LE JOUEUR

S’il est élu président de l’UEFA, Platoche veillera toujours à protéger le jeu. Une promesse essentielle !

Zurich, décembre 2006, quelques heures avant le gala du Footballeur FIFA. Hôtel Steigenberger. Michel Platini (51 ans) arrive, sympa comme toujours. Poignée de main franche et clin d’£il :  » La Belgique va voter pour moi, alors ? ». Le congrès de l’UEFA se choisira un nouveau président le 26 janvier à Düsseldorf : le Français défie le Suédois Lennart Johansson, en charge depuis 1990.

Platini est comme toujours en cravate, mais le col de sa chemise n’est jamais fermé. Tout au plus serre-t-il son n£ud un peu plus à mesure que l’occasion devient plus officielle. Cette légère décontraction vestimentaire alliée à un grand sourire quasi permanent dérange pas mal les vieilles badernes de l’UEFA. Surtout quand elles appartiennent aux aréopages les moins latins. Plus on va vers le sud de l’Europe, plus Platini est soutenu par les fédérations, sauf par l’Espagne. Plus on va vers l’Est, plus Platoche score également.

On imagine facilement les anti-Platini hausser un sourcil quand il débute une conférence de presse ou une allocution en disant que son anglais n’est pas parfait. Mais celui de Lennart Johansson, le président actuel qu’il défie, est-il meilleur ?  » Platini a un problème de fond « , disent ses détracteurs du Français. Platini n’a jamais été à l’université, certes, mais il y a mené des carrières brillantes dans le foot : joueur, coach, organisateur de Coupe du Monde, membre et consultant UEFA et FIFA. Va-t-il être blackboulé comme Michel Preud’homme l’a été à l’Union Belge parce qu’il n’était qu’un ex-joueur ?  » Preud’homme c’est différent, c’était un gardien « , se marre le Français.

Ce qui est bien avec Platini, c’est qu’une fois les discussions de droits de télévision évacués, on retombera très vite entre les lignes blanches pour parler de foot de manière authentique. Et on ose croire qu’il aidera le football à lutter contre ses démons, lui qui a toujours été un chevalier blanc du terrain tout en gagnant des titres.

Le soir du Gala du Footballeur FIFA à Zurich, Frank Leenders, le managing Director de TEAM, la société détentrice des droits de télé de la Ligue des Champions, s’approcha un moment de Platoche pour avoir son avis sur la qualité du jeu proposé. Et le bonhomme s’en est retourné soulagé quand le Français laissa tomber :  » Oui, j’ai vu des bons matches « .

Ses vues sur le foot

Au début, vous étiez pour conserver l’ancienne C1. C’était plus sportif ?

Platini : Ce qui est passé est passé, maintenant je trouve la formule bonne avec les huit groupes de quatre puis les huitièmes jusqu’à la finale. Les clubs veulent plus d’argent en jouant moins ? On a supprimé le deuxième tour des groupes, mais il faut que le spectacle soit là, autrement les gens ne regarderont plus les matches à la télé ! J’ai vu des grands matches à l’automne. Barcelone-Chelsea, par exemple. Et Lyon ? Très fort en France ( il rit).

Vous aimez le foot actuel ?

La vérité se situe dans l’entrejeu où il faut des techniciens, des bons joueurs. Or, tout le monde joue de la même manière : quatre défenseurs qui ne montent jamais. Et puis un entrejeu à quatre : des grands, des durs. Avec deux défensifs et deux flancs qui courent sans cesse le long de leur ligne : des sprinters de corridors. Ils tuent le football car où est la créativité ? Il y a bien deux gars devant qui sont censés créer, surtout celui qui est derrière l’avant de pointe qui court sur tout… Pas terrible pour avoir des beaux matches, hein ! ( il rit)

Avez-vous aimé la Coupe du Monde en Allemagne ?

