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LE REBELLE

S’il commence à bien jouer au foot en rouche, on va peut-être le considérer comme un nouveau Roger Claessen. Pourquoi ? Parce que Benito Raman ne fait rien comme les autres dès qu’il n’a plus des godasses aux pieds.

Rebelle : celui (celle) qui se révolte contre l’autorité du gouvernement légitime, d’un pouvoir établi. Synonymes : contestataire, dissident, factieux, insoumis, insubordonné, insurgé, mutin, révolté.

Il y a un peu de tout cela chez le mini Benito Raman, sorte de jockey de nos pelouses avec ses 173 cm et ses 65 kg. Le gars provoque, et ça ne s’arrête pas aux terrains. Derrière la gueule d’ange, il y a un caractère trempé. Derrière le talent, il y a l’un ou l’autre dérapage. D’ailleurs, sans ce caractère, sans ses dérapages, pas sûr que Gand l’aurait baqué au Standard après l’avoir déjà prêté à Saint-Trond de janvier à mai. En Flandre, son talent continue à faire l’unanimité. Pas ses écarts. Retour sur un parcours d’obstacles.

MUSSOLINI

Gino Raman, le père de Benito, est un passionné d’histoire italienne.  » Je dois mon prénom à BenitoMussolini « , a avoué le joueur en début de carrière.  » Je ne sais pas comment mes parents sont tombés sur lui et ça ne m’intéresse pas.  » C’est en lisant un livre d’histoire que le père a craqué pour le dictateur. Son autre fils se prénomme Betino, en référence à l’ancien politicien socialiste italien Bettino Craxi. Pas un ange non plus puisqu’il a lancé Silvio Berlusconi en politique avant d’être condamné à une petite trentaine d’années de prison pour corruption.

Et des histoires de prénoms et de noms, le nouveau Standardman en a encore d’autres. Comme celle-ci :  » Il y a des gens qui s’appellent Raman et qui disent qu’ils sont de ma famille. Mais c’est impossible. Parce que Raman, ce n’est pas mon vrai nom de famille. J’ai en fait des origines espagnoles. Mais je ne veux pas en dire plus. C’est une longue histoire.  » Pas simple apparemment.

MESSI

 » Je me reconnais en Lionel Messi.  » Signé Benito Raman. A l’âge de 19 ans, quand il avait encore tout à prouver. Avec cette réserve, quand même :  » Je ne dis pas que je deviendrai aussi fort que lui mais on a des points communs.  » Hein Vanhaezebrouck, fil rouge de sa carrière puisqu’il l’a entraîné à Courtrai avant de le retrouver à Gand, a fait cette mise au point :  » Il a toutes les qualités. Mais on l’a peut-être poussé un peu vite. Je me souviens de l’annonce de son premier contrat à Gand, quand il n’avait que 16 ans. Cela s’était fait avec du champagne. Il avait effectivement été considéré comme un petit Lionel Messi. Depuis, il est devenu plus mature, même si je m’inquiète un peu quand je vois plusieurs journalistes débarquer pour obtenir son interview.  »

Pour en revenir à la signature de son premier contrat pro… On lit dans la presse de l’époque que  » Gand tient son propre Romelu Lukaku « , un joueur  » convoité notamment par l’Inter Milan, Chelsea et le Shakhtar Donetsk « . Francky Dury, coach de Gand à l’époque, veut tempérer l’emballement et prend Raman à part :  » Tu vas devoir prester, mon gars. Tous les jours, je veux que tu donnes tout, que tu rentres dedans. Tu devras porter les bons vêtements, aller au lit à temps, manger sain, garer ta voiture à la bonne place. Sans ça, tu n’y arriveras pas.  » Prémonitoire.

