LE RETOUR DU GRAND BOUC

Samedi, le FC Cologne entame sa nouvelle aventure en Bundesliga face à Hambourg. Les turbulences du passé ont fait place à une sérénité qui contraste avec l’ambiance de la ville.

Il y a six semaines, le FC Cologne a écoulé les 51.000 billets du match contre Hambourg en trois quarts d’heure. Des centaines de supporters ont assisté aux entraînements du club pendant son stage à Kitzbühel. Ça illustre la soif de grand football d’un club qui a effectué la navette entre les deux premières divisions ces dernières années. Depuis 1998, le FC Cologne a été relégué à cinq reprises. Il veut redevenir une valeur sûre de Bundesliga, comme il convient à la quatrième plus grande ville d’Allemagne et à sa réputation.

Le FC Cologne a été le premier champion de la Bundesliga, fondée en 1963. La formation était régie par Wolfgang Overath, un élégant médian qui alliait technique, vista et abattage et a collectionné 81 sélections nationales. A cette époque, aucun footballeur ne distillait de passes aussi précises, même pas Günther Netzer, qu’il éclipsait en équipe nationale.

Van Gool, le premier Belge

Le club avait tout pour devenir une grande puissance du football allemand mais la division de la direction constitue un fil rouge dans son histoire. Les cinq journaux colonais en ont parlé en long et en large. C’est normal dans une ville qui déborde de joie de vivre, même en dehors du carnaval. Cologne est une métropole internationale aux multiples visages. Il y a la cathédrale, le symbole de la ville du haut de ses 157 mètres.

Elle est la troisième plus grande du monde. On peut accéder au sommet de la tour en grimpant 533 marches. Il y a les superbes boulevards le long du Rhin, les musées qui témoignent de la richesse culturelle et architecturale de la ville. Il y a aussi cette vie nocturne frivole, centrée dans la vieille ville, qui grouille de restaurants.

Les prestations du FC Cologne ont toujours été un sujet important de conversation. Der FC, comme les habitants l’appellent, a joué devant une moyenne de 46.000 spectateurs en D2 la saison passée. Les footballeurs sont des héros qui osent à peine se montrer en rue, depuis toujours. Roger Van Gool en a fait l’expérience en 1976, quand il est devenu le premier Belge sous le maillot colonais.

La première fois qu’il s’est baladé avec femme et enfants au centre, il n’a cessé d’être abordé. Il attirait aussi beaucoup de Belges à Cologne, ce qui n’était pas illogique : l’ancien siège des forces armées belges en Allemagne se trouvait à Weiden, une banlieue de Cologne, non loin du stade. La caserne était entourée d’un quartier belge.

Weisweiler, un coach mythique

Le club a remporté avec Van Gool son troisième et dernier titre en 1978. Il était alors entraîné par le mythique Hennes Weisweiler, qui dirigeait son groupe avec un subtil mélange d’autorité et de souplesse. Weisweiler imposait toujours sa volonté. Quand il entraînait Barcelone, il a eu une dispute sur la manière dont Johan Cruijff devait fonctionner. Il le voyait dans l’entrejeu alors que Cruijff voulait évoluer en retrait de l’attaque. Ça lui a coûté sa tête.

A Cologne aussi, la volonté de Weisweiler faisait loi. C’était d’ailleurs nécessaire, tous les joueurs n’étant pas des modèles de discipline. Une image TV de Weisweiler pendant un match entre Cologne et Hambourg est restée dans toutes les mémoires. Le club local menait 5-0 et a sombré dans l’arrogance. En rage, Weisweiler a couru vers la ligne pour crier à ses hommes de continuer à jouer.

Au fil des années, maints entraîneurs se sont émus de la mentalité du club et de ses joueurs. Ainsi, George Kessler, qui l’a entraîné en 1986-1987 et l’a conduit en finale de la C3 contre le Real Madrid. Dès son arrivée, Kessler a interdit au soigneur de compter les joueurs dans le car : celui-ci devait partir à l’heure et tout le monde allait le comprendre.

