Bruno Govers

Après un début de saison en fanfare, le gardien hennuyer se retrouve sur le banc dans son club et n’est même plus repris chez les Espoirs.

A l’occasion de notre récente enquête sur les meilleurs joueurs du premier tour de la compétition, secteur par secteur, Michaël Cordier (22 ans), le jeune gardien du Brussels, se classait sixième dans sa catégorie derrière ses collègues Daniel Zitka, Logan Bailly, Luciano Da Silva, Frédéric Herpoel et Barry Copa. Un détail le singularisait toutefois de tout ce beau monde, ainsi que de Ronny Gaspercic, Stijn Stijnen, Cédric Berthelin et Olivier Renard, qui complétaient le Top10 : son statut. Contrairement à tous ceux-là, incontournables entre les perches de leur club respectif, l’ancien portier des Loups, lui, avait dû composer, en toute fin de parcours, avec la concurrence du routinier Patrick Nys (38 ans), qu’il n’a pas réussi à déloger depuis lors.

Michaël Cordier : Tout avait bien commencé pour moi, sous la forme d’une titularisation immédiate dans mon nouveau club, ainsi que d’une entrée remarquée en championnat, sous la forme d’un 10 sur 12. Par la suite, même si l’équipe avait perdu de sa superbe au point de rentrer sensiblement dans le rang, je m’étais tout de même montré sous mon meilleur jour en contribuant à l’obtention de l’une ou l’autre unités précieuses. A l’analyse des matches auxquels j’ai participé, seules deux prestations m’auront laissé un petit arrière-goût amer : le déplacement à Beveren, où une sortie malencontreuse de ma part a eu pour effet de permettre aux Waeslandiens de recoller au score, et le but que j’encaisse à domicile contre Charleroi, sur un envoi lointain de Sébastien Chabaud. Au total, j’ai donc coûté deux points et commis autant de péchés véniels sur l’ensemble de mes sélections. Bien que je le dise moi-même, c’est peu en regard des bourdes et autres approximations que j’ai relevées chez d’autres keepers aux noms plus ronflants que le mien. C’est pourquoi ma mise à l’écart contre Anderlecht et ma situation de réserviste, dès ce moment-là, me font mal « .

Après le derby, Albert Cartier avait défendu son choix en faveur de Patrick Nys sur base de ce qu’il avait vu au préalable, à l’entraînement, et non, selon ses dires, sur des situations de matches.

Personne n’est transcendant d’un bout à l’autre de la saison. J’ai peut-être été un peu moins performant, en semaine, avant la venue des Mauves, c’est exact. Mais la veille de la rencontre, j’étais bien et désireux de flamber pour les besoins de mon premier derby bruxellois. Aussi, ma non désignation pour ce match de prestige aura-t-elle eu, pour moi, l’effet d’une gifle. D’emblée, j’ai demandé au coach quels étaient ses motifs, car je ne comprenais pas les raisons de ma mise à l’écart. Il m’a répondu qu’on s’expliquerait après coup. La semaine suivante, nous avons alors eu une très longue conversation. L’entraîneur m’a formulé son point de vue et j’ai exposé le mien. Il avait ses arguments, moi j’avais les miens. Mais en dernier ressort, c’est lui qui fait l’équipe, évidemment. Et, depuis cette date, je dois me contenter d’un rôle dans l’ombre.

Standard ou Westerlo

L’entraîneur vous a dit, semble-t-il, que les clés de votre avenir étaient entre vos mains seules et que c’est vous, et non lui, qui alliez déterminer si votre avenir se situerait au Standard ou dans des clubs comme Westerlo ou le Germinal Beerschot.

Jouer à Westerlo ou au Germinal Beerschot ne m’intéresse pas. Si je quitte un jour le Brussels, c’est avec l’espoir de faire un bond plus conséquent. J’aurais d’ailleurs pu aboutir au Standard ou à La Gantoise, l’été dernier. Si j’ai opté pour le club de la capitale, c’est parce que j’y avais l’opportunité de parfaire mon métier, alors que dans un entourage plus huppé, j’aurais probablement dû patienter avant d’acquérir de l’expérience. Sous cet angle-là, j’aurai été comblé durant mes premiers mois au stade Edmond Machtens. En revanche, je serai resté singulièrement sur ma faim ces dernières semaines.

