A la rencontre du nouvel homme fort de la Ligue Pro.

« Originaire de Saint-Trond, où je suis né le 2 avril 1966, il était sans doute inscrit dans la logique des choses que mes pas me conduisent un jour au Staaienveld local. D’autant plus que mon père était un fervent partisan des Canaris. Jadis, il avait vécu les heures de gloire du club à l’époque où, sous la direction d’un certain Raymond Goethals, les Jaune et Bleu faisaient frémir les meilleurs. Et Anderlecht en particulier. Le premier match auquel j’ai assisté, au côté de mon paternel, était d’ailleurs l’un de ces sommets, face aux Mauves. Je m’en souviens comme si c’était hier. J’avais six ans, je n’étais guère plus haut que trois pommes – des Jonagold, évidemment – ( il rit) et mes favoris avaient contraint le Sporting au partage : 1-1. Logiquement, les joueurs trudonnaires auraient dû s’imposer ce jour-là. Mais les joueurs de la capitale avaient hérité d’un penalty-cadeau à cette occasion, converti par Robby Rensenbrink. C’était monnaie courante à l’époque : Paul Van Himst, ou plutôt Polle Gazon, s’écroulait dans les seize mètres et son coéquipier hollandais se chargeait de la transformation du péno ( il rit).

A partir de cet âge-là, j’ai toujours été un inconditionnel des matches à domicile. Même si le STVV est rentré dans le rang, par rapport aux temps héroïques qu’avait vécus mon père, j’ai quand même connu bon nombre de chouettes moments là-bas. Grâce à Danny Boffin, entre autres. Nous sommes tous deux de la même génération et il nous est même arrivé de jouer à l’une ou l’autre reprises l’un à côté de l’autre au sein de la ligne médiane. Non pas en formations d’âge du club, détrompez-vous, mais dans l’équipe du collège Sint-Trudo que nous fréquentions. Au même titre, par ailleurs, qu’un troisième larron, le gardien Roland Velkeneers. En ce temps-là, déjà, il ne fallait pas être grand devin pour se rendre compte que ces deux-là allaient faire carrière dans le monde du football. Dans l’équipe de l’école, ils survolaient déjà les débats. A côté d’eux, les autres, dont moi-même, ne faisions que de la figuration sur un terrain. Reste qu’en matière d’études et d’assiduité aux cours, nous avions peut-être aussi quelques longueurs d’avance sur eux ( ilrit) « .

Un mémoire sur les étrangers

 » Mon père, s’il n’était pas réfractaire au football, loin s’en faut, préférait quand même une tête bien pleine à toute autre considération. C’est la raison pour laquelle il n’était question de sport, chez nous, que le week-end. En semaine, tout était toujours focalisé sur les études. Ou des matières sérieuses. A ses heures perdues, mon père était artiste. Il peignait, sculptait. D’ailleurs, il s’adonne toujours à ces passe-temps favoris. Sa passion explique pourquoi je me suis intéressé très tôt à ces arts. Tout en m’appliquant à l’école puisque j’ai accompli toutes mes études en section latin-mathématiques. Mais davantage que les sciences, c’était le droit qui m’intéressait au plus haut point. J’ai fait une licence normale à la KUL, entre 1984 et 89, puis je me suis spécialisé durant un an dans le droit européen et international aux université de Liège et Louvain-la-Neuve. Ce qui m’a permis, au passage, d’améliorer ma connaissance de la langue française. Mon mémoire était consacré au ballon rond puisqu’il avait trait sur l’incidence de la formule des trois étrangers, plus deux assimilés, dans le football belge. Eh oui, il n’était pas encore question de Jean-Marc Bosman à ce moment !

Avocat au barreau d’Hasselt, dès 1990, j’ai commencé par effectuer un stage auprès de Maître Kris Goovaerts. Puis, j’ai volé de mes propres ailes durant une période de trois ans. En 93, Saint-Trond était en quête d’un avocat susceptible de remplacer au pied levé Guy Lambeets, appelé à d’autres fonctions. Comme mon père connaissait le secrétaire du club, Ghislain Castermans, j’ai posé ma candidature. Et elle a été retenue. Je n’en revenais pas car je n’avais jamais que 27 ans au moment des faits et que je faisais réellement figure de jeune freluquet par rapport à tous les autres candidats. Mais peut-être l’aspect pro deo avait-il joué un rôle. Car il n’y avait pas la moindre compensation financière en échange de cette aide juridique. Au départ, je m’en étais parfaitement accommodé. Il est vrai que les sollicitations n’étaient pas très nombreuses. Mais au bout d’un certain temps, les quelques heures par semaine étaient devenues des jours entiers. Dans ces conditions, il devenait difficile de continuer pour rien.

