LE MAÎTRE de Santiago

Le Real Madrid peut enlever un premier prix, ce soir, s’il prend la mesure du FC Barcelone en finale de la Coupe du Roi. Zinédine Zidane, l’entraîneur adjoint, évite les feux de la rampe mais l’ancien artiste a plus d’influence qu’il ne le montre.

L’extrait est populaire sur YouTube : Xabi Alonso harcèle Zinédine Zidane (41 ans), en possession du ballon. L’international ibérique feint de regarder au loin et glisse le ballon hors de portée de Zidane, du bout du pied. Zizou est sportif, il félicite le joueur mais son regard trahit la surprise. Le Français d’origine algérienne a pris sa retraite il y a huit ans. Il entame le second volet de sa carrière au poste d’entraîneur. Son palmarès exceptionnel lui offre un certain avantage mais de nos jours, seuls les résultats du moment comptent. Pourtant, Zidane semble bien parti. Depuis quelques saisons, Zizou constitue un pont entre la direction et le staff technique. Il est en quelque sorte un artisan de la paix sans agenda. Une semaine après son retour à la présidence en juin 2009, Florentino Perez a recruté le Français au poste de conseiller, aux côtés du directeur général, Jorge Valdano. Devenu directeur technique, l’ancien numéro dix a été nommé entraîneur adjoint l’été dernier.

Zidane considère son poste comme l’université du football. Il éprouve un profond respect pour Carlo Ancelotti (54 ans), ce fils de paysans qui a connu le succès à l’AC Milan, à Chelsea et au PSG. L’ancien international italien, un médian qui a collectionné 26 capes, peut étoffer son palmarès cette année s’il enlève la Decima, la dixième CE1 derrière lequel le Real court depuis 2002. Le nom de Zidane est associé à la neuvième victoire en C1 du Real : il y a douze ans, le Français a animé la finale d’une superbe reprise contre le Bayer Leverkusen. Zidane n’a d’ailleurs rien perdu de son art, comme on peut le voir quand il participe à un match d’entraînement.

Plutôt assistant que patron

Au Real, il peaufine la technique de ses joueurs, au cours de séances individuelles. Jesé, qui a éclos cette saison, a profité de ces leçons. Zidane travaille également la finition de Karim Benzema et de Cristiano Ronaldo. Zidane perçoit un salaire de 300.000 euros, très loin des millions gagnés comme joueur. Il est réservé, dépourvu d’arrogance à l’entame de sa seconde carrière. Ancelotti gagne 7,5 millions. Si Zidane était resté DT, il aurait été le patron de l’Italien. Il a préféré l’assister. Le pouvoir ne l’intéresse pas. Il observe, analyse, apprend. Jusqu’en juin dernier, Zidane a joué les conseillers. Il a oeuvré en coulisses car il n’aime pas se mettre en évidence. Même en famille ou avec ses amis, il reste discret. Pourtant, au fond de lui-même, il bout, comme les 14 cartes rouges qu’il a reçues pendant sa carrière en témoignent. Quand quelqu’un franchissait les limites, le volcan explosait. Il n’aime pas s’exprimer en public mais quand il dit quelque chose, c’est toujours intéressant. Il est intervenu dans la lutte de pouvoir qui opposait le DT Jorge Valdano à José Mourinho. Il a ainsi évité que le Portugais ne claque la porte dans le courant de la saison 2010-2011 : Valdano est parti à la fin de l’année et le Real a limité les dégâts infligés à son image. Zidane a également relancé son compatriote Benzema, très simplement : en l’invitant à dîner pour bavarder. Zidane est donc psychologue. Beaucoup de joueurs l’admirent et son passé sert le club madrilène.

Perez savait ce qu’il faisait en enrôlant une figure mythique, un homme capable de changer les choses par sa seule aura. C’est à Zidane qu’il doit le transfert d’Isco. Le médian de Malaga avait trouvé un accord avec Manchester City et comptait bien rejoindre la Premier League à l’issue de l’EURO U21, comme son entraîneur Manuel Pellegrini. Puis, en Israël, son smartphone a sonné : Zidane l’a convaincu de préférer Madrid. C’est aussi grâce à un coup de fil de Zizou que Raphaël Varane a décidé de se produire à Bernabeu, de même qu’Asier Illarramendi a signé après un entretien personnel.

Sept ans dans l’ombre

Cet été, il y aura donc huit ans que Zidane a raccroché, au terme du Mondial 2006. Sa carrière s’est achevée sur le coup de boule décoché à Marco Materazzi. Cet éclat tranche avec la beauté de son football mais ce n’est pas le seul moment controversé de sa carrière. Issu d’une banlieue de Marseille, il a appris à se battre et ce penchant est fréquemment remonté à la surface : dès qu’on écorne son sens de l’honneur, il cogne, sans afficher le moindre regret. En revanche, il regrette d’avoir arrêté trop tôt.  » J’ai repoussé une offre des States « , a-t-il confié à L’Équipe il y a un an.  » J’aurais dû réfléchir.  »

Dans les interviews qu’il accorde au compte-gouttes, il évoque ses ambitions. Il veut modeler un club, comme entraîneur ou comme président.  » J’ai vécu sept ans dans l’ombre. Un moment, je me suis demandé ce que j’étais en train de faire. Je suis fou de football. Et je suis doué. Je veux rendre quelque chose à mon sport.  » Il a donc achevé les cours d’entraîneur, après avoir obtenu un diplôme en management à l’université de Limoges, en compagnie d’Olivier Dacourt. Pendant ces deux années de cours, il a souvent été en proie à la migraine, accablé par toutes les informations à assimiler. Et maintenant, on passe le ballon entre ses jambes. Zidane est enchanté. Il n’est plus joueur : il se prépare à un poste d’entraîneur principal, d’abord au Real mais peut-être ensuite à la tête de l’équipe nationale de France ou d’Algérie. France Football en est certain : en 2016, la légende sera l’entraîneur du Real.

PAR SULEYMAN ÖZTÜRK ET FRÉDÉRIC VANHEULE

Zidane n’aime pas s’exprimer en public mais quand il dit quelque chose, c’est toujours intéressant.

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