Logan Bailly, Olivier Renard et Stijn Stijnen, pour ne citer qu’eux, ont parfois été montrés du doigt cette saison en raison d’interventions malencontreuses, pour ne pas dire plus. S’ils ont tous ont gardé la confiance de leur entraîneur, c’est probablement parce que leurs moments d’égarement ont été compensés par des attaquants performants. Ce n’est pas le cas au Brussels. Ne regrettez-vous pas, dès lors, de ne pas avoir privilégié le Standard ?

Non, je ne me plains nullement de mon choix. J’ai à c£ur de ne pas brûler les étapes et c’est pourquoi j’ai abouti au Brussels en provenance de La Louvière. C’est vrai que certains, qui évoluent au plus haut niveau, ont droit à plus d’indulgence, peut-être pour les raisons que vous avancez. D’un autre côté, le défi reste malgré tout plus exaltant, à mes yeux, dans le club que j’ai choisi plutôt qu’au sommet. A mon âge, un gardien ne peut pas se satisfaire de ramasser quelques balles perdues comme c’est le cas, souvent, au sommet de la pyramide. Au contraire, il doit être sollicité tant et plus pour accumuler les situations de jeu. Chez les Loups, j’ai été servi de ce point de vue. Et au Brussels, je ne chôme pas non plus. Le challenge, c’est de garder le zéro au marquoir et j’y suis quand même arrivé plusieurs fois.

D’un club à l’autre, quelle est la différence ?

A La Louvière, j’étais davantage mis à l’ouvrage. Ici, je dois un peu moins m’employer, dans la mesure où j’ai beaucoup de monde pour me protéger devant mon domaine. Ce qui a changé aussi, c’est la perception qu’on a de moi. Au Tivoli, j’avais encore droit à une certaine mansuétude de la part des suiveurs. Chez les Coalisés, je n’ai tout simplement pas le droit à l’erreur, aussi minime fût-elle. Sans quoi il y a du changement en perspective, comme je l’ai vérifié à mes dépens.

Au terme du dernier match à domicile entre le Brussels et Zulte Waregem, vous aviez été le premier à féliciter Patrick Nys après sa communion avec le public.

C’est normal. Je suis son premier supporter quand il joue et je sais que lui me le rend bien dans le cas contraire. J’ai apprécié son keeping ce soir-là et j’ai tenu à l’en féliciter avant les autres. Mon estime pour lui ne m’empêche cependant pas de lorgner sa place. Il le sait et fait l’impossible pour me rendre la vie dure. C’est bien car cette situation me pousse à me sublimer.

Des solidarités entre gardiens

Il existe donc bel et bien une solidarité entre gardiens ?

Je dirais plutôt qu’il existe des solidarités. Car la situation que je vis avec Pat n’est pas la même que celle avec d’autres gardiens. Un exemple parmi d’autres : Logan Bailly m’a téléphoné récemment suite à ma non convocation pour le match des Espoirs contre la Tchéquie. Je lui ai rendu la pareille en le consolant pour ne pas avoir été repris chez les A. C’est quand même invraisemblable : le portier de Genk a été régulièrement encensé pour ses prestations tout au long du premier tour et il est malgré tout snobé en équipe nationale. Comprenne qui pourra.

Votre propre situation interpelle : vous aviez toujours été appelé chez les Espoirs jusqu’ici et, sous prétexte que vous n’êtes plus titulaire au Brussels, vous devez céder la place à Glenn Verbauwhede du Club Bruges ?

J’avoue ne pas très bien saisir non plus. J’ai près de 50 matches de D1 dans les jambes, alors que mon vis-à-vis du Club ne s’est pas encore illustré à cet échelon. Les voies des sélectionneurs sont impénétrables. Mais je ne m’en formalise pas. Je continue à bosser, même si les conditions ne sont pas toujours favorables.

Votre entraîneur, Michel Piersoul, évoque à cet égard le désavantage lié au synthétique ?

