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Le roi Hakim & Mister Renard

Après 20 ans d’absence, le Maroc retrouve la Coupe du Monde. Avec Nabil Dirar et Mehdi Carcela, les Lions de l’Atlas ont un peu l’accent belge. Mais ils peuvent surtout compter sur une armée de Marocains des Pays-Bas.

Nous rencontrons Hervé Renard à la terrasse du luxueux Four Seasons Hotel, sur la plage de Casablanca. Il est beaucoup plus détendu que l’an dernier. Grâce à une discipline stricte, le Français a façonné l’équipe nationale du Maroc comme il l’a fait par le passé avec d’autres sélections. La Zambie ou la Côte-d’Ivoire, par exemple, avec lesquelles il a été champion d’Afrique. Il a également entraîné l’Angola, été adjoint au Ghana et dirigé l’USM Alger. L’Afrique n’a plus de secret pour lui. Elle lui a offert des trophées et de l’euphorie, il lui a apporté sa discipline.

Cela faisait 20 ans que le Maroc avait disparu du théâtre mondial. Il y a pourtant du talent dans ce pays mais, avant l’arrivée de Renard, l’ensemble manquait de cohésion. Nordin Amrabat, un des joueurs les plus expérimentés de la sélection, en sait quelque chose.  » Ce coach exige de chacun de la discipline « , dit l’ex-joueur du PSV.  » Rien d’exceptionnel mais nous devons arriver à l’heure et nous comporter comme des pros. Celui qui ne suit pas a des problèmes avec lui. C’est en partie grâce à cela que nous avons formé une équipe homogène. À mes yeux, c’est la grande différence avec le passé. Il n’y a pas de place pour les égoïstes et les joueurs le savent. Mais il ne faut pas négliger l’influence du président non plus. Cela fait quatre ans que Fouzi Lekjaa est à la tête de la fédération et qu’il investit dans nos conditions de travail. En échange, il veut des résultats et cela plaît aux joueurs. C’est pourquoi nous voulons tous faire partie de cette équipe.  »

Amrabat est un des Lions de l’Atlas qui ont grandi aux Pays-Bas et qui ont donc subi une double influence. Après le PSV, il est passé par la Turquie (Kayserispor et Galatasaray), l’Espagne (Malaga et Leganés) et l’Angleterre (Watford). À 31 ans, une participation à la Coupe du Monde le remotive et c’est avec beaucoup d’admiration qu’il écoute les anecdotes Mustapha Hadji, venu se joindre à la conversation.

Hadji est l’un des plus grands joueurs de l’histoire du football marocain. Aujourd’hui, il est l’adjoint de Hervé Renard. En 1998, année de la dernière participation du Maroc à une Coupe du Monde, il a été élu Joueur Africain de l’Année. Mais l’ex-joueur du Deportivo La Corogne, du Sporting Lisbonne et d’Aston Villa aimait aussi beaucoup les sorties.

Dernier match avant le départ

Nous prenons la direction du Stade Mohammed V. Sur la route, c’est le chaos. Casablanca compte 3,3 millions d’habitants dont on se demande s’ils ont un permis de conduire. Les voitures zigzaguent, les feux sont là pour décorer et on n’entend que des coups de klaxon. Mieux vaut y aller à pied en suivant du regard les pylônes d’éclairage pour ne pas se perdre.

Pour les groundhoppers, le Stade Mohammed V est un must : sa piste en cendrée, ses immenses tribunes, ses 68 497 places. Et tout cela très près du centre de Casablanca. Ce soir, c’est ici que les Marocains disent au revoir à leur public avant de prendre la direction de la Russie. Ils affrontent l’Ouzbékistan, pays voisin de l’Iran, premier adversaire du Maroc en Coupe du Monde, le 15 juin.

Le Maroc s’impose 2-0 et les Ouzbeks ne tirent qu’une fois au but. Il n’est guère question de football mais nous sommes fascinés par l’ambiance qui règne dans le stade, même pour un match amical. Et tout le monde chante l’hymne national.

Le joueur marocain le plus populaire est incontestablement Hakim Ziyech. À chaque touche de balle, le stade retient son souffle. Nordin Amrabat est également très apprécié. Hervé Renard l’a laissé au repos mais, à la mi-temps, lorsqu’il passe devant la tribune, des tas de téléphones portables atterrissent à ses pieds. Il les ramasse, se prend en selfie avec le public derrière lui puis les renvoie dans les gradins. Il est acclamé.