C’était un très gros événement et c’est très difficile pour des joueurs qui disputent 64 matches par an de répondre à l’attente. Mais j’ai trouvé Allemagne-Italie très, très bon. Que faire pour améliorer le foot à ce niveau ? Commencer par dire au coach qu’il ne sera pas mis dehors à la fin de la compétition si les résultats ne sont pas là. Les coaches sont terriblement sous pression médiatique ! Quand on partait en stage avec l’équipe de France à Tignes en 1986, il y avait un journaliste avec nous, maintenant il y en a 150. Quand je jouais, les journalistes venaient faire les interviews dans les vestiaires après les matches ! Attention, la pression sportive existait, mais c’était la seule.

Jouer en équipe

Vous dites qu’il faut regarder vers le bas, vers la base…

On parle beaucoup de football au sein des instances européennes à Bruxelles mais également dans les prétoires de Charleroi suite à l’affaire Oulmers. J’aimerais que le foot soit le plus autonome possible. Vous savez, le vrai football français est né en 1972, suite à la grève des joueurs qui voulaient une charte contractuelle, une association nationale. Le foot doit se restructurer en se renforçant.

Et on dit que vous n’avez pas de programme…

C’est faux. J’ai toujours eu des idées précises. Lennart Johansson, lui, avait décidé de ne plus se présenter mais est reparti au combat quand il a appris que je me présentais ! C’est ça son programme : être contre moi ? Et quand j’entends que les quatre vice-présidents de l’UEFA et le trésorier menacent de démissionner si je suis élu, je clame que ce n’est pas éthique.

Il y a certainement des gens qui ne veulent rien changer…

L’administration de l’UEFA qui est anti-Platini parce qu’elle a peur que ça change. Il y a aussi des fédérations qui sont contre moi : l’Allemagne (elle est toujours contre la France), la Suède, l’Espagne, les Pays-Bas. Je suis très confiant parce que je suis toujours optimiste. Je pourrais faire de la démagogie en promettant d’augmenter sans cesse le nombre de participants à l’EURO mais ce ne serait pas un bon argument en termes d’organisation. Par contre, je ne suis pas contre le fait de tailler dans les privilèges de certains pays. Pourquoi certains ont-ils le droit de qualifier quatre clubs pour la Ligue des Champions et d’autres n’ont pas voie au chapitre ?

Les supporters doivent pouvoir garantir l’identité

Pourquoi être si optimiste malgré tout ?

J’ai une grosse expérience du foot et de bonnes idées pour son avenir. Je ne suis ni juriste ou économiste et j’ai quitté l’école à 17 ans. J’aurais évidemment besoin du conseil exécutif de l’UEFA pour avancer (c’est lui qui a le pouvoir, pas l’administration). Je ne suis pas contre le fait qu’une fédération veuille gagner de l’argent, c’est normal, mais il faut aussi défendre le jeu, le prestige et la popularité. Je crois, par exemple, à l’authenticité des clubs. Prenez Abramovitch à Chelsea. Qui est encore anglais à la direction, sur le banc et sur le terrain ? J’aime le système espagnol : les socios élisent leur président ! Les supporters doivent défendre l’identité du club en lui transmettant leur autorité. Car si on laisse faire les grands propriétaires, il n’est question que d’argent et de défaites… Avant, la défaite faisait toujours partie du sport et maintenant c’est devenu un drame. Ce n’est pas une attitude pareille qui va sauver les clubs car quand on pense à court terme, on ne protège pas ses jeunes Or, j’aimerais qu’on forme les jeunes pour jouer et pas pour les vendre.

Mais ce n’est pas l’intérêt des agents !

Non, ils veulent que tout le monde bouge tout le temps. Dans cette matière, il faut que les joueurs payent les commissions à leur agent et basta. Ce n’est pas aux clubs à le faire, d’autant qu’on en arrive à des situations où les agents touchent des deux clubs et ces derniers s’appauvrissent. Sans parler des rétro commissions et autres entourloupes.

Que feriez-vous en cas de non-élection ?

Je prendrais des vacances, et j’en profiterais pour courir et retrouver un corps d’athlète. Et puis, je jouerais beaucoup au golf, un sport que j’aime bien. Mon handicap ? 8.5. J’ai toujours eu du talent, hein ! ( il rit).

JOHN BAETE, ENVOYÉ SPÉCIAL À ZURICH

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