C’est un aspect mais il n’y a pas que ça. Dernièrement, j’ai été appelé à disputer un match des Réserves à Zulte Waregem. C’était juste avant la clôture de la période des transferts et, dans ces conditions, il y avait davantage de joueurs résignés que de gars motivés au sein de l’effectif. Le résultat en dit d’ailleurs long, puisque nous avons perdu 6-1. Ce n’est pas l’idéal pour se montrer. Je suis gardien et non David Copperfield : quand les adversaires se présentent à trois contre un devant moi, je ne suis pas capable de les faire disparaître par un tour de magie. J’ai d’autant plus râlé qu’une partie du terrain n’était plus éclairée, à un moment donné, en raison de spots défectueux. Après avoir concédé trois buts de ce côté-là, j’ai exprimé mes griefs auprès de l’arbitre. Je ne voulais tout simplement pas continuer dans ces conditions et le referee a interrompu la partie l’espace d’un petit quart d’heure, jusqu’à ce que la lumière soit enfin rétablie. Durant cet intermède, l’entraîneur de Zulte Waregem, Franky Dury, m’a dit : – Gamin, ne fais pas le malin et joue. Je lui ai répondu que j’étais désolé mais que ma réputation et ma carrière étaient en jeu et qu’il était hors de question que je persévère dans ces circonstances. Finalement, il m’a donné raison.

Face à Zulte Waregem, mais en Première cette fois, Zola Matumona et Dieudonné Owona avaient trompé Pieter Merlier d’envois de 20 mètres. Albert Cartier avait loué ces essais, mais Franky Dury, lui, avait pointé un doigt accusateur envers son gardien. Qui avait raison ?

Tout dépend du camp où on se trouve : vainqueur ou vaincu. Moi, si j’avais pris ces buts-là, je ne pense pas non plus que j’aurais eu droit à beaucoup de compréhension. Il n’y a qu’une chose à faire dans cette situation : se remettre au travail. Le sérieux et la persévérance finissent toujours par payer. Sans compter que dans le monde du football, la roue peut tourner très vite. Il y a eu ainsi une époque, pas bien lointaine d’ailleurs, où Patrick Nys rongeait encore son frein dans le noyau B, au côté d’autres garçons comme Christ Bruno notamment. Quand je vois la manière dont ils ont tous deux rebondi, je me dis que je dois continuer à m’inspirer de leur exemple.

Euro et Jeux Olympiques

De Silvio Proto aussi ?

Bien sûr. Car lui aussi est bien placé pour savoir que la vérité d’un jour n’est pas celle du lendemain. Au moment où beaucoup croyaient qu’il était définitivement lancé à Anderlecht, il a eu ce coup d’arrêt sous la forme d’une grave blessure aux ligaments du genou. A présent qu’il est redevenu opérationnel, il doit faire face à la concurrence de Daniel Zitka, qui n’a jamais été aussi souverain qu’aujourd’hui. Voici peu, j’avais passé un coup de fil à mon ancien pote louviérois pour prendre de ses nouvelles. -Tiens-toi bien, mon nom est évoqué à Charleroi, me dit-il . Au moment même, je pensais à une blague. Mais non, les Zèbres étaient vraiment venus aux nouvelles pour lui. Quand j’y pense, c’est fou.

Vous-même, vous avez songé à partir lors du mercato ?

Non. Patrick Nys a beau accumuler les bonnes performances, je ne m’avoue pas vaincu, loin s’en faut. J’ai commencé la saison dans les buts de l’équipe fanion et je veux faire l’impossible pour la terminer dans les mêmes conditions. Pour l’instant, ma situation est comparable à celle que vit Silvio Proto à Anderlecht : il est barré par quelqu’un qui ne démérite absolument pas. La différence, c’est que Daniel Zitka est dans la fleur de l’âge tandis que Patrick Nys, lui, arrive petit à petit au terme de sa carrière. En principe, du moins, car la saison passée aurait déjà dû être sa dernière ( il sourit).

Il a même laissé entendre qu’il pourrait rempiler pour une saison supplémentaire ?

J’ai lu et entendu ça également. Pour lui, c’est du bonus. Mais en ce qui me concerne, je ne peux pas me permettre de rester sur le carreau trop longtemps. J’ai besoin de matches au plus haut niveau pour me bonifier. La situation que je vis ne peut donc pas s’éterniser. D’autant plus qu’indépendamment du Brussels, j’avais un autre objectif en fin de campagne : participer au Championnat d’Europe des Espoirs, qui se déroulera aux Pays-Bas en mai prochain avec, à la clé, un ticket en vue des Jeux Olympiques de Pékin. Tout cela ne peut laisser indifférent un professionnel.

Quel Michaël Cordier doit-on s’attendre à retrouver le jour où il récupérera sa place en Première ?

Un gardien hyper motivé et bien décidé à ne plus lâcher le morceau. Le jour où je reviendrai, ce sera avec la ferme ambition de m’installer pour de bon. J’ai reçu une gifle, ça suffit. Je ne me vois pas tendre l’autre joue à présent.

BRUNO GOVERS

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