IBRA

Et puis il y a cet autre extraterrestre auquel Benito Raman se compare.  » Point de vue caractère, j’ai des choses en commun avec Zlatan Ibrahimovic. Quand j’ai lu son livre, je me suis subitement fait cette réflexion : -J’ai parfois eu les mêmes comportements que lui.  » Confirmé : il a été renvoyé de l’école pour sportifs de haut niveau à Gand, en pleine année scolaire, pour avoir donné un bon coup de boule à un gars qui l’énervait. Justifié, à l’entendre :  » Il m’avait poussé et il faisait le malin. Trois ou quatre fois, j’ai donné des coups pour montrer qui j’étais.  » C’est génétique.  » Mon père et mon frère étaient comme ça aussi. Dès qu’un truc les énervait trop, ils avaient tendance à réagir physiquement. Quand je jouais en équipes d’âge, il arrivait que je laisse traîner le pied. Ou je m’emportais verbalement contre des joueurs ou des arbitres. Mais c’est loin tout ça. Depuis que j’ai signé mon premier contrat pro, je suis beaucoup plus adulte.  »

SNOOKER

C’est dans une salle de snooker de la Flandre profonde que sa carrière gantoise commence à péricliter. Début de saison 2015-2016. Match contre Westerlo. Benito Raman n’est pas bon. Très vite, un indic rapporte à Vanhaezebrouck que son attaquant a été repéré dans un centre de snooker, une queue à la main, sur le coup d’une heure du matin, la nuit précédant ce match. Pour la rencontre suivante, contre Genk, il n’est pas repris. Il reçoit une amende et le club lui interdit de s’exprimer dans la presse. Leur relation, excellente jusqu’à ce moment-là, prend un coup dans l’aile. Elle ne s’en remettra jamais.

Il y a aussi ce changement en Ligue des Champions que Raman considère comme un affront de son entraîneur : face à Valence, il entre après 55 minutes et est sorti après 85. L’entraîneur se justifie : Raman avait pris une carte jaune et taclait trop gaiement, il y avait risque d’exclusion. Un raisonnement qui ne suffit pas à le calmer. Avant la saison, il a annoncé qu’il voulait mettre 26 buts, ça lui revient déjà dans la figure. On commence à lui reprocher d’être décidément trop ambitieux et sûr de lui. Vanhaezebrouck à propos de sa prédiction chiffrée :  » Si tu joues pour ton propre succès, tu dois marquer. Raman est un jeune joueur qui veut mettre 26 buts, mais s’il continue comme ça, il n’en marquera pas 5 parce qu’il risque de ne pas jouer du tout.  »

L’affaire du snooker, a priori innocente, fait parler et écrire en Flandre. Des analystes donnent leur avis. Comme Marc Degryse :  » C’est une leçon pour Benito Raman. Il est indéfendable. Quand j’étais joueur, j’allais aussi dans les salles de snooker, mais pas la veille d’un match et pas jusqu’à minuit. Il n’avait rien à faire là à ce moment-là. Un pro doit être dans son lit à 23 heures. Il n’a pas été professionnel.  »

Comment ça ?  » La saison passée, j’avais fait la même chose la veille d’un match décisif pour le titre, contre Bruges « , se défend Raman.  » Et j’avais marqué. J’ai besoin de jouer au snooker, ça me détend. Bon, peut-être que dans le futur, j’irai quand même me coucher un peu plus tôt quand il y a match le lendemain…  »

Pour la jouer profil très bas, il ne faut pas trop compter sur lui. Après avoir marqué à Lokeren, peu de temps après l’incident, il imite le geste d’un joueur de snooker. Et quand il est remplacé, le speaker annonce qu’une  » légende du snooker  » quitte le terrain.

HOMOS

 » Alle boeren zijn homo’s  » : c’est la formule qui poursuivra Benito Raman jusqu’au dernier jour de sa carrière. Une victoire gantoise à domicile contre Courtrai en décembre 2015, un peu d’euphorie parce que le groupe va partir en vacances pour quelques jours, le petit qui prend le micro et se lâche. Il vise les boeren du foot belge, les gens du Club Bruges. En pleine rivalité entre les deux clubs, encore exacerbée par la montée en puissance de Gand et par le 1-4 qui a scellé le Bruges – Anderlecht joué le même week-end, ça fait mal quelques kilomètres plus loin.

