L’attaquant argentin de l’AS Eupen, toujours sous contrat avec Anderlecht, dresse le bilan de sa première saison en Belgique.
Arrivés l’été passé à Anderlecht, Pablo Chavarria et Pier Barrios devaient former avec Matías Suarez un trio d’anciens joueurs du CA Belgrano à l’ombre de Saint-Guidon. Mais blessé et peu utilisé, Barrios est déjà rentré en Argentine, tandis que Chavarria – lui aussi peu utilisé – a été prêté à l’AS Eupen lors du mercato hivernal.
Pablo, comment avez-vous vécu cette première saison en Belgique, qui était aussi votre première en Europe ?
PabloChavarria : Au départ, quitter Córdoba pour Bruxelles s’assimilait à un changement d’environnement assez drastique. Je pensais que la présence de Pier (Barrios), Mati (Suarez) et Lucas Biglia, que je connaissais également, faciliterait mon adaptation. Et, effectivement, je n’ai pas rencontré trop de problèmes dans ce domaine. Au niveau de la langue, je n’ai pas été trop dépaysé non plus : aujourd’hui, je comprends à peu près tout ce que l’on me dit en français, même si je n’ose pas encore le parler. Et l’italien, assez en vogue à Eupen, a des accents assez familiers à mes oreilles. Le problème, c’est que je n’ai pas réellement reçu l’occasion de démontrer mon talent au Parc Astrid. Je n’ai été titularisé qu’à trois reprises : au tour préliminaire de la Ligue des Champions contre The New Saints, lors du match de Coupe de Belgique à l’US Centre et lors d’un match de championnat ( NDLR : à Lokeren où Ariel Jacobs avait fait tourner son effectif). Mes autres apparitions se sont limités à 15 ou 20 minutes en fin de match. C’est difficile, dans ces conditions-là, de démontrer ses capacités. Malgré tout, j’ai réussi à inscrire deux buts (un en Coupe et un en championnat). Pour un temps de jeu aussi faible, je trouve que c’est un bilan assez satisfaisant.
» L’écart entre la D2 argentine et la D1 belge n’est pas énorme «
On peut comprendre qu’un temps d’adaptation soit nécessaire pour passer de la D2 argentine à la D1 belge, avec une différence de niveau que l’on devine assez grande…
Non, justement. La différence de niveau n’est pas aussi grande que cela. La différence de rythme non plus. Il y a une différence de style : en Belgique, on mise plus sur le collectif, alors qu’en Argentine, on se délecte d’actions individuelles. Il y a aussi une différence d’approche : en Argentine, lorsqu’on joue en 4-4-2, les deux attaquants se déplacent sur tout le front de l’attaque, alors qu’en Belgique, il y a généralement un avant-centre qui joue en pointe et un autre joueur qui tourne autour. Mais ce n’est pas aussi compliqué, il ne faut pas des années pour s’adapter.
Avez-vous songé à rentrer en Argentine en janvier, comme Barrios ?
J’en ai eu la possibilité. En décembre, deux clubs de D1 argentine m’ont contacté : Godoy Cruz, un club de Mendoza qui a récemment rejoint la D1, et Newell’s Old Boys, le club de Rosario qui a vu grandir Lionel Messi. Mais j’aurais considéré un retour au pays aussi précoce, après six mois en Europe, comme un échec personnel. Lorsque la possibilité d’être prêté à Eupen s’est présentée, je n’ai pas hésité. Je savais, bien sûr, que je passais d’un club appelé à lutter pour le titre à un autre dont l’ambition se limitait au maintien, mais je restais en Belgique et je devais, en principe, obtenir davantage de temps de jeu, ce qui fut le cas. J’aurais pu prendre ce prêt comme un désaveu. Je l’ai, au contraire, pris comme un défi : celui de démontrer que j’avais les capacités pour évoluer dans le championnat de Belgique.
Loin de vos amis argentins de Bruxelles, vous ne vous êtes pas senti perdu ?
Au début, j’ai ressenti un certain vide lorsqu’ils n’étaient plus à mes côtés, effectivement. Mais j’ai été très bien accueilli dans ce club. Comme je l’ai dit, je comprends assez facilement le français et l’italien, et je peux parler l’espagnol avec José Espinal. Et puis, j’ai la chance que mon épouse soit toujours à mes côtés. Je ne suis donc pas tout seul. Je suis, bien sûr, arrivé dans les Cantons de l’Est en plein hiver, dans une région où l’hiver est encore plus rigoureux qu’à Bruxelles, mais il ne faut pas faire une montagne de cet aspect-là non plus. On s’habitue à tout, même à des températures en dessous de zéro. Personne n’est mort, que je sache.
Restez-vous en contacts avec Biglia et Suarez ?
Des contacts quasi quotidiens. Si l’on ne s’appelle pas, on s’envoie des messages. Ils m’ont félicité après les succès dans les PO3 et j’en ai fait de même après leurs victoires dans les PO1. Nos compagnes respectives, aussi, s’entendent bien. On essaie de se retrouver lorsque c’est possible.
Suarez, c’est un ami d’enfance ?
