Avec ses 15 ans de carrière et ses 32 ans, le rouquin de Gand est un capitainequ’on a intérêt à écouter.

Dans l’esprit de beaucoup de gens, La Gantoise avait atteint son sommet la saison dernière, avec Michel Preud’homme. Mais, sous Francky Dury, les Buffalos confirment, au point de pouvoir être considérés, peut-être, comme des candidats au titre.

Quelle est la force de l’équipe actuelle ?

BerndThijs : Son collectif. Et aussi la largeur de son noyau. S’il y a l’un ou l’autre joueur blessé ou fatigué, on peut le remplacer par un autre sans que le rendement s’en ressente.

Est-il possible de faire mieux qu’avec Preud’homme ?

Cela signifierait devenir champion… Ou alors, combiner une deuxième place avec un très beau parcours dans une autre compétition…

Les prestations de l’équipe suivent en tout cas une courbe ascendante.

On poursuit sur la lancée de la saison dernière. Au début, on a éprouvé quelques difficultés à s’adapter au nouveau système de jeu instauré par Dury, mais dès qu’on l’a assimilé, la machine s’est mise en route. Preud’homme et Dury sont deux personnalités très différentes. Michel était un gagneur, il avait parfois du mal à contenir ses émotions. Francky veut gagner aussi, mais il est plus calme. Son système de jeu est plus axé sur la position et la circulation du ballon, alors que Preud’homme préconisait un jeu plus direct. Dury a un style plus  » hollandais  » finalement.

Paradoxal, alors que c’est Preud’homme qui est parti aux Pays-Bas !

Preud’homme ne préconisait pas le kick and rush. Simplement, il demandait que si on avait l’occasion d’adresser une passe en profondeur plutôt qu’une passe latérale, il fallait privilégier la passe en profondeur. Je ne peux pas dire que j’avais un torticolis à force de regarder les ballons qui me passaient au-dessus de la tête car je touchais beaucoup de ballons aussi. Mais la manière de fonctionner des deux médians défensifs était un peu différente avec Preud’homme : il voulait qu’on suive l’élément de l’équipe adverse qui s’infiltrait, alors que Dury préfère que l’on reste positionné dans sa zone et que l’on coupe la ligne de passe. Ce sont des détails, mais ils ont leur importance et cela prend un peu de temps pour les assimiler.

On raconte que Preud’homme interdisait à Bojan Jorgacevic de relancer vers son défenseur le plus proche.

Bojan est un très bon gardien, doté de réflexes étonnants, mais son jeu au pied n’est pas sa première qualité. Michel préférait éviter les risques et lui demandait, effectivement, de dégager plutôt que d’essayer de combiner avec ses défenseurs. Dury préfère que l’on construise le jeu depuis l’arrière et que l’on procède par paliers. Si l’équipe affiche une telle sérénité actuellement, c’est aussi grâce à la confiance qu’on a emmagasinée. On fait courir l’adversaire derrière le ballon et on impose notre rythme.

La transition entre Preud’homme et Dury ne s’est pas faite sans heurts. On raconte qu’il y aurait eu quelques mouvements d’humeur dans le vestiaire…

Les mois de juillet et août sont toujours délicats dans un club, car on est encore en pleine période de transfert. Le noyau gantois est étoffé, et certains joueurs qui jouaient peu ont manifesté leur envie de partir. Il s’est passé des choses inacceptables. Je ne vais pas tout révéler sur la place publique, c’est de la cuisine interne. Le 1er septembre, heureusement, tout est rentré dans l’ordre et on a pu recommencer à travailler dans le calme.

 » Parler, c’est l’une de mes forces « 

Il paraît que vous êtes très influent dans le vestiaire. C’était même le cas lorsque vous étiez blessé, dit-on…

J’ai été longtemps blessé, mais je passais beaucoup de temps au club, pour ma rééducation et pour sentir battre le pouls de l’équipe. J’assistais à tous les matches, même en déplacement. Je prends volontiers la parole, c’est exact. Et en tant que capitaine, je trouve normal d’avoir de l’influence. Lorsque je parle, c’est surtout pour aider, pas pour critiquer.

Etre capitaine ne consiste donc pas uniquement à jouer le toss ?

Bien sûr que non, il faut d’abord soigner ses prestations personnelles. Cela ne sert à rien d’engueuler les autres si on n’est pas soi-même exempt de tout reproche. Les entraîneurs m’encouragent à parler, certains m’ont même dit : – Mêmesitunejouespasbien, tudoisguidertespartenairescarc’estl’unedetesforces ! J’essaie aussi d’aider ceux qui en ont besoin, de conseiller les jeunes ou les étrangers qui débarquent.

