Le Lapin se venge

Frank Rijkaard n’en voulait plus mais il a sauvé le Barça pendant la blessure de Samuel Eto’o.

Javier Saviola s’est replongé sous les feux de l’actualité. Son mois de janvier fut spectaculaire et ses buts, en plus d’aider l’équipe, ont ouvert les yeux à beaucoup de gens dans le club. En particulier à ceux qui, ces deux dernières années, ont empêché le joueur argentin de participer aux succès du FC Barcelone. Aujourd’hui, curieusement, on parle de prolongation de contrat. Lui-même affirme :  » Le mieux est de trouver une solution le plus tôt possible. J’espère que la proposition sera décente « . Le Lapin est ressorti de son trou.

En janvier, vous avez inscrit sept buts en quatre rencontre. Ce n’est pas à la portée de tout le monde.

Javier Saviola : Un attaquant se nourrit des buts qu’il inscrit, et lorsqu’il traverse une bonne période, il doit en profiter. Actuellement, tout se passe bien pour moi. J’espère poursuivre dans cette voie. Faire en sorte que l’équipe ne puisse plus se passer de moi.

Vous souvenez-vous d’une période aussi faste durant votre carrière ?

Franchement, non. A River Plate, j’avais aussi traversé de très bonnes périodes, mais il ne m’était encore jamais arrivé de trouver le chemin des filets durant quatre matches d’affilée.

En début de saison, vous aviez accepté de rester à Barcelone, en sachant que vous ne seriez que le quatrième attaquant derrière Samuel Eto’o, Eidur Gudjohnsen et Santiago Ezquerro. Aujourd’hui, Frank Rijkaard a reconnu que vous aviez conquis vos galons de titulaire et le public siffle lorsqu’il vous remplace.

J’ai toujours entretenu une relation très particulière avec le public du Camp Nou. Chaque fois que j’inscris un but, les spectateurs sont très heureux. Au point que s’il arrive à l’entraîneur de me remplacer, une partie du public pense qu’il le fait pour m’ennuyer, mais c’est faux.

Rayé après les J.O.

Durant vos trois premières saisons, vous aviez une moyenne de 20 buts. Même durant la première saison de Rijkaard à la tête du club catalan. Pourquoi n’avez-vous pas continué à Barcelone ?

Si je le savais… Moi-même, je ne comprends pas. La première saison de Rijkaard au Camp Nou fut l’une de mes meilleures. Ensuite, je suis parti aux Jeux Olympiques avec l’équipe argentine, et à mon retour, le boss ne comptait plus sur moi.

Vous avez donc dû accepter, deux saisons d’affilée, d’être prêté à un autre club ; à Monaco et à Séville. Jusqu’à ce que, cette saison-ci, vous ayez décidé de rester. Et aujourd’hui, vous êtes à nouveau décisif. Continuez-vous à croire qu’il n’y a pas de place définitive pour vous dans cette équipe ?

Je n’ai jamais reçu d’explication mais je n’en ai jamais demandé non plus. La première fois, j’ai appris que la direction avait déjà pris la décision de se séparer de moi. La deuxième fois, c’était à peu près pareil. J’ai donc joué ailleurs pendant deux saisons, mais toujours avec l’envie de revenir.

D’aucuns prétendent que votre salaire était trop élevé pour votre rendement, et que vous ne conveniez pas dans le système de jeu préconisé par Rijkaard.

Mon rendement, durant mes trois premières saisons à Barcelone, fut bon. Dès lors, je ne pense pas que mon éviction soit liée à l’aspect sportif. Si des critères politiques ou économiques sont entrés en ligne de compte, je ne peux pas le savoir parce que je ne me trouve pas dans la peau du président, ni des décideurs.

Ces épisodes ont-ils eu une influence sur votre moral ?

J’essaie de ne songer qu’à l’instant présent. J’admets que le passé fut parfois dur à supporter et, désormais, je ne préfère ne plus regarder derrière moi. Je me concentre sur l’avenir.

Ma rencontre avec Jordan

Que gardez-vous comme souvenir de votre passage à Monaco ?

