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Le prix d’un an

Pour beaucoup, 2020 devait signifier le point final de la majeure partie de la fameuse génération dorée. Le délai de douze mois supplémentaire peut-il coûter cher aux Belges ? Voyage dans le temps, à la recherche d’indices pour esquisser le futur des Diables.

Face aux micros, les mots sont choisis avec soin. Avec vingt ans sur les bancs de touche, dont trois sous les spotlights de la Premier League, au compteur, Ronald Koeman connaît le poids d’une déclaration. Surtout quand la caisse de résonance s’appelle Marca, journal le plus lu d’Espagne, dont les interviews sont scrutées de près par les spécialistes de tout le continent. C’est dans les pages du journal madrilène que le sélectionneur des Pays-Bas dégaine :  » La Belgique a l’expérience du Mondial en Russie, et des joueurs à un niveau très élevé : Lukaku, Hazard, De Bruyne… Et aussi une bonne défense… Pour eux, c’est peut-être la dernière possibilité de gagner quelque chose, parce que vu l’âge de certains de leurs joueurs, ce sera peut-être leur dernier grand tournoi.  »

En 2021, la moyenne d’âge des Diables dépassera les trente ans. Trop tard pour remporter un grand tournoi ?

Un coup d’oeil sur les chiffres pourrait même faire penser que l’ancien manager d’Everton est optimiste pour ses voisins du sud. En remontant jusqu’à l’EURO 2000, la moyenne d’âge d’un onze aligné en finale de championnat d’Europe ou de Coupe du monde est de 27,6 ans. De quoi corroborer la théorie qui veut que le prime time de la génération dorée était fixé au rendez-vous russe de 2018. Là, le onze aligné par Roberto Martinez pour créer l’exploit face au Brésil était de 28,2 ans.

Trois ans plus tard, quand l’été 2021 réchauffera les amateurs de football international, le onze type du sélectionneur catalan facturera 31 ans de moyenne d’âge. Même en troquant Dries Mertens et ses 34 ans pour la jeunesse de Youri Tielemans (24 ans), la carte d’identité du Diable moyen dépassera légèrement la trentaine. Une mauvaise nouvelle ? Jamais, depuis le passage au troisième millénaire, une sélection n’a disputé une finale internationale d’envergure avec une moyenne d’âge supérieure à trente ans. La France de Zinédine Zidane, finaliste malheureuse en 2006, fait figure de doyenne (29,6 ans) devant les surprenants Croates de Luka Modric (29,1 ans). Et du côté des vainqueurs, la tendance des dernières années va plutôt au rajeunissement ( voir cadre).

RELÈVES MANQUÉES

Si la France de 2018 avait pu compter sur l’éclosion de Kylian Mbappé, alors que le Portugal avait en partie misé sur l’énergie de Renato Sanches pour s’installer sur le toit de l’Europe deux ans plus tôt, la Belgique n’est pas parvenue à installer sa relève. Thorgan Hazard est, avec Yannick Carrasco, le seul joueur de sa génération à être parvenu à se faire une place de titulaire en équipe nationale, tandis que Michy Batshuayi et Dennis Praet sont restés confinés à un rôle de remplaçant et que Maxime Lestienne n’a jamais vraiment fait partie de la sélection. Quant à la fameuse génération 1996, appelée à prendre la relève et incarnée par Charly Musonda Junior et Zakaria Bakkali, elle a accumulé les déceptions et n’a jamais répondu aux attentes nationales.

À tel point qu’aujourd’hui, les seuls joueurs déjà sélectionnés par Roberto Martinez et qui auront moins de 25 ans lors du coup d’envoi du rendez-vous européen de l’été prochain se nomment Tielemans, Jason Denayer, Elias Cobbaut et Yari Verschaeren. Un quatuor au sein duquel les certitudes de faire partie des 23 sont rares. En remplaçant les retraités Marouane Fellaini et Mousa Dembélé par Timothy Castagne et Denayer, par rapport à la sélection emmenée par Martinez au Mondial, la Belgique débarquerait à l’EURO avec une moyenne d’âge de 29,4 ans. À titre de comparaison, l’Argentine de Lionel Messi, équipe la plus âgée de la Coupe du monde russe, facturait 29,1 ans de moyenne.

Le sélectionneur n’est pas spécialement un homme de surprises. Spécialiste des sélections élargies à 28 joueurs lors des rassemblements en marge des campagnes qualificatives, il n’a pourtant offert l’opportunité de porter le maillot national qu’à 42 joueurs au cours de son règne, actuellement long de 43 matches. Une preuve supplémentaire que, pour se faire une place dans la liste de Roberto Martinez, la nouvelle génération devra incontestablement franchir un palier.

BORNAUW AVANT ZINHO ?