Estimez-vous avoir certains mérites dans l’éclosion de Yassine El Ghanassy, par exemple ?

Je lui ai toujours beaucoup parlé et son père m’a d’ailleurs encouragé dans ce sens. Mais, au bout du compte, c’est à lui que cela revient. C’est un joueur de talent et un bon gars. Il a parfois la langue trop bien pendue, mais il a le c£ur sur la main. Aujourd’hui, il doit prendre ses responsabilités : c’est devenu un international et un joueur important pour l’équipe. Il est adulte, il doit devenir mature.

Yaya Soumahoro, arrivé de Thaïlande, s’est rapidement blessé. Lui aussi, vous l’avez aidé ?

Tout à fait. J’ai rapidement compris que c’était à la fois un très bon joueur et un vrai sportif : il ne s’est jamais comporté en starlette, il ne demande qu’à travailler pour progresser.

Parlez-vous également avec la direction, pour discuter des primes par exemple ?

Ce rôle revient en principe à Marko Suler et à moi. Parfois, Tim Smolders et Jorgacevic nous rejoignent. Mais on discute d’abord entre nous, et on est ensuite chargés d’aller transmettre les desiderata du groupe à la direction.

Vous êtes dur en négociations ?

Parfois, oui. Lorsque la direction ne veut pas lâcher et que nous ne voulons pas davantage faire de concessions. Mais on finit toujours par trouver un terrain d’entente.

 » Un retour à 18 équipes, ce n’est pas bon « 

12 clubs sur 16 ont voté le retour à l’ancienne formule : 18 clubs sans play-offs. Qu’en pensez-vous ?

En principe, il est plus intéressant de jouer des gros matches. La Belgique peut-elle se permettre une D1 à 18 équipes ? Les règles des play-offs sont connues dès le départ : se plaindre après, parce qu’on a perdu un ticket pour la Ligue des Champions ou pour l’Europa League qu’on croyait avoir mérité après 30 matches, c’est une réaction enfantine. Les play-offs ont réussi à Gand, qui a terminé deuxième grâce à cette formule, mais c’est aussi tout un art de se préparer pour être au top de sa condition au moment opportun. La saison dernière, on s’était entraîné différemment avant les play-offs et c’est peut-être cela qui nous a conduit vers un pic de condition à cette période-là. On peut toujours discuter de la formule de championnat. Mais retourner à 18 équipes, à mon avis, ce n’est pas une bonne chose.

Et le foot à Noël, vous êtes pour ?

J’ai trois enfants. Je préférerais, comme tous les pères de famille, être à leurs côtés pendant les fêtes. Mais je suis professionnel et je dois accepter les décisions de la Ligue. Je regrette simplement que, cette année, Gand doive encore jouer le 30 décembre plutôt que le 29, alors qu’on est déjà sur la brèche depuis le mois de juillet, avec les tours préliminaires de la Ligue des Champions. Cela fait encore un jour de plus loin de la famille.

Comment avez-vous vécu votre longue indisponibilité, la saison dernière ?

Mal : c’était une simple déchirure à l’adducteur, mais je ne parvenais pas à m’en débarrasser. Je travaillais dur, sans résultat tangible : c’est surtout cela qui était frustrant. Après mon opération, cela a été mieux. Aujourd’hui, je n’ai plus de problème à ce niveau. J’ai simplement encore un peu mal à un os situé à l’arrière du pied, suite à un tackle reçu à Lisbonne, mais cela n’a rien à voir avec mes adducteurs. On a ajusté ma semelle pour que je sois plus à l’aise dans ma chaussure.

 » Sef Vergoossen, c’est le top « 

Vous jouez en D1 depuis 15 ans. C’est au Standard que tout a débuté.

J’y ai passé sept ans, dont trois chez les jeunes. L’Académie n’existait pas encore, mais j’ai vécu l’entrée de Luciano D’Onofrio à la direction. Il ne me reste plus d’équipiers de l’époque, mais c’est toujours un plaisir pour moi de retourner à Sclessin. J’y connais encore beaucoup de monde : des stewards, des responsables du matériel, Dominique D’Onofrio que j’ai eu comme entraîneur adjoint. Robert Waseige m’a lancé en D1 lors d’un match à Alost, à cinq minutes de la fin. C’était 1-0 pour les Flandriens et j’ai égalisé d’une frappe du pied gauche dans la lucarne. A 17 ans, j’ai fait la une de tous les journaux. J’ai aussi connu Tomislav Ivic comme entraîneur.