J’y ai mûri, comme joueur et comme être humain. J’avais décidé de m’installer seul dans un appartement. C’était la première fois que je quittais ma famille et mes amis. Au début, j’ai eu du mal à m’y habituer, mais à la longue, je m’y suis fait. Mes proches venaient me rendre visite une fois par mois. Sur le plan footballistique, j’ai découvert un autre championnat, où le jeu est beaucoup plus physique et agressif que dans la Liga.

En Principauté, vous avez fait une rencontre que vous n’oublierez jamais.

Oui, j’ai pu faire la connaissance de mon idole sportive, Michael Jordan, en chair et en os. C’était dans un restaurant. J’étais en train de dîner et quelqu’un m’a prévenu que Jordan était là également. J’ai eu du mal à le croire et lorsque je l’ai vu de mes propres yeux, je n’ai pu résister à l’envie de lui parler.

A Séville, vous avez vécu de grands moments sportifs.

Sans aucun doute. J’ai passé une très belle saison, j’en ai gardé des souvenirs inoubliables. Gagner la Coupe de l’UEFA fut l’un de ces moments magiques. En outre, je me plaisais beaucoup dans cette ville. Dans l’équipe également, j’entretenais de bonnes relations avec mes compagnons.

L’expérience fut tellement positive qu’on envisagea de la prolonger. Pourquoi cela ne s’est-il pas fait ?

Avant d’entamer la deuxième partie du championnat, il y a eu l’une ou l’autre tentative pour essayer de prolonger la location. Aucun accord n’a pu être trouvé, et assez rapidement, je me suis résolu à terminer la saison puis de retourner au Barça. C’était d’ailleurs ce que je souhaitais.

Les critiques m’ont fait mal

Vous sentez-vous incompris ?

On peut écrire que je joue bien ou mal, mais j’accepte difficilement qu’on me juge sous d’autres aspects sans connaître toutes les données. Aujourd’hui, je me sens très heureux car tous mes efforts ont au moins abouti à ce que les critiques se transforment en compliments.

Quel genre de relation entretenez-vous avec Rijkaard ?

Il a toujours été très franc avec moi. Lorsqu’il avait des choses à me dire, il me les a toujours dites en face. J’ai apprécié cela. De mon côté, j’ai toujours été très clair à son égard également. Lui et moi, nous nous sommes toujours dit les choses en face.

Aujourd’hui, on affirme que Barcelone pourrait vous proposer une prolongation de contrat. Cela vous surprend-il ? Espérez-vous être fixé rapidement ?

Je crois, en effet, qu’il vaut mieux trouver une solution le plus rapidement possible. Si les choses traînent, les spéculations se poursuivront jusqu’à la fin de la saison, et peut-être même durant une partie de l’été, si je ne trouve pas directement un autre club. J’ai bon espoir que la proposition catalane sera décente, et qu’elle agréera les deux parties, pour autant que Barcelone soit toujours disposé à poursuivre l’aventure avec moi.

Le Real Madrid ? Je ne dis pas non !

En cas contraire, êtes-vous prêt à écouter n’importe quelle autre proposition, y compris une proposition du Real Madrid ?

Bien sûr. Je ne veux pas offenser les supporters du Barça mais je manquerais de respect à un éventuel futur employeur si j’avais des préjugés à son égard. J’écouterai donc tout le monde. Après, ce sera à moi de décider si je signe ou pas.

Rester dans le championnat d’Espagne, c’est votre priorité ?

En premier lieu, je préférerai rester au Barça. Si ce n’est pas possible, j’aimerais effectivement rester en Espagne, car c’est le meilleur championnat du monde.

On a pu lire que D’Alessandro vous voyait à la Juventus. Votre ami était-il mal informé ?

J’ai été le premier surpris en lisant cette nouvelle. Je l’ai immédiatement appelé et on a bien rigolé. Je n’ai pas le temps de démentir toutes les nouvelles qui paraissent à mon sujet.

Alors que vous n’avez disputé qu’un nombre limité de rencontres, vous êtes le deuxième meilleur buteur de votre équipe. Quel objectif vous êtes-vous fixé en termes de buts, si vous continuez comme titulaire ?

