» Le résultat avant tout « 

L’entraîneur allemand veut reconstruire le Club en commençant par les fondations.  » Nous sommes encore à la cave et le grenier est encore loin « , affirme-t-il.

On se disait déjà que des matches hyper spectaculaires, comme le Gand-Bruges (4-4) en Coupe de Belgique ou le Bruges-Genk (4-5) en championnat, on n’en verrait plus beaucoup. Avec Christoph Daum, qui a succédé à Adrie Koster, Bruges gagnait mais sans briller (chaque fois 1-0, contre le Cercle puis au Lierse). Et puis est arrivé ce match incroyable à Maribor, mercredi passé, où menés 3-0 à 20 minutes de la fin, les Blauw en Zwart se sont imposés 3-4. Est-ce déjà un aperçu de la mentalité Bundesliga où un match dure toujours 90 minutes et plus ?

On était donc rassurés : le spectacle était encore possible avec Bruges. Mais trois jours plus tard à Westerlo, c’est à nouveau le  » scénario championnat  » qui a prévalu : entre une équipe campinoise qui a logiquement pris quelques précautions défensives et une formation brugeoise qui essayait d’attaquer tout en évitant de trop se découvrir, on s’est fermement ennuyé une bonne partie du match. Mais, comme cela avait été le cas lors des deux sorties précédentes, le but a fini par tomber en faveur du Club : neuf points sur neuf, donc et à chaque fois sur un score Arsenal. Toujours est-il qu’entre Koster et Daum, c’est le jour et la nuit. Là où le Néerlandais privilégiait l’offensive, l’Allemand s’efforce de placer sa défense. Là où Koster avait pris la fâcheuse habitude de se faire remonter alors qu’il croyait le match gagné, Daum a refait tout son handicap alors qu’on croyait le match perdu.

 » La mentalité allemande ? Non, la mentalité belge ! « 

Herr Daum, le scénario du match à Maribor était très différent de celui de vos trois matches de championnat. Avez-vous une explication ?

ChristophDaum : Dès mon arrivée, j’ai travaillé sur un aspect bien précis : je voulais d’abord stabiliser la défense avant de m’attaquer aux autres secteurs de jeu. On n’aborde les autres aspects, comme la circulation du ballon, la construction des offensives, les duels ou les contre-attaques, que de manière très superficielle pour l’instant. Je voulais, dans un premier temps, instaurer l’ordre et la discipline dans l’équipe. Je ne parle pas uniquement de la discipline en dehors du terrain, mais aussi et surtout de la discipline tactique sur le terrain. Les consignes ont été parfaitement respectées lors de nos matches de championnat, et c’est sans doute pour cela que notre jeu est apparu un peu statique, mais je trouve qu’elles l’étaient aussi à Maribor. L’équipe était bien en place, en ce compris le secteur défensif. Ce sont des erreurs individuelles qui ont permis aux Slovènes de marquer à trois reprises. Nous leur avons offert des cadeaux. Soit, le principal est acquis : à chaque match, on a réussi à marquer un but de plus que l’adversaire.

Ryan Donk a appris avant le match à Maribor que sa grand-mère était atteinte d’une maladie incurable. Auriez-vous aimé qu’il vous en informe, afin que vous puissiez éventuellement prendre vos dispositions ?

C’est un cas très personnel. Dans de telles circonstances, chacun réagit différemment. Certains parviennent à faire abstraction de leurs soucis familiaux, d’autres pas. Je me suis aperçu, en première mi-temps, que Ryan n’était pas dans son assiette et j’ignorais pourquoi. J’ai eu une discussion avec lui pendant le repos. Je ne révélerai pas la teneur, cela doit rester entre lui et moi, sinon la confiance entre joueur et entraîneur risque d’être ébranlée. Il m’a assuré qu’il contrôlait ses émotions.

Mais les soucis privés du joueur ont eu une influence sur le comportement de la défense ?

Ce n’est pas prouvé. Ce n’est parce qu’il se souciait de l’état de santé de sa grand-mère que Ryan a marqué contre son camp. Et il n’y a pas nécessairement de lien de cause à effet entre les soucis de Donk et le fait qu’on ait encaissé trois buts.

