abramovitch. Ses poches ont beau ne pas être aussi remplies que celles de l’oligarque russe, sa passion est la même et il a dépensé sans compter pour s’assurer que les Sundowns aient la meilleure équipe de Premier League. Son approche a récemment été remise en question après qu’il ait viré les co-entraîneurs Miguel Gamondi et Neil Tovey après cinq matches de la nouvelle saison (deux victoires, deux nuls et une défaite) et après qu’ils aient remporté le titre. L’impatience de Motsepe est monstrueuse et il a engagé Gordon Igesund, qui a déjà remporté trois titres en PremierLeague avec des clubs différents dans la dernière décennie.

MARK GLEESON, ESM

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