J’espère faire comme Romario : annoncer un chiffre de 35 buts… et réaliser cette prédiction. Mais je n’ai jamais eu pour habitude de faire des pronostics. J’espère simplement que tout aille pour le mieux, pour moi et pour l’équipe.

En hommage à mon père

Vous célébrez toujours vos buts de la même manière.

Oui, je regarde le ciel, je porte le regard en direction de mon père. Je pense toujours beaucoup à lui, en particulier lorsque cela va mal. Il me disait toujours que j’avais une mentalité de vainqueur, un caractère fort. J’ai toujours lutté. Ce que j’ai hérité de lui, c’est ce tempérament, cette envie de vivre.

Avec le Barça, vous n’avez encore gagné qu’une Supercoupe. L’heure du titre est-elle arrivée ?

Après ce que j’ai vécu l’an passé à Séville, j’aimerais beaucoup être champion, en effet.

Le club reste toujours en lutte sur trois fronts : championnat, Coupe du Roi et Ligue des Champions. Quel trophée vous fait le plus rêver ?

Je n’ai jamais remporté le championnat d’Espagne, c’est donc un vide à mon palmarès, que j’aimerais combler. Mais la Ligue des Champions reste une compétition spéciale. C’est la plus importante compétition internationale, après la Coupe du Monde.

Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire ?

Oui. Mais d’abord, j’aimerais jouer en Ligue des Champions. Cette saison, je n’ai pas encore été titularisé dans cette compétition. Si, en plus, je pouvais lever la coupe aux grandes oreilles et signer une prolongation de contrat au Barça, je serais un homme comblé.

Vous êtes un joueur très populaire, à Barcelone comme en Argentine. Quelle est la chose la plus extravagante qu’ait faite un supporter pour vous ?

Je pourrais raconter des milliers d’anecdotes, depuis un autographe apposé sur une carte d’identité, jusqu’à la rencontre avec un supporter qui était venu spécialement d’Argentine jusqu’à Barcelone pour me voir, parce que c’était le rêve de sa vie depuis qu’il était gamin.

L’idole des supporters

Vous rendez-vous compte de tout ce que représente un footballeur pour les gens normaux ?

Et comment ! Le plus cocasse, dans ce cas, c’est que nous avions joué ensemble lorsque nous avions sept ans. Il m’a attendu sur le parking du Camp Nou, m’a étreint dans ses bras et s’est mis à pleurer. Je ne savais pas qui il était. Alors, il m’a présenté une photo où l’on nous voyait tous les deux ensemble. Il était issu d’une famille très modeste et avait rassemblé toutes ses économies pour traverser l’Atlantique. Je lui ai proposé de passer plus de temps avec moi, mais il n’en avait pas la possibilité car il rentrait déjà en Argentine le lendemain. Je n’oublierai jamais cette rencontre.

Cette popularité n’est-elle pas parfois ennuyeuse ?

Au contraire. C’est incroyable, le sentiment qu’on éprouve en constatant qu’on peut rendre tellement de gens heureux. On ne m’ennuie jamais lorsqu’on me demande un autographe. D’ailleurs, dans ma voiture, j’ai toujours un lot de photos à offrir aux gamins qui m’arrêtent en rue. C’est curieux, mais lorsque je jouais à Monaco, je pouvais me balader en rue comme je voulais : personne ne me reconnaissait. Je passais totalement inaperçu au beau milieu d’un centre commercial. Je trouvais cela très étrange. Mais il m’est tout de même arrivé quelque chose d’extraordinaire à Barcelone. J’avais accompagné un neveu, pour l’aider à dénicher un travail dans un restaurant. La patronne l’a effectivement engagé, puis m’a demandé : – Et vous, il ne vous faut pas un travail ? Mon neveu et moi, nous nous sommes regardés, et avons éclaté de rire. La patronne s’est excusée, mais je n’ai pas été vexé. J’ai même trouvé cela amusant.

Vous vous êtes très bien adapté à Barcelone.

Je vis en périphérie, à Sant Cugat, mais j’aime Barcelone : les gens, le climat, la mer. J’adore aller à la plage. Lorsque je pars en vacances, c’est toujours au bord de la mer. J’aime tellement Barcelone que j’ai même appris le catalan…

sonia sanz, esm

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