La réaction à 3-0, a dû vous satisfaire. Est-ce déjà la mentalité allemande, où l’on dit qu’un match dure toujours 90 minutes et plus, que vous avez réussi à transmettre à vos joueurs ?

Je m’efforce d’insuffler une mentalité de vainqueur à mes joueurs lors de chaque entraînement. Vous savez : même en Bundesliga, une équipe menée 3-0 à 20 minutes de la fin et qui s’impose 3-4, sur le terrain de l’adversaire, cela n’arrive pas souvent. Moi-même, je compte plus de 900 matches à mon actif et je n’avais jamais vécu cela. De 2-0 à 2-3, oui, mais jamais comme en Slovénie. Alors, la mentalité allemande ? C’est peut-être tout simplement la mentalité belge ! Ou la mentalité brugeoise…

Avez-vous appris quelque chose dans ce match ?

Oui. Et même beaucoup de choses. En particulier que cette équipe était capable d’évoluer dans un dispositif avec deux attaquants. Je ne l’avais pas encore essayé, même pas à l’entraînement, donc je l’ignorais. J’avais gardé certaines options dans ma manche, que j’étais disposé à utiliser dans les prochaines semaines. Les circonstances du match à Maribor m’ont obligé à utiliser cette option-là un peu plus tôt que prévu. Je débarque, j’ai encore beaucoup de choses à découvrir.

 » L’attractivité passe au second plan « 

Vous avez aussi dû découvrir le potentiel offensif de votre équipe. Cette découverte va-t-elle vous inciter à jouer de façon plus offensive ou plus rapide ?

Je regrette qu’on n’apprécie jamais, ou alors très rarement, une bonne prestation défensive. Que ce soit la presse ou le public : on a tendance à mettre uniquement en exergue les offensives rondement menées ou les beaux buts. C’est le cas en Allemagne, et je pense aussi en Belgique. Pour gagner, il faut trouver un équilibre entre tous les secteurs. Et gagner, c’est ce qu’on me demande. Je suis arrivé à Bruges avec, pour mission, d’essayer d’améliorer les résultats. Je m’y attache donc. Actuellement, l’attractivité et la flexibilité passent au second plan.

Le scénario vécu à Maribor va-t-il booster votre équipe, en termes de confiance ?

Peut-être, oui. C’est toujours bon de savoir qu’on est capable d’inscrire quatre buts en 20 minutes. Mais je n’aimerais pas voir mon équipe encaisser trop souvent trois buts. Si je me place dans la perspective du public ou du téléspectateur, c’est sûr que des matches comme celui de Maribor, on en redemande. Pas dans la perspective du gardien ou de… l’entraîneur : non, merci !

Vous avez déclaré que, dans le processus de reconstruction, vous souhaitiez commencer par les fondations. Vous avez d’abord travaillé dans la cave. Le grenier est-il encore très loin ?

Le processus est long. Je ne suis jamais satisfait, il y a toujours des améliorations à apporter. On a déjà progressé, mais la perfection est encore très loin.

Les clubs belges font fureur en Europa League. Notre championnat vous apparaît-il moins faible qu’on veut bien le dire ?

En principe, les chiffres ne trompent pas : si Anderlecht et le Standard sont en tête de leur poule, et si Bruges conserve également de belles chances de se qualifier, ce n’est pas un hasard. Les points engrangés bénéficieront à tout le football belge, car ils vont améliorer le ranking UEFA. J’ai vu le match du Standard contre Hanovre et j’ai été favorablement impressionné. Les Rouches n’ont pas volé leur victoire, ils ont très bien joué face à une bonne équipe allemande. Le football belge se trouve dans une spirale ascendante. Il remonte la pente, lentement mais sûrement, et j’espère que l’équipe nationale sera également portée par cette vague. Cette tendance à se sous-estimer n’est pas propre à la Belgique, j’ai également perçu ce phénomène dans d’autres pays. On pense toujours que l’herbe est plus verte ailleurs.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » L’attractivité, ce sera pour plus tard. « 

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