Le jeu des 7 erreurs

Le bilan de René Vandereycken sera jugé par l’Union Belge à la fin du mois. A-t-on encore le droit de fermer les yeux ?

C’est la quille pour le football belge depuis mercredi dernier et la nouvelle défaite des Diables, en Finlande. L’équipe nationale, qui n’a plus gagné depuis le 11 octobre 2006 et vient d’enchaîner 5 défaites, reprendra le boulot le 22 août, pour son match à Bruxelles contre la Serbie. Avec ou sans René Vandereycken ? Réponse à la fin du mois quand le top de l’Union Belge analysera son bilan. Mais on suppose qu’il sera maintenu, voire prolongé, tant les discours sont positifs et rassurants !

Il nous reste 6 étapes sur le chemin de croix des qualifications pour l’EURO 2008. La trêve de l’été est l’occasion de faire le bilan de Vandereycken, qui a dirigé 13 matches de la Belgique depuis début mars 2006. 4 victoires (Luxembourg, Arabie Saoudite, Arménie, Azerbaïdjan, excusez du peu…), 3 nuls (Slovaquie, Turquie, Kazakhstan) et 6 défaites (Serbie, Pologne, Tchéquie, 2 x le Portugal, Finlande) : ce n’est pas bon du tout, c’est même carrément catastrophique. Depuis que VDE a repris les Diables, leur chute au classement FIFA s’est poursuivie. La Belgique pointe aujourd’hui à la 62e place. Derrière la Guinée, le Mali, l’Iran, le Costa Rica, la Macédoine, le Burkina Faso, le Honduras, l’Angola, l’Ouzbékistan, le Panama et le Congo notamment…

Nous n’avions jamais été éliminés virtuellement aussi tôt dans la course à une qualification. Et notre sixième place dans le classement du groupe est menacée par le Kazakhstan (qui, en plus, a marqué autant de buts que nous) et l’Azerbaïdjan, dont les stars de l’équipe sont le boucher du coin et le jardinier municipal…

Comment en est-on arrivé là ? Et quelles sont les plus grosses erreurs commises par le coach fédéral ?

1re erreur : les sélections

Vandereycken nous a offert tout et n’importe quoi. Il a repris plus de 40 joueurs pour ses 13 matches comme coach des Diables. Certains de ses choix ont étonné, d’autres ont fait rire, d’autres encore ont carrément fait pleurer. Impossible, évidemment, de justifier logiquement certaines sélections abracadabrantes.

Quand il a repris Emile Mpenza à l’époque où ce joueur n’en touchait pas une dans le championnat du Qatar, VDE a pris comme justificatif le rapport de scouting nickel de Stéphane Demol, son adjoint. Demol était sûr de son fait : le foot au Qatar est d’un bon niveau. Ouais… On l’a bien vu quand Mpenza a enfilé le maillot des Diables : sa légendaire pointe de vitesse n’était plus qu’une chimère et sa maladresse devant le but ne l’avait pas quitté.

D’autres exemples ? Mbo Mpenza, souvent appelé alors qu’il cirait le banc d’Anderlecht. Koen Daerden qui, si on fait le ratio montant de transfert/efficacité, est le plus gros flop de l’histoire du Club Bruges. Anthony Vanden Borre, 30e homme à Anderlecht. Davy Schollen, troisième gardien au même Sporting et dont le temps de jeu se limite au zéro absolu. Carl Hoefkens, joueur anonyme de D2 anglaise (mais appelé 13 fois sur 13…). Bart Goor, en perdition à Anderlecht durant toute la saison 2006-2007. Geert De Vlieger, dont seuls les 2×20 se souviennent qu’il fut autrefois un bon gardien de but. Pieter Collen, Stijn Huysegems, Gill Swerts et Tom Caluwé, nobodies in the Netherlands. Nathan D’Haemers… c’est qui celui-là ? Philippe Léonard, touriste à Feyenoord. Jelle Van Damme, qui s’est troué dans ses 4 derniers clubs (Ajax, Southampton, Brême, Anderlecht). La liste n’est pas exhaustive.

A côté de cela, il faut gratter pour trouver trace de Logan Bailly, impérial durant presque toute la saison avec Genk et enfin appelé… quand il n’avait plus de jus. Thomas Chatelle ? Vandereycken n’y croyait pas. Tom Soetars ? Idem. Hans Cornelis ? Re-idem. Sébastien Pocognoli ? Re-re-idem. Wouter Vrancken ? Re-re-re-idem. Evidemment, tous ces joueurs ont un point commun qui les condamnait d’avance : ils jouent à Genk et Vandereycken est en pétard avec ce club depuis qu’il s’y est fait virer. La vengeance est un plat… Le coach toléra souvent un seul joueur de Genk dans son groupe : Kevin Vandenbergh, réserviste dans son club ! Allez comprendre.