Dès lors, mes attributions ont changé, en même temps que ma situation financière. J’ai été effectivement davantage impliqué dans la gestion journalière du club. Au début, je devais aider dans des conflits d’ordre juridique mais, par la suite, j’ai été consulté dans l’élaboration des contrats, le dossier concernant la licence, etc… En deux temps trois mouvements, je me suis retrouvé correspondant qualifié du club puis représentant du STVV à la Ligue Pro. En février 2004, j’ai été nommé directeur général des Canaris. Dans la foulée, j’ai été appelé également à épauler la commission des licences. Sans le vouloir vraiment, j’ai donc débordé du cadre de Saint-Trond pour en arriver à d’autres implications à un niveau supérieur, concernant tous les clubs professionnels du pays. C’est pourquoi, au moment où il fut question de la création d’un poste de directeur général à la Ligue Pro, d’aucuns me poussèrent à poser ma candidature pour cette fonction. Quand j’ai vu quels critères étaient requis, autrement dit une expérience juridique et une bonne connaissance du milieu du foot, je me suis dit que je répondais quand même à ce profil et j’ai tenté ma chance. C’est la toute première fois de ma vie que je sollicitais pour une fonction. Et ce fut dans le mille « .

Pour un championnat plus long

 » Il va de soi que je dois encore découvrir pleinement ce nouveau milieu et ses arcanes. Mais je n’en ai pas moins mon point de vue et certaines idées que je suis bien disposé à ventiler. La première, c’est que la Ligue Pro doit absolument se défaire au plus tôt de cette étiquette négative qui lui colle aux basques. La Ligue Pro, ces derniers mois, c’est le G5 contre le G13, c’est la guéguerre pour les droits télé, c’est l’affaire Ye, j’en passe et des meilleures. Jamais, au grand jamais, il n’est question de choses positives. Il faut que ça change.

Sous la houlette de Robert Sterckx, une méthode avait été mise au point, la saison passée, pour l’élaboration d’un nouveau calendrier, par exemple. Elle permettait à la fois de respecter les desiderata des clubs et de la Ligue, en faisant en sorte, par exemple, que jamais les grands ne jouent en même temps à domicile. C’était un concept révolutionnaire mais personne n’en a parlé, malheureusement. Peut-être est-ce dû à la Ligue elle-même, qui ne sait pas suffisamment se vendre. Sous cet angle-là, il faut que la situation change aussi. Deux sponsors – Jupiler et Belgacom pour ne pas les nommer- pour servir les intérêts des clubs pros en Belgique, c’est trop peu. A côté de ces main sponsors, il faut s’ouvrir à d’autres partenaires, un peu à l’image de ce que l’Union Belge avait fait à l’époque du duo Michel D’Hooghe-Alain Courtois avec des parraineurs principaux et d’autres, secondaires, mais autant impliqués ou concernés.

Nous devons dégager plus d’argent pour les clubs pros, non seulement par le biais de nouveaux sponsors mais également par un contrat télé revu à la hausse. Une manne de 36 millions par an, comme c’est le cas actuellement, c’est tout simplement insuffisant. Je ne prétends pas que nous devons nous aligner sur les chiffres anglais, allemands, voire ceux d’autres compétitions d’envergure comme l’Italie, l’Espagne ou encore la France. Mais si la fédération norvégienne parvient à glaner 40 millions d’euros par an pour une compétition qui n’est pas à l’aune de la nôtre et pour un marché de moindre envergure que le nôtre, puisque la Norvège compte 7 millions d’habitants à peine, je me dis que nous pouvons résolument viser les 50 voire 55 millions d’euros.

Certains crieront peut-être au fou, face à cette augmentation. Mais une compensation est tout à fait envisageable de la part des clubs pros eux-mêmes. Sous la forme d’un accroissement du nombre de matches, par exemple. Je ne dis pas qu’il faut augmenter le nombre de clubs parmi l’élite, loin s’en faut. Non, je suis favorable à plus de matches, car ils sont fréquemment synonymes de plus d’intensité. Ces deux dernières années, le championnat a été plié tour à tour lors de la dernière et de l’avant-dernière journée. Et il a concerné respectivement trois et deux clubs. Ajoutez quatre rencontres de plus et ce sont trois ou quatre équipes de plus, en principe, qui tiendront tout le monde en haleine. Pour y parvenir, les idées ne manquent pas. Comme un championnat avec playoffs, par exemple. Il ne m’appartient nullement de me prononcer à ce sujet. Mais s’il y a réforme, il faut que ce soit une bonne réforme. Et qu’elle rende la compétition plus captivante encore qu’elle ne l’est actuellement. Pour moi, on peut y parvenir avec plus de matches. Et pour ce qui est des journées supplémentaires à prévoir, je pense qu’on pourrait très bien s’inspirer des exemples anglais ou hollandais en réduisant singulièrement la trêve hivernale. La période de fin d’année est traditionnellement synonyme de fête en famille. Pourquoi ne pourrait-elle pas être une fête en football aussi ? »

par bruno govers – photos: reporters/buissin

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