En tête de la liste des prétendants à un baptême international, on trouve Sebastiaan Bornauw. Derrière, le géant de Cologne aurait même pris l’ascendant sur un Zinho Vanheusden qui vit une saison inégale à Sclessin. Deuxième meilleur buteur des Boucs (cinq buts en 21 titularisations), l’ancien d’Anderlecht suscite déjà des convoitises chez des écuries plus ronflantes de Bundesliga. À tel point que sur les rives du Rhin, les dirigeants envisagent déjà d’offrir à leur joyau belge un contrat revalorisé, assorti de la possibilité de porter le brassard de capitaine. Le contraste est saisissant pour la cote de popularité d’un joueur qui, quelques mois plus tôt, voyait son avenir bruxellois barré par l’arrivée de Philippe Sandler dans les bagages de Vincent Kompany à Neerpede. Dans la foulée de l’arrivée de l’élégant Néerlandais, Vince a eu une conversation à bâtons rompus avec Daniel Van Buyten, représentant du joueur.

Conscient des qualités de Bornauw, Kompany comprenait qu’il ne pouvait pas demander à l’une des rares satisfactions mauves de la saison écoulée de servir de bouche-trou pour la saison à venir. Bien avant le match d’ouverture contre Ostende, le joueur avait été mis au parfum de l’intérêt des Allemands, et le besoin de liquidités du club bruxellois avait précipité l’opération. La défaite inaugurale des Mauves contre les Côtiers n’a donc, contrairement à ce qui a pu être pensé à l’époque, eu aucune influence sur la décision du Sporting de la capitale.

L’ÉTÉ DU COULOIR DROIT

Bornauw ne sera certainement pas le seul nom belge à animer le prochain mercato. Privé de temps de jeu au point de pouvoir craindre pour sa place de doublure de l’intouchable Romelu Lukaku, Batshuayi sera probablement tenté de se trouver un nouvel employeur à une dizaine de mois de l’échéance continentale. Et ce, bien que la concurrence ne soit pas des plus menaçantes, entre un Divock Origi jamais à son affaire sous les ordres de Martinez et un Christian Benteke dont le jeu aérien semble être la seule raison d’espérer un retour en grâce.

En termes de concurrence, justement, Thomas Meunier a senti le souffle impressionnant de l’inépuisable Timothy Castagne dans sa nuque lors de la dernière campagne qualificative. Pour les deux locataires principaux du flanc droit belge, l’été rimera probablement avec un changement d’air. Confronté à une concurrence féroce du côté de Bergame, où l’Atalanta est l’une des sensations de la saison européenne, Castagne est scruté depuis plusieurs coins du continent. Dernier courtisan en date, le Leicester de Tielemans, qui voit en lui le remplaçant idéal pour Ricardo Pereira, un joueur qui ne devrait plus faire de vieux os au King Power Stadium. Le principal obstacle à un départ pourrait par contre être la situation sanitaire dramatique qui touche la Lombardie depuis de longues semaines.

Thorgan Hazard est, avec Yannick Carrasco, le seul joueur de sa génération à être parvenu à se faire une place de titulaire en équipe nationale.
Thorgan Hazard est, avec Yannick Carrasco, le seul joueur de sa génération à être parvenu à se faire une place de titulaire en équipe nationale.© BELGAIMAGE

Quant à Thomas Meunier, tout porte à croire qu’il profitera de la fin de son contrat à Paris pour s’en aller respirer l’air encombré du bassin de la Ruhr. Un an après avoir été proche de signer à l’Atlético de Madrid, le Diable semble avoir trouvé à Dortmund un point de chute idéal, après quatre saisons passées dans la capitale française. Fatigué par le bling-bling du vestiaire parisien et les critiques récurrentes à son encontre dans la presse hexagonale, le Gaumais cherchait avant tout un environnement propice à son épanouissement. L’intérêt du BvB n’aura pas tardé à convaincre le Belge. Les négociations entre le joueur et le club allemand remonteraient d’ailleurs déjà à plusieurs semaines, bien avant la double confrontation européenne avec son club actuel. Rapidement concrétisée, la piste aura rapidement éteint la possibilité d’un départ à Manchester United, club pourtant cher aux yeux de ce supporter de longue date des Red Devils. Chez les Borussen, l’arrière latéral aura l’opportunité de se relancer à un an de l’EURO, profitant de son statut de joueur libre pour devenir l’un des joueurs les mieux payés du vestiaire.

L’HEURE DES CADRES

Parmi les titulaires de l’été bronzé russe, Meunier ne sera pas le seul à connaître un été agité par un transfert potentiel. Certes, Thibaut Courtois et Eden Hazard poursuivront leur conquête de Madrid et Vincent Kompany ne quittera pas Bruxelles en pleine reconstruction mauve. Romelu Lukaku ? Il est devenu l’un des leaders du vestiaire de l’Inter. Quant à Toby Alderweireld, le joueur a finalement prolongé son contrat à Tottenham sous l’impulsion de José Mourinho, nouveau manager des Spurs qui entretient de meilleurs rapports avec son défenseur que son prédécesseur.