En tout cas, le plat que VDE nous a servi depuis mars 2006 est un des plus indigestes de l’histoire du foot belge. La Belgique n’est pas une terre inépuisable de stars mais il était clairement possible de lancer des équipes plus efficaces, avec des joueurs plus motivés, sur le front des éliminatoires. En renonçant à son favoritisme pour certains joueurs et en oubliant certaines ranc£urs, VDE nous aurait probablement offert plus que 7 points sur 24.

2e erreur : le manque d’audace

Connaissant Vandereycken, il ne fallait pas s’attendre à du foot champagne avec les Diables. Son credo : un foot ultra organisé et réaliste. Ça passe quand les résultats suivent. Mais à partir du moment où un style indigne s’accompagne de contre-performances à répétition, ça ne passe plus du tout. Dans presque tous les matches qu’il a dirigés, la conception tactique du coach était critiquable, et elle a été critiquée ! Quand on reçoit le Kazakhstan, 140e au ranking FIFA, et qu’on lance sur le terrain 5 défenseurs centraux de formation (Hoefkens, Daniel Van Buyten, Thomas Vermaelen, Van Damme, Vincent Kompany) en plus de deux pare-chocs dans l’entrejeu ( Timmy Simons et KarelGeraerts), il ne faut pas espérer une avalanche de buts. On ne trouvait dans l’équipe que trois joueurs à vocation offensive : Thomas Buffel (qui n’a jamais convaincu avec les Diables), Bart Goor (qui se traîne péniblement vers sa fin de carrière) et Moussa Dembele. Résultat : 0-0. Etonnant ?

Les exemples de ce type sont innombrables. Lors des deux derniers matches, contre le Portugal et en Finlande, il n’y avait à nouveau que trois offensifs dans le 11 de base : Steven Defour, François Sterchele et Emile Mpenza face aux Portugais ; Tom De Mul, Defour et Emile Mpenza contre les Finlandais. Pas de quoi faire monter la moyenne de buts marqués : 5 en 8 matches éliminatoires, soit 2 fois moins que la Serbie et 3 fois moins que la Pologne et le Portugal. Tout s’équilibre, tout s’explique : les Belges ont 2 fois moins de points que la Serbie et le Portugal, et presque 3 fois moins que la Pologne !

3e erreur : le puzzle

S’obstiner à placer Hoefkens, vrai défenseur central, au back droit, c’est une aberration surtout quand on peut appeler deux vrais backs qui jouent une très bonne saison ( Eric Deflandre et Cornelis). Pour le poste sur le flanc gauche de la défense, il était logique de titulariser Pocognoli, souverain pendant toute la saison avec un Genk qui dominait le championnat. Ou Olivier Deschacht, le capitaine mauve. Mais quand c’est simple et logique, ça plaît rarement à Vandereycken. Alors, il a préféré y aligner presque systématiquement un joueur dont ce n’est pas la vocation première, comme Vermaelen. Léonard y a aussi reçu sa chance alors qu’il était 26e homme à Feyenoord. Et on ne sait toujours pas ce que vaut Sterchele en équipe nationale : il a été titularisé pour la première fois contre le Portugal à Bruxelles, mais en jouant sur le flanc gauche, il avait peu de chances d’être prolifique comme en championnat. Son truc, c’est rôder dans le rectangle et mettre le pied sur chaque ballon chaud ; pas préparer des actions et centrer. Après la défaite en Finlande, Vandereycken s’est à nouveau plaint d’un manque d’automatismes. Mais comment pourrait-on avoir des automatismes quand : 1. On change constamment son équipe ; 2. On met des joueurs à des places qui ne leur correspondent pas ; 3. On lance au feu des joueurs en méforme ?

4e erreur : la chape de plomb

Les internationaux ne réclament pas que l’équipe belge baigne dans une ambiance Club Med’, mais ils apprécieraient quand même une ambiance plus ou moins détendue. En cadenassant ses hommes, Vandereycken s’est aussi trompé. Il leur a vite interdit d’évoquer leur club lors des interviews durant les périodes de préparation aux matches des Diables. Karel Geraerts a une fois osé parler du Standard : il s’est fait reprendre de volée et VDE a lui-même réagi en boycottant la presse. Des journalistes n’avaient pas respecté sa consigne, tout le monde n’avait plus qu’à payer les pots cassés !

Autre exigence de Vandereycken : passer à l’hôtel la nuit suivant les matches, et écouter son debriefing du lendemain. Les Belges n’avaient pas l’habitude de ces mises au vert post-matches et n’apprécient guère.