Juste avant le premier match de championnat, à deux heures, heure du départ vers le stade, seulement sept des seize joueurs étaient dans le bus mais Kessler a ordonné au chauffeur :  » Démarrez !  » Les neuf absents, parmi lesquels des vedettes comme Toni Schumacher, Pierre Littbarski et Klaus Allofs, ont alors dû rejoindre le stade par leurs propres moyens.

Kessler, l’homme de fer

Kessler n’en a jamais pipé mot mais ça ne s’est plus jamais reproduit. Le président aussi a vu le bus lui filer sous le nez parce qu’il avait un retard d’une minute. Kessler imposait une telle discipline qu’un moment donné, Toni Schumacher a affirmé que même les mouches volaient dans le même sens, dans la cuisine.

C’est sous Kessler que Christoph Daum a fait son apparition dans le staff du FC Cologne. Initialement, Kessler l’a pris de haut : il l’envoyait dehors voir si le soleil brillait, afin de savoir s’il devait chausser ses lunettes solaires. Une autre fois, il a envoyé Daum mesurer la hauteur de la pelouse.

L’histoire de Cologne est marquée par un énorme va-et-vient d’entraîneurs. Depuis 1963, il en a employé 41, avec un pic de 1990 à 2006 avec 21 coaches en seize ans. Avec Hennes Weisweiler, Christoph Daum a été le plus résistant : il est resté près de quatre ans. A Cologne, un entraîneur est exposé à l’influence de la presse de boulevard et à la division de la direction, sans parler des fuites organisées dans la presse.

En 2004, la crise était telle qu’on a proposé la présidence à Wolfgang Overath. Il a tenu bon pendant sept ans, jusqu’à ce que de nouvelles tribulations aient raison de lui. Le club n’a connu qu’une constante : la présence du bouc Hennes derrière le but. Le FC Cologne est un des rares clubs d’Europe à posséder une mascotte vivante. Le bouc est repris sur l’emblème du club.

Le revirement s’est produit en été 2013. Le FC Cologne entamait une nouvelle saison en deuxième Bundesliga. Les deux années précédentes, il avait réalisé 112 transferts. Ça illustrait bien son absence totale de vision. La dette a augmenté et ce fut le chaos total.

Mais en 2013, donc, le club a décidé d’entamer une vaste opération de nettoyage à tous les niveaux. En même temps, il a engagé le manager Jörg Schmadtke, un ancien gardien du Fortuna Düsseldorf, venu de Hanovre 96. A partir de ce moment, la sagesse a pris le pas sur la panique. Les rives du Rhin sont devenues paisibles.

C’est comme si le FC s’était retrouvé. Il a établi de nouvelles bases solides et son entraîneur autrichien, Peter Stöger, a imposé son sceau. En un rien de temps, il a gagné le respect des joueurs et des supporters. Son calme est frappant. Il ne se laisse pas aller à des gestes théâtraux. Professionnel, il n’éprouve pas le besoin de se vendre.

On vante ses qualités humaines : il commet peu d’erreurs dans la gestion des joueurs, il n’humilie personne et ne perd jamais son autorité. Stöger a conduit le FC Cologne au titre avec beaucoup d’aisance, en développant un football frais et attractif.

Une dette de 30 millions

Une saison difficile au sein de l’élite l’attend maintenant. Cologne a investi sept millions en joueurs mais il traîne une dette de 30 millions. Toutefois, il a clôturé la saison dernière en léger boni, ce qui montre qu’il reprend le contrôle de son budget.

Il nourrit des ambitions modestes : rester en dehors de la zone rouge. La mission est pourtant difficile, d’autant que l’attaquant Patrick Helmes, blessé, est indisponible pour plusieurs semaines. Le noyau est jeune et peu expérimenté. Tout le monde est conscient que Cologne risque de prendre un mauvais départ mais le club proclame déjà qu’il doit conserver son calme en toutes circonstances. Il faudra toutefois attendre la première vraie crise pour savoir si le FC Cologne a effectivement tiré les leçons de ses erreurs passées.

PAR JACQUES SYS – PHOTOS: BELGAIMAGE

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