Pour Jan Vertonghen, par contre, l’avenir devrait s’écrire loin de Londres.  » L’Ajax Amsterdam ? C’est dans mes plans, en effet « , a-t-il confié à Kat Kerkhofs, compagne de son ami Dries Mertens, sur VIER. L’hypothèse d’un retour en Belgique, également évoquée, semblait plus cornélienne :  » Si je vais à Bruges, Kompany va me tuer et si je vais à Anderlecht, c’est ma famille qui va me tuer. Le Beerschot ? Je vais analyser tout ça.  »

Mertens, justement, a fait la Une des journaux italiens ces derniers mois. La faute à des négociations pour un nouveau contrat au Napoli qui ont duré plus que de raison, tandis que le Louvaniste chassait le record de meilleur buteur de l’histoire des Partenopei. Demandeur d’un nouveau contrat de deux ans, assorti d’une augmentation qui aurait porté son salaire à cinq millions par an, l’enfant chéri du San Paolo s’est heurté à la rigueur du président Aurelio De Laurentiis, réticent à l’idée de délier les cordons de la bourse. Face aux rumeurs qui envoyaient son attaquant en Chine au même titre que l’ailier José Callejón, le président s’est même fendu d’une sortie dans la presse qui a beaucoup vexé le numéro 14. Les négociations, entamées par De Laurentiis dans l’avion du retour d’un match de CL à Salzbourg et donc en l’absence des agents de Mertens, ressemblaient alors à une voie sans issue.

La volte-face, pas encore concrétisée par une signature mais déjà ficelée par un accord de principe, a découlé d’une multitude de circonstances : la décision chinoise de restreindre les salaires mirobolants offerts aux joueurs étrangers a refroidi la possibilité d’une destination exotique, d’abord. Au coeur de l’hiver, l’approche de l’Inter, prise en mains par l’agent de Romelu Lukaku (proche de Mertens), n’a finalement pas abouti, ensuite. Enfin, les atermoiements d’ Arkadiusz Milik à l’heure de prolonger son bail au pied du Vésuve et la peur du président de perdre ses deux canonniers cet été ont conduit les parties à se retrouver autour de la table pour y ficeler un accord qui devrait prolonger l’idylle entre Ciro (son surnom à Naples) et les Partenopei.

L’IMPRÉVU DE KDB

Revenu à l’Atlético cet hiver, dans un vestiaire où ne se trouvent plus les anciens grognards qui supportaient mal son côté solitaire et son manque de dévotion absolue au Cholismo, Yannick Carrasco souhaitera probablement confirmer son retour en Europe dans les prochains mois. Son nom devrait donc agiter les sagas sportives de l’été, où pourrait s’inviter celui de Kevin De Bruyne. Si Pep Guardiola avait affirmé face aux micros, moins d’une semaine après l’annonce de l’exclusion de Manchester City de toutes compétitions européennes pour les deux prochaines saisons le 14 février dernier, qu’il serait toujours présent sur le banc des Citizens la saison prochaine, son Diable rouge préféré ne s’est pas montré aussi bavard. Toujours sous contrat avec les Skyblues jusqu’en juin 2023, KDB tarde à donner des garanties à son employeur. Une mesure collective réclamée par le club tant que l’appel intenté par les Mancuniens devant le TAS n’a pas rendu son verdict, mais qui entrouvre une porte de sortie qui semblait fermée à double tour.

Conscient que sa cote n’a jamais été aussi haute que ces dernières semaines grâce à un bilan comptable étourdissant – 26 passes décisives, 12 buts cette saison toutes compétitions confondues – l’entourage du joueur a décidé de jouer la montre. Qu’on ne s’y trompe pas, l’absence de communication est une façon de communiquer en soi. Et à 28 ans, bientôt 29, on imagine mal Kevin De Bruyne faire une croix sur ses ambitions continentales pour les deux prochains exercices.

Estimée à 150 millions d’euros par le très spécialisé Transfermarkt, la valeur du joueur suffit à dresser la liste des potentiels clubs en mesure de s’offrir les services du Diable. Sauf qu’en temps de crise – et le coronavirus en est aussi une sur le plan financier pour les clubs du gotha continental – ils seraient sans doute peu à pouvoir s’aligner sur de tels chiffres. La confirmation qu’il y a des silences qui valent de l’or. Et que face aux micros, les mots sont choisis avec soin.

À quel âge gagne-t-on un grand tournoi ?

Voici l’âge moyen du onze de base aligné en finale par les vainqueurs de toutes les grandes compétitions européennes et mondiales du football de sélection depuis l’EURO 2000.

France 2000 28,8 ans

Brésil 2002 26,2 ans

Grèce 2004 28,5 ans

Italie 2006 29 ans

Espagne 2008 26,1 ans

Espagne 2010 26,8 ans

Espagne 2012 27,1 ans

Allemagne 2014 26,8 ans

Portugal 2016 26,5 ans

France 2018 25,8 ans

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