La direction gantoise comprend immédiatement qu’il faut une réaction forte. Le communiqué est clair :  » De tels dérapages sont en totale opposition avec les valeurs fondamentales du club. Gand plaide pour la diversité et la tolérance, se veut un club ouvert à tous comme en témoigne son slogan : We are one family, we are Buffalo. Gand tient à présenter ses excuses, d’abord à la communauté homosexuelle en général, à ses propres supporters homosexuels en particulier. Le club présente aussi ses excuses à la communauté agricole qui a pu se sentir visée. Et il présente enfin ses excuses aux supporters de Bruges en espérant que cet incident n’entamera pas la bonne entente entre les deux clubs.  » C’est bon, on n’a oublié personne ?

Le club en profite pour signaler que Benito Raman bénéficie d’un accompagnement psychologique  » depuis plusieurs années  » et qu’il bénéficiera d’un accompagnement  » plus important encore pour l’aider à éviter de tels incidents à l’avenir « . Le joueur essaie timidement de se défendre :  » J’ai dit des choses qu’on n’entend qu’à l’occasion des matches de foot. J’ai beaucoup de respect pour les supporters de Bruges et je tiens à présenter mes excuses à tous ceux que j’ai pu heurter, y compris les personnes qui sont d’une autre orientation. En m’excusant, j’espère mettre un terme à cette affaire.  »

DAILY MAIL, ESPN

Raté parce que les conséquences sont lourdes : amende, suspension, critiques XXL.  » Benito Raman a porté atteinte à l’image de la Fédération, de ses clubs et de ses affiliés « , dit l’Union Belge.  » Il est stipulé dans le code disciplinaire de la FIFA que toute personne qui, par ses paroles ou ses actes, porte atteinte à la dignité d’un individu ou d’un groupe de personnes pour ce qui concerne sa race, sa couleur, sa langue, sa religion ou son origine, risque cinq matches de suspension au minimum ainsi qu’une interdiction de stade et une amende d’au moins 18.500 euros.  »

Raman ne reçoit pas tout ça (seulement un match, 1.200 euros d’amende et une retenue sur salaire) mais sa carrière à Gand est enterrée. Hein Vanhaezebrouck se lâche sur l’incident, en télé. On comprend qu’il ne compte plus sur son rebelle :  » Ce qu’il a fait, c’est vraiment dommage (…) Oui, on peut dire qu’il est jeune (…) Si tu veux gagner beaucoup d’argent comme joueur de foot et être vu comme un professionnel de grand talent, tu dois prendre les responsabilités qui vont avec. Tu n’es plus un gamin. Si tu veux recevoir un bon contrat et avoir ta chance dans un club qui joue le titre, alors tu dois assumer.

Cela veut dire que si les supporters crient ce qu’il a crié, ce n’est déjà pas acceptable, mais en tant que joueur, tu dois avoir un rôle exemplaire devant tout le stade et les jeunes qui sont là (…) Le fait que Benito Raman soit sanctionné maintenant, ce n’est pas lié uniquement à ses chants mais aussi à toutes les histoires du passé parce que ce n’est pas la première fois qu’il dérape. On a déjà parlé avec lui de la façon dont il doit se comporter en tant que professionnel. Et il a récidivé. C’est pour cela que la sanction est plus dure aujourd’hui.  »

Bref, pour lui, à Gand, c’est mort. Et il n’y a pas qu’en Belgique qu’on parle de lui, qu’on raconte l’incident du mégaphone. Le Daily Mail et la chaîne ESPN le racontent en détail et expliquent que le morveux a bousculé les moeurs du foot belge. Lu sur le site du journal anglais :  » Gent suspended striker Benito Raman for homophobic remarks aimed at rival fans after he chanted : -All peasants are gay « . Pub !

PAR PIERRE DANVOYE – PHOTOS BELGAIMAGE

 » L’affaire de mon chant homophobe ? C’est bon, on ne va pas y passer la nuit.  » – BENITO RAMAN

 » Je ne serai jamais le beau-fils idéal.  » – BENITO RAMAN

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