5e erreur : la mauvaise foi

Après la défaite en Finlande, Vandereycken a rappelé qu’en matière de mauvaise foi, il n’avait de leçons à recevoir de personne. Il a signalé que les deux cartes jaunes de Marouane Fellaini étaient injustifiées et que son exclusion avait fait basculer le match en défaveur des Belges. Il en a profité pour faire allusion à la nationalité de l’arbitre : un Anglais, comme Roy Hodgson, l’entraîneur de la Finlande. Quel culot !

Fellaini méritait ses deux jaunes et la rencontre était pliée bien avant son exclusion, tant les Diables étaient ridicules et en panne d’imagination. Mais bon, on connaît le personnage. Quand il a soutenu publiquement Stijn Stijnen avant le match au Portugal, alors que le top de la Fédération souhaitait une sanction sportive après les déclarations du gardien de Bruges ( » Il faut casser Cristiano Ronaldo dans les 5 premières minutes « ), il a montré toute sa mauvaise foi.

Après la défaite à domicile en match amical contre la République Tchèque, il est allé jusqu’à gêner Georges Grün sur le plateau de Club-RTL. Grün, comme tout le monde, avait vu que les Belges avaient été catastrophiques. Quand Vandereycken est venu lui raconter qu’il avait vu de très bonnes choses et que ce match était riche en enseignements, Grün a dû garder son sérieux. Pas évident !

Les exemples pareils se ramassent à la pelle. Vandereycken a lancé que la presse était responsable des sifflets du public belge : à cause de leurs critiques négatives, les médias influencent le public et mettent – par ailleurs – une pression démesurée sur les épaules des joueurs. Et quand Vandereycken décide qu’il n’accordera plus d’interviews privées aux chaînes de télé qui n’ont pas acheté les droits des matches des Diables, il prouve à nouveau qu’il mélange tout et sort de son rôle. Depuis quand faut-il payer (cher) pour avoir le droit d’informer ? Et de quel droit le coach national prend-il une décision pareille, qui sort largement du cadre sportif ?

6e erreur : les répétitions générales

Les Belges ont loupé l’EURO 2004 et le Mondial 2006 – notamment – parce qu’ils avaient cochonné leur premier match éliminatoire, ce qui les avait directement condamnés à courir derrière les événements. Dans l’élaboration du calendrier éliminatoire pour l’EURO 2008, Vandereycken a obtenu ce qu’il voulait : débuter à domicile contre un petit du groupe. Les Belges ont commencé contre le Kazakhstan à Bruxelles, le 16 août 2006. Mais ils avaient joué leur dernier match de préparation le 24 mai, contre la Turquie. Près de trois mois ont donc séparé la répétition générale des grands débuts en match officiel. Une éternité. Trois personnes du staff de VDE avaient scouté le Kazakhstan, munies de leur caméscope. Il aurait été plus judicieux de roder sa propre équipe, plutôt que de concentrer ses efforts de préparation sur le jeu de l’adversaire.

Autre incohérence : le 7 février dernier, les Belges ont reçu les Tchèques. Ce match devait servir à préparer le déplacement au Portugal (24 mars). Dembele et Simons sont entrés au jeu alors qu’ils étaient suspendus pour le match au Portugal. On se fout de qui ? Après de telles décisions, le coach a moins que jamais le droit de servir l’excuse du manque d’automatismes.

7e erreur : le traitement de faveur

Dans le groupe élargi de René Vandereycken, il y a les privilégiés et les victimes. Hoefkens et Stijnen ont pratiquement tout joué alors qu’il y avait des solutions bien plus rassurantes à leurs postes. Cornelis et Bailly n’ont jamais rué dans les brancards quand ils étaient snobés alors que les deux titulaires inébranlables pédalaient dans la choucroute. Mais ils n’en pensaient pas moins.

Emile Mpenza est un autre privilégié. Il a d’abord été rappelé – et titularisé – alors qu’il n’en touchait pas une au Qatar. Et avant le match à domicile contre le Portugal, il a eu droit à quelques jours de congés alors que les internationaux qui n’étaient plus mobilisés par leur club devaient se farcir des tours de terrain en stage à La Panne.  » Emile m’a dit qu’il avait besoin de souffler et je lui ai accordé cette faveur « , a justifié l’entraîneur.

Autre absent : Peter Van Der Heyden. Il était en tournée avec Wolfsburg en Argentine. Pour les besoins de la… Copa Volkswagen. Alors que l’Union Belge avait le droit d’exiger sa présence à La Panne. Pendant ce temps-là, Van Damme et Mark De Man couraient autour d’un terrain en bord de mer… et leurs coéquipiers anderlechtois non retenus par Vandereycken ou un autre coach national fêtaient le titre dans un des meilleurs restaurants du pays. Deux poids, deux mesures. Pour l’unité et la solidarité d’un groupe, ce n’est jamais une bonne chose d’offrir à certains ce que l’on refuse à d’autres. l

par pierre danvoye

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