
LE MIRACULÉ DE TUBIZE
Arrivé à la fin du mois d’août, le nouveau coach de Tubize, Régis Brouard, se base sur son expérience d’émotif et même de miraculé pour aider les Brabançons à regarder vers le haut.
Ancien milieu de terrain de Montpellier, où il a entamé sa carrière pro en 1990, c’est surtout en qualité d’entraîneur que Régis Brouart (49 ans) s’est fait un nom. A la tête de l’US Quevilly, club qu’il a fait monter de CFA en National, il a même réalisé un authentique exploit en accédant en demi-finale de la Coupe de France 2010 avant de vivre l’apothéose de cette même épreuve deux ans plus tard. Passé ensuite à Clermont Foot puis chez les Chamois Niortais, en Ligue 2, l’homme a surpris, fin août, en répondant favorablement à l’appel des dirigeants de l’AFC Tubize en D1B. Avec l’ambition de rendre la vie difficile à l’Antwerp et au Lierse, les favoris de la série.
Peu de personnes le savent, mais vous êtes un authentique miraculé…
RÉGIS BROUARD : Ho, ça fait un moment déjà, plus de dix ans (2004, ndlr). J’étais à Rodez, au tout début de ma carrière d’entraîneur et on partait jouer sur Bastia avec un petit avion de sept places qui faisait deux allers-retours pour transporter toute l’équipe. À 40 minutes de l’arrivée, au-dessus de la Méditerranée, la porte a explosé ! C’était comme dans un film : des sacs et des journaux partout, un froid pas possible… Il y avait un joueur juste en face de cette fameuse porte, donc quand elle a éclaté, il a été aspiré et s’est retrouvé un moment dans le vide. Heureusement, il était bien attaché et sa ceinture l’a reprojeté dans l’avion, c’était incroyable. On ne savait pas du tout si on allait s’en sortir. Moi, j’étais à côté du pilote – un ancien footballeur pro – qui a réussi à stabiliser l’avion uniquement parce que la porte n’avait pas totalement explosé, auquel cas l’atterrissage n’aurait pas pu se faire. Malheureusement, pour le joueur, la suite a été plus difficile et certains traumatismes l’ont amené à arrêter sa carrière…
Joueur, vous n’étiez pas facile à gérer semble-t-il ?
BROUARD : Avec le recul, j’aurais bien aimé avoir un joueur comme je l’étais mais, en même temps, j’étais pénible. Pas dans le mauvais sens du terme, mais parce que j’avais envie de savoir : je ne comprenais pas toujours pourquoi on faisait certaines choses et je râlais quand je n’avais pas de réponse… ce qui ne m’a pas empêché d’être très souvent capitaine, bizarrement. Mais il y avait certaines choses que je ne comprenais pas au niveau humain, je n’avais donc pas un comportement très agréable.
» LE DERNIER MATCH PASSE CONSTAMMENT EN BOUCLE DANS LE VESTIAIRE »
Ce côté humain est-il difficile à retrouver dans le football professionnel ?
BROUARD : C’est pas qu’on le trouve difficilement, c’est que c’est totalement différent. La nouvelle génération a tellement de supports de vie, que les joueurs s’éparpillent et oublient de temps en temps l’essentiel : leur boulot. Et puis, il faut évoluer avec son temps et entreprendre les relations humaines dans le langage des joueurs d’aujourd’hui. Je sais qu’ils pensent à leur carrière et à leurs performances là où je pense au groupe, mais on peut avoir des discussions, des désaccords, etc. Les relations humaines ont toujours de l’importance : même si on sait qu’on n’est que de passage, il faut qu’elles existent.
Les relations humaines dépendent pas mal de l’empathie, vous devez la travailler ?
BROUARD : La personnalité joue beaucoup, mais ça se travaille et ça dépend du groupe qu’on a en main : des jeunes, des étrangers… Les joueurs viennent de tellement d’horizons et d’éducations différents. C’est là qu’on voit toute l’importance de l’expérience, et surtout de l’écoute.
Vous ne vous arrêtez pas seulement à l’écoute, vous avez également pris un analyste vidéo avec vous à Tubize.
BROUARD : Oui, même si je n’ai pas encore fait de vidéos sur le côté psychologique, simplement des citations. Mais le travail vidéo sur l’adversaire et sur nous est fait : le dernier match joué passe en boucle dans le vestiaire, ce qui donne de la vie parce que quand ils se préparent, les joueurs revoient les images et cela crée une communication entre eux. La vidéo est un outil important aujourd’hui, l’image ne trompe pas !
Qu’est-ce qui incite un coach qui a vécu une finale de Coupe de France avec l’US Quevilly et qui a entraîné les Chamois Niortais à opter pour Tubize ?
BROUARD : On m’a dit que c’était du niveau du National en France ! Aussi ai-je rencontré les dirigeants à Paris, aux fins d’un tour de table. On a passé trois heures ensemble et, quelques jours plus tard, je leur ai dit que j’allais venir voir. Il faut toujours visiter l’endroit où on est susceptible de travailler, parce que si c’est pas à ton goût, c’est pas la peine… Sur place, j’ai regardé, j’ai écouté, je me suis fait mon propre avis, mais c’est surtout l’envie de découvrir un championnat étranger qui m’a fait accepter le poste. Principalement pour me remettre en question sur ma conception du foot. Après, question niveau, il faut bien se dire que plus de la moitié des équipes de D1B belge auraient leur place en Ligue 2.
» L’ARROGANCE DE JOSÉ MOURINHO ME PLAÎT »
En France, on vous prête un côté réfléchi et parfois même désenchanté alors qu’en Belgique, deux mois à peine après votre arrivée, on parle déjà de votre sourire « légendaire »…
BROUARD : (Longue réflexion). Je n’ai pas toujours été très rigolo lors de certaines conférences de presse ou émissions télé. Les questions me gonflaient et puis on m’a collé une étiquette qui n’était pas juste, même si je n’ai pas tout fait pour m’en défaire, je rentrais parfois dans le jeu en donnant à manger à ceux qui en voulaient.
On pourrait vous rapprocher de joueurs comme Ibrahimovic ou Balotelli, qui se mettent une carapace ?
BROUARD : Le plus important, c’est que les gens qui sont proches de moi sachent qui je suis. Je ne vais évidemment pas me comparer à ces stars, mais je comprends tout ça. C’est comme l’arrogance de Mourinho, elle me plaît et me fait marrer parce que je perçois ce qu’il veut dire derrière. Après, je ne me permettrais jamais de juger quelqu’un suite à des articles, une émission ou une conférence. On peut évidemment se dire « Oh il a une tête de con« , mais c’est peut-être tout le contraire…
PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTO BELGAIMAGE
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