Oui, je peux le considérer de la sorte. Même si je ne suis pas originaire de Córdoba, mais d’une bourgade située à 200 kilomètres de là, Las Perdices. A l’échelle de la Belgique, 200 kilomètres c’est très loin, mais à l’échelle argentine c’est presque la grande banlieue. Malgré tout, c’était impossible d’effectuer tous les jours la navette entre le domicile de mes parents et le centre d’entraînement du CA Belgrano. J’ai donc logé à la pension du club, où j’ai côtoyé Mati, lorsque je n’avais encore que 13 ans. Nous avons suivi toute la filière des équipes d’âge ensemble. Lui dans une position un peu plus en retrait, comme n°9,5, et moi dans une position d’attaquant. Malheureusement, en équipe Première, nos apparitions communes furent rares : lorsque j’ai intégré le noyau A, je me suis assez rapidement blessé, et lorsque j’étais rétabli, il est parti à Anderlecht.
» J’ai besoin d’une liberté d’action «
Votre meilleure position est celle d’avant-centre ?
Je peux évoluer sur tout le front de l’attaque. Je me sens à l’aise au centre, à droite ou à gauche. J’aime disposer d’une certaine liberté d’action.
A Eupen, vous avez parfois joué sur le flanc aussi. Et vos partenaires en attaque ont souvent changé : Kevin Vandenbergh, Momo Dahmane, Marko Obradovic, José Espinal, Jefferson…
Surtout sur le flanc droit, oui. Ce n’est pas un problème. Quant aux différents joueurs avec lesquels j’ai évolué, ce sont des choix d’entraîneurs. Il ne m’appartient pas de les commenter.
Vos débuts ont été assez timorés. Par la suite, vous avez grandi au fil des rencontres et au vu des prestations des dernières semaines, on peut réellement vous considérer comme un renfort…
Lorsque je suis arrivé, je restais sur six mois durant lesquels j’avais peu joué. J’étais donc en manque de rythme. J’ai retrouvé ce rythme au fil des matches. J’ai trouvé à l’AS Eupen la continuité que je recherchais, j’ai inscrit quatre buts et j’ai évolué dans une équipe qui a essayé de produire un football construit, mais qui n’y est pas toujours parvenu en raison de l’état lamentable de la pelouse du Kehrweg. Je pense, personnellement, avoir démontré certaines qualités : on me connaît aujourd’hui un peu mieux que lorsque j’ai débarqué en Belgique.
Vous avez connu deux entraîneurs : Albert Cartier avec des méthodes plus musclées et Danny Ost avec des méthodes plus douces ?
Ne comptez pas sur moi pour les comparer. La seule chose que je souhaite dire à ce sujet, c’est que je leur suis reconnaissant à tous les deux car ils m’ont tous les deux fait confiance et ils m’ont tous les deux aidé à progresser.
Au contraire d’Ariel Jacobs, qui ne vous a pas fait confiance ?
Oui, mais je n’émettrai aucune critique envers lui. C’est un excellent entraîneur, qui m’a appris beaucoup de choses, lui aussi. Simplement, à Anderlecht, il dispose d’un noyau très étoffé et il doit effectuer des choix.
» Je suis meilleur aujourd’hui qu’à mon arrivée «
Etes-vous, aujourd’hui, un meilleur footballeur que lorsque vous avez débarqué en juillet ?
Je le pense, oui. J’ai progressé. Je maîtrise mieux, aujourd’hui, certains aspects inhérents à un sport collectif.
Le match contre Anderlecht, lors de l’avant-dernière journée de championnat, a dû être particulier pour vous ?
C’est toujours bizarre de se retrouver, en match, face à des joueurs que l’on a côtoyés à l’entraînement durant six mois. Notamment face à Roland Juhasz, que je considère comme le meilleur défenseur du championnat de Belgique. Mais je défendais le maillot de l’AS Eupen ce jour-là et je retiens seulement que le point que l’on a pris, ce jour-là, s’est révélé insuffisant. On a encaissé un but sur un dégagement de Silvio Proto, prolongé de la tête par Romelu Lukaku, qui nous a peut-être coûté le maintien direct.
Votre avenir ?
Une chose est sûre : au terme de la saison, je retournerai à Anderlecht puisque je suis seulement prêté pour six mois. Après, les dirigeants bruxellois devront décider ce qu’ils comptent faire de moi : me garder dans l’effectif mauve, me prêter dans un autre club belge voire encore à Eupen, me vendre en Argentine ou ailleurs ? Je ne me soucie pas encore de cela pour l’instant. Je veux d’abord me concentrer sur les six matches à venir. Six matches cruciaux pour l’avenir de l’AS Eupen. Je ne connais nos adversaires que de nom, mais je m’attends à des matches compliqués. Je pense cependant que les victoires contre Charleroi, dans les PO3, nous ont conféré un adjuvant moral. A deux reprises, à domicile, nous avons rétabli une situation compromise. On a montré du caractère et c’est de bon augure. Si l’on parvient, dans le tour final, à remporter les trois matches à domicile et à prendre l’un ou l’autre point en déplacement, on devrait s’en sortir.
Anderlecht sera-t-il champion ?
Je l’espère pour mes compagnons et pour le club avec lequel je suis toujours sous contrat. Ce ne sera pas simple, il faudra lutter jusqu’au bout : Genk et le Standard sont des rivaux coriaces.
PAR DANIEL DEVOS
» Retourner en Argentine en janvier aurait été un échec. «
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