A 21 ans, vous êtes parti à Genk…

Lorsque je suis entré dans ma dernière année, le Standard m’a proposé de prolonger, mais pas à ses conditions… J’étais prêt à terminer la saison, pour partir gratuitement. Genk a payé 1,25 million, c’était beaucoup à l’époque. Johan Boskamp était l’entraîneur, mais feu son épouse était déjà très malade et il avait d’autres choses en tête que le foot. En outre, il y avait 12 nouveaux joueurs et la sauce n’a pas pris. On a terminé 12e. La saison suivante, Sef Vergoossen est arrivé, et avec un noyau quasiment identique, on a été champion. Je me dis souvent que j’ai vécu la même chose que le Genk actuel de Frankie Vercauteren. Sauf qu’à l’époque, c’était Wesley Sonck qui convertissait chaque touche de balle en but, et pas Jelle Vossen. En Ligue des Champions, on a affronté le Real Madrid, l’AS Rome et l’AEK Athènes. C’était fantastique. J’ai aussi été repris dans le groupe des Diables Rouges qui s’est envolé pour la Coupe du Monde 2002. En tant que Limbourgeois, cette période à Genk fut très spéciale pour moi.

Mais vous n’avez pas pu résister à l’étranger !

Ce fut un peu la même histoire qu’au Standard. J’avais signé un contrat de cinq ans et j’étais devenu capitaine après le départ de Josip Skoko. Durant ma quatrième saison, j’ai été appelé pour discuter d’une prolongation. On voulait former l’équipe autour de moi mais les négociations furent ardues. On a fini par trouver un accord, mais lorsque j’ai accepté de signer mon nouveau contrat de cinq ans, la direction a fait marche arrière et a souhaité revoir certains points du contrat. J’étais vexé et j’ai répliqué : – Laisseztomber ! Je suis parti à Trabzon, au fin fond de la Turquie.

Une erreur ?

Pas vraiment. Il y a peu à faire en ville, mais quelle équipe ! Avant Bursaspor cette année, c’est la seule équipe non stambouliote qui soit devenue championne. Après dix matches, on était en tête avec huit victoires et deux partages. Puis, j’ai eu une altercation à l’entraînement avec deux vedettes locales qui pouvaient tout se permettre, et j’ai été écarté.

Là, vous êtes parti à Mönchengladbach : l’un des premiers Belges à le faire.

Il y avait déjà Joris Van Hout et Nico Van Kerckhoven. Filip Daems m’a suivi, puis Wesley Sonck. J’ai débarqué à la trêve, et sous un certain Dick Advocaat, j’ai joué 15 matches sur 17 au deuxième tour. On s’est sauvé. En période de préparation à la saison suivante, le Borussia a joué un match amical… à Genk où mon copain Koen Daerden m’a cassé le pied. Dix semaines d’indisponibilité. Une fois guéri, j’ai récupéré ma place de titulaire, avec une belle 11e place à la clef. La troisième saison, j’étais encore titulaire, mais à la trêve, le Néerlandais Jos Luhukay a succédé à Jupp Heynckes au poste d’entraîneur. Pour Sonck et moi, c’était terminé. Lorsqu’il y avait des blessés, il préférait aller chercher des Juniors de 16 ans dans le noyau B plutôt que de nous aligner. Ses entraînements, à la hollandaise, étaient agréables, mais comme être humain… Je préfère ne pas en parler.

En 15 ans de carrière, qui vous a marqué comme entraîneur ?

Vergoossen, surtout. Le top, à la fois comme entraîneur et comme être humain. C’est lui qui m’a vraiment fait prendre conscience de mes possibilités. Il avait sa ligne de conduite, à laquelle il ne dérogeait jamais. Il peut paraître très calme, mais lorsqu’il s’énerve dans le vestiaire, il n’y a pas pire que lui. Les murs tremblent. Preud’homme m’a aussi beaucoup impressionné. Quand j’étais blessé, il a toujours été derrière moi pour m’encourager.

Songez-vous encore à l’équipe nationale ?

J’avais été repris pour le match amical contre la Bulgarie, que l’on a gagné 2-1 dans les derniers instants. J’étais monté en deuxième mi-temps et je pense avoir donné satisfaction. J’étais aussi du voyage en Finlande, où j’ai remplacé Christophe Lepoint, blessé. Ce n’était pas un match très enthousiasmant et je n’ai été ni meilleur, ni moins bon que les autres. J’ai été un peu déçu qu’on ait finalement rappelé Timmy Simons qui a les mêmes caractéristiques que moi. Mais que puis-je dire ? A part livrer de bonnes prestations sur le terrain et espérer une nouvelle convocation…

PAR DANIEL DEVOS

 » Preud’homme était un gagneur qui avait parfois du mal à contenir ses émotions. Dury veut gagner aussi, mais il est plus calme. « 

 » El Ghanassy a parfois la langue trop bien pendue, mais il a le c£ur sur la main. « 

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