Après le coup de sifflet final, les joueurs font un tour d’honneur. Ils lancent leur maillot et sont très applaudis. C’est la dernière ode du public à son équipe qui, après 20 ans d’absence, veut faire parler d’elle dans un groupe avec l’Iran, le Portugal et l’Espagne. Elle rêve d’en sortir.

Hakim Ziyech, le cerveau

Hakim Ziyech (25 ans) aurait pu être une star de l’équipe des Pays-Bas mais il a opté pour les Lions de l’Atlas et le public l’adore. Il y a un an, pourtant, Hervé Renard ne voulait pas entendre parler de lui. Entre les deux hommes, le courant ne passait pas, en raison du comportement de Ziyech.

 » Au début, il y a eu de la friture sur la ligne « , dit Ziyech.  » À plusieurs reprises, j’ai dû déclarer forfait pour des matches de l’équipe nationale. J’étais blessé mais le sélectionneur ne me croyait pas et il m’a pris en grippe. L’Ajax ne lui transmettait pas de certificat médical donc, pour lui, il était clair que je ne voulais pas jouer pour le Maroc. C’était faux mais ça nous a éloignés.  »

Comme souvent au Maroc, la politique s’en est mêlée et les plus hauts fonctionnaires du pays sont intervenus. Renard était de plus en plus critiqué, le peuple avait pris fait et cause pour le joueur et le président fédéral Fouzi Lekjaa a joué les diplomates. Conseillant à Renard de mettre son orgueil en poche pour le bien du football marocain, il a pris l’avion pour Amsterdam avec le sélectionneur.

 » Nous avons discuté pendant une heure trente et nous avons mis les choses à plat « , se souvient Ziyech.  » Beaucoup de choses s’étaient passées, nous ne pouvions pas tirer un trait d’un seul coup mais après cette longue discussion, nous étions sur la même longueur d’onde et depuis, tout va bien entre nous.  »

Ziyech se réjouit que la Coupe du Monde commence. Extérieur droit en retrait, il jouit d’un rôle libre en possession de balle, mais en perte de balle, il doit défendre.  » Où que je sois sur le terrain, je dois m’occuper de l’arrière gauche adverse. C’est la discipline que le sélectionneur a réussi à imposer et personne n’y coupe. En phase de qualification, nous n’avons pas encaissé le moindre but. Ça en dit long : cette équipe est homogène.  »

Karim El Ahmadi, le régisseur
Karim El Ahmadi, le régisseur© BELGAIMAGE

Karim El Ahmadi, le régisseur

Karim El Ahmadi (33 ans) est titulaire en équipe nationale depuis dix ans. Le médian de Feyenoord est né à Enschede mais il a très vite été repéré par la fédération marocaine. Il a notamment disputé le Championnat du Monde U20 2005, où le Maroc s’était qualifié pour les demi-finales. Et en 2008, il débutait en équipe fanion.

Sofyan Amrabat, le plus talentueux
Sofyan Amrabat, le plus talentueux© BELGAIMAGE

Sofyan Amrabat, le plus talentueux

Sofyan Amrabat (21 ans) est le frère de Nordin et l’un des plus jeunes éléments de la sélection.  » Il est très fort, tant physiquement que techniquement « , dit Renard.  » L’avantage, c’est que ce n’est pas seulement un médian : il peut aussi évoluer au poste d’arrière droit. Je l’ai vu jouer dans ce rôle avec Feyenoord et il a été très bon. Il représente l’avenir du football marocain.  »

Nordin Amrabat, l'aventurier
Nordin Amrabat, l’aventurier© BELGAIMAGE

Nordin Amrabat, l’aventurier

À l’âge de 20 ans, il évoluait encore en D2 hollandaise. Cet ailier est ensuite devenu une star au PSV avant de faire parler de lui en Turquie, en Angleterre et en Espagne. Ça lui a valu un rôle important en équipe nationale. Il y a dix ans, il faisait encore partie de la présélection des Espoirs hollandais pour les Jeux de Pékin. En 2012, à Londres, il a participé aux Jeux avec le Maroc.

Mbark Boussoufa, le virtuose
Mbark Boussoufa, le virtuose© BELGAIMAGE

Mbark Boussoufa, le virtuose

Mbark Boussoufa (33 ans) a grandi à Amsterdam et a passé cinq ans au centre de formation de l’Ajax mais il n’a jamais évolué en D1 hollandaise. À l’âge de 17 ans, il est parti à Chelsea mais c’est en Belgique, à La Gantoise et à Anderlecht, qu’il a réellement percé avant de prendre la direction de la Russie puis d’Al Jazira dont il porte le